A Air France, les syndicats prévoient sept nouvelles journées de grève

Emploi et Salaires par Valérie Forgeront

Entre les personnels d’Air France et la direction c’est le bras de fer. L’intersyndicale formée de dix syndicats qui représentent les trois catégories de salariés (navigants commerciaux/PNC, pilotes et personnels au sol) de la compagnie a déjà appelé à cinq journées de grève depuis le 22 février. Désormais, sept nouvelles dates sont prévues : les 7, 10, 11, 17, 18, 23, 24 avril.

Autant dire que cette programmation de la contestation traduit un durcissement évident du conflit. La direction campe sur sa position de refus de toute négociation d’une augmentation générale des salaires lesquels sont gelés depuis six ans. Alors que parallèlement à ce conflit s’ouvrent à Paris les Assises du transport aérien organisées par le gouvernement et visant notamment à chercher des solutions pour améliorer la compétitivité des compagnies françaises, les salariés rappellent leur revendication d’un mieux disant social et non le contraire comme semblent en rêver certains acteurs de ces Assises qui voient d’un mauvais œil une possible hausse des salaires à Air France.

De tendues en février, les relations sont devenues conflictuelles au mois de mars. En ce début avril, c’est carrément un bras de fer qui se joue entre les personnels d’Air France et la direction.

A l’initiative de l’intersyndicale toujours formée de dix syndicats, les trois catégories de salariés (navigants commerciaux/PNC, pilotes et personnels au sol) appellent à de nouvelles journées de grèves pour les salaires. Il y a eu les actions du 22 et du 27 février, celles des 23 et 30 mars puis celles du 3 avril. De nouvelles grèves étaient programmées les 7, 10 et 11 avril.

A l’issue d’une rencontre avec la direction « venue les mains vides » le 4 avril dernier à un « simulacre de négociations » s’indigne l’intersyndicale qui a rapidement quitté la séance, les salariés d’Air France ont ajouté quatre dates de grèves.

De nouvelles journées de débrayages sont donc annoncées les 17, 18, 23 et 24 avril.

L’entêtement de la direction pèse sur la compagnie

« La direction persiste dans la confrontation et assume de faire durer la grève. Cet entêtement a déjà fait perdre 100 millions d’euros » à la compagnie soulignent les dix organisations s’étonnant de l’attitude de la direction. « Quelle cohérence économique y a-t-il à préférer dilapider des centaines de millions d’euros en conflit social plutôt que de reconnaître qu’après six années de blocage, la demande des salariés est légitime ? »

Rappelant en effet leur perte de pouvoir d’achat pour cause de salaires gelés pendant six ans (sur 2012-2017), les personnels demandent une augmentation générale de 6% cette année et rejettent la décision unilatérale de la Direction de n’octroyer que 1% et qui plus est en deux temps. Cette décision qui aboutirait à une augmentation de seulement 0,55% sur douze mois est issue d’un accord salarial NAO signé le 1er février par la CFDT et la CFE-CGC mais rendu caduc après le droit de retrait de plusieurs syndicats dont FO.

Les syndicats -qui demandent depuis près de trois mois l’ouverture de nouvelles négociations salariales- rappellent que les bons résultats enregistrés par la compagnie aérienne pour 2017 devraient l’amener à récompenser les efforts fournis par les salariés, efforts qui ont permis à Air France de connaitre une telle embellie.

L’alibi économique

La direction s’y oppose arguant d’une mise en péril des finances de l’entreprise et de ses possibilités d’investissements. Elle indique ainsi que depuis 2011 Air France « s’est mobilisé pour réduire les coûts et ainsi retrouver des marges de manœuvres, réduire les pertes et éviter l’attrition. La revendication de +6% d’augmentation des salaires formulée par l’intersyndicale reviendrait à annuler ces efforts et à revenir en arrière en matière de coûts et de rentabilité ».

Et la direction d’expliquer en substance que les autres grandes compagnies, notamment les européennes (Lufthansa, British Airways…) affichent pour l’instant de meilleurs résultats économique qu’Air France, sous-entendu elles se tiennent en embuscade si la compagnie française ne poursuit pas ses efforts. « Nous avons accumulé trop de retard par rapport à nos concurrents » indique le P-DG du groupe Air France-KLM, M. Jean-Marc Janaillac. Faudrait-il alors que les salariés cessent leur combat pour les salaires ?

