Alain-Éric a grandi à Limay, dans les Yvelines. Son premier emploi c’était à 20 ans, un contrat jeune à l’usine Renault de Flins. Mais il ne se voyait pas passer sa vie à la chaîne. Après une période d’intérim, un ami lui propose de devenir agent de sécurité privée. C’était en 2004, à l’époque le métier n’était pas du tout encadré, on cherchait juste des gros bras
, explique ce pratiquant de kick-boxing, aujourd’hui ceinture noire. Son premier employeur le toise des pieds à la tête, lui demande sa taille, son poids, son tour d’épaules… et l’embauche. Le métier n’a commencé à être réglementé qu’en 2009, avec l’arrivée de la carte professionnelle. Aujourd’hui on travaille avec la tête
, sourit-il.
Au fil des années, Alain-Éric multiplie les expériences, vigile, portier, maître-chien, agent de sécurité incendie, chef d’équipe… Il apprécie le contact humain et se sent utile en sécurisant les gens. Il est désormais contrôleur qualité chez Fiducial, deuxième acteur français de la sécurité privée. Je passe voir les équipes sur le terrain et je m’assure que tout va bien
, explique-t-il. Son périmètre d’intervention est vaste, toute l’Île-de-France et la Normandie. Il travaille de nuit, douze heures d’affilée, deux à quatre fois par semaine suivant les plannings.
C’est dur le travail de nuit, on a tous des troubles du sommeil, on est décalés, on récupère moins bien
, admet-il. Lui tient grâce au café et aux vitamines, mais ne se voit pas suivre ce rythme sur le long terme.
Dans la branche, le travail de nuit n’est majoré qu’à 10 %, comme le dimanche. Seuls les jours fériés sont payés double. Et le premier niveau de la grille salariale est inférieur au Smic. Beaucoup d’agents cumulent deux emplois pour s’en sortir,
Les agents de sécurité, toujours en première ligne
Ils sont aussi nombreux à passer de longues heures debout. « On a vite mal partout, aux jambes, aux genoux, au dos », témoigne-t-il. Chez Fiducial, le CSSCT a obtenu que les salariés puissent avoir un tabouret haut durant le service. Les prestataires acceptent en général... mais pas tous.
Il y a aussi des risques d’agressions physiques et verbales. En cas de problème, on est toujours en première ligne, notre rôle est d’apaiser la situation, mais je dis toujours à mes équipes de ne pas prendre de risques
, explique le contrôleur.
Alain-Éric a participé aux cinq journées de manifestation contre la réforme des retraites. Des salariés, évoquant la menace de travailler jusqu’à 64 ans, me disent qu’ils ont peur de mourir au travail, de faire un malaise durant une ronde de nuit et de ne jamais se relever
, relate-t-il. Il en voit déjà beaucoup être placés en inaptitude avant l’âge de la retraite. Ils sont usés par les conditions de travail et une vie au Smic
, poursuit-il.
S’il avait été attiré par FO dès son passage à l’usine de Flins, où il avait assisté à plusieurs victoires syndicales, il n’a adhéré qu’en 2019, juste avant des élections professionnelles. J’adore le nom de FO, la force aux ouvriers,
Il assure avoir trouvé sa voie dans le syndicalisme et s’y investit à fond. Délégué syndical et membre suppléant du CSE, il a aussi été nommé conseiller prud’homal en décembre dernier et attend avec impatience de pouvoir siéger.