A la fin mars, c’est le discours que le P-DG a cru bon de faire passer dans un courrier adressé aux salariés en amont de l’ouverture à Paris des « Assises du transport aérien ». Selon M. Janaillac « nous ne serons pas entendus et nous n’obtiendrons rien si nous allons à ces Assises désunis et en conflit »…

Se faire entendre aux Assises du transport aérien…

Ces Assises à l’initiative du gouvernement consistent en différents rendez-vous qui se dérouleront jusqu’en juillet. Ouvertes le 20 mars par la ministre du Transport, M. Elisabeth Borne, laquelle a annoncé un recul (50 millions d’euros) du montant de la majoration relative à taxe d’aéroport payée par les compagnies, ces Assises réunissent autour de plusieurs thèmes de débats des représentants de l’industrie aéronautique, des compagnies aériennes ou encore des aéroports.

Ce grand rendez-vous vise à se pencher sur l’État de santé du « pavillon » français, concrètement des compagnies aériennes françaises. Air France est donc particulièrement concernée. Dans le cadre de ces Assises les discussions doivent porter notamment sur les capacités de compétitivité des compagnies françaises, l’évolution de la productivité au sein de ces entreprises, les coûts telles les redevances aéroportuaires et les coûts pour la sureté, les taxes spécifiques sur le transport aérien, le service aux passagers, l’environnement… A l’issue des différentes rencontres, le gouvernement devrait présenter des mesures en septembre.

Les personnels des compagnies, notamment les navigants, ont bien l’intention de se faire entendre eux aussi au cours de ces Assises. Et pour cause. « Depuis plusieurs années le transport aérien doit faire face à une concurrence féroce et parfois déloyale. Productivité accrue et course aux bénéfices semblent être les seuls objectifs à atteindre au détriment des conditions de travail des personnels navigants trop souvent considérés comme simple valeur d’ajustements des coûts » indique par exemple EurECCA (european cabin crew association), l’association européenne de navigants commerciaux dont le syndicat SNPNC-FO (1er syndicat présent chez les PNC et présent dans dix-huit compagnies) est un des neuf syndicats européens membres fondateurs.

La nécessité de construire une « concurrence loyale »

Pour EurECCA (35 000 adhérents) qui « revendique l’application des règles européennes aux compagnies aériennes qui on ou veulent avoir accès au marché européen » une « concurrence loyale doit se définir, entre autres, par un contrôle strict des subventions d’État mais également par un contrôle des conditions de travail du personnel navigant de ces compagnies ».

Des « formes d’emploi atypique » tels les contrats zéro heure au recrutement via agences d’intérim en passant par le contournement de la législation sociale française en imposant aux navigants -telle Ryanair- le droit irlandais alors que ces salariés ont leur base d’affectation en France… Pour EurEcca, il faut combattre le dumping social et l’optimisation fiscale pratiqués par certaines compagnies. Cela permettrait « de rendre la concurrence plus équitable en Europe car certaines compagnies aériennes ne pourront plus abuser de schémas visant à considérer la mobilité des PNC comme une stratégie économique ».

Pour les salariés du transport aérien civil, la lutte pour le respect des droits est loin d’être achevée. D’autant moins que les participants à ces Assises semblent déborder d’idées… La fédération nationale de l’aviation marchande estime que le « niveau des charges sociales et fiscales » en France est au cœur de la discussion sur la capacité de compétitivité des compagnies aériennes françaises. Il faudrait aussi simplifier la réglementation (actuellement coexistent des règles françaises et européennes) du transport aérien.

Le combat continue

Des représentants de compagnies proposent « une exonération de charges » sur les salaires des navigants –concrètement la suppression de cotisations sociales patronales- à l’instar de ce qui se pratique dans le transport maritime, leader de la réglementation sociale depuis de longues années. Certains soulignent l’existence de nombreux accords d’entreprises, sous-entendu, lesquels apporteraient trop de droits aux salariés… D’autres pointent le risque d’une augmentation des salaires chez Air France alors que les compagnies françaises, dont Air France, demandent un soutien financier à l’État…

Les salariés de la compagnie, eux, continuent leur combat pour une augmentation de leurs salaires, gelés depuis six ans. Prochaines journées de grèves les 7, 10, 11, 17, 18, 23, 24 avril. A moins bien sûr que la direction accepte d’ouvrir des négociations salariales.

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante