Alors que le chômage explose, FO revendique la suspension des procédures de licenciements

Emploi et Salaires par Clarisse Josselin

Jean Claude MOSCHETTI/REA

A partir du 1er juin, l’État va réduire sa prise en charge de l’activité partielle dans la plupart des secteurs d’activité. Ce dispositif, qui a constitué un filet de sécurité pour l’emploi durant la crise sanitaire, a bénéficié à près de 8,6 millions de salariés en avril. Redoutant une hausse des ruptures de contrats alors que le chômage vient de dépasser la barre des 6 millions de personnes, FO souhaite un contrôle strict des procédures de suppression d’emploi et la suspension des procédures de licenciement.

La France connaît une explosion historique du nombre de demandeurs d’emploi et la confédération FO s’alarme de l’arrivée d’une crise sociale sans précédent. Selon les chiffres publiés le 28 mai par le ministère du Travail, la barre des 6 millions de chômeurs a été franchie en avril. Dans la catégorie A, la hausse est de 22,6% par rapport à mars, soit 843 000 chômeurs supplémentaires n’ayant pas travaillé du tout. Il s’agit essentiellement de demandeurs d’emplois qui étaient auparavant en contrats courts ou en intérim, et inscrits en catégories B et C (catégories signifiant une activité réduite). Catégories A, B et C confondues, l’augmentation est ainsi de 209 300 inscrits supplémentaires (+ 3,6%), soit la plus forte hausse mensuelle jamais atteinte depuis la création de ces statistiques en 1996.

Face à cette situation, FO réitère sa revendication d’une suspension des procédures de licenciements et d’un contrôle strict de toute procédure de suppression d’emploi (licenciement, rupture conventionnelle...) afin d’empêcher les suppressions d’emplois là où les entreprises ont bénéficié ou bénéficient d’aides publiques. Elle revendique également l’abandon de la réforme de l’Assurance chômage, décidée en juin 2019 par le gouvernement, contre l’avis unanime des syndicats et le retour à la convention négociée en 2017.

Le chômage partiel désormais pris en charge à 85 % par l’État

La situation est d’autant plus inquiétante que le gouvernement a annoncé, le 25 mai, sa volonté de réduire progressivement la prise en charge de l’indemnisation de l’activité partielle. Mi-mars, un mécanisme exceptionnel et massif de chômage partiel compensé intégralement par l’État et l’Unedic avait été mis en place pour toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, pour préserver au mieux l’emploi durant la crise sanitaire. Le chef de l’État avait promis de débloquer tous les moyens nécessaires quoi qu’il en coûte. Avec la levée du confinement et la reprise économique progressive, ce temps semble révolu.

A partir du 1er juin, la compensation financière versée par l’État aux employeurs va passer de 100% actuellement à 85%. Charge à ce dernier de compléter les 15% restants. La compensation intégrale sera uniquement maintenue pour certains secteurs comme le tourisme, l’hôtellerie-restauration ou la culture, qui font toujours l’objet de fermetures administratives.

Cette réforme doit être mise en œuvre par décret, après l’adoption d’un projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire. L’amendement permettant de moduler le dispositif d’activité partielle selon les secteurs d’activité a été adopté le 26 mai par le Sénat.

Par ailleurs, à partir du 2 juin, les parents dont les enfants ne peuvent pas être scolarisés pour des raisons sanitaires ou faute de place devront présenter une attestation de l’école pour pouvoir continuer à bénéficier du chômage partiel.

Pas de consultation des interlocuteurs sociaux

Pour les salariés concernés par l’activité partielle, rien ne change sur le papier. Leur indemnisation correspondra toujours à 70 % de leur salaire brut - soit environ 84% du salaire net – avec un plancher fixé au Smic net et un plafond à 4,5 Smic. Mais il ne faudrait pas que le chômage partiel se transforme en chômage tout court, prévient Michel Beaugas, secrétaire confédéral FO chargé de l’emploi.

La confédération craint en effet que cette baisse de prise en charge par l’État n’entraîne des suppressions d’emploi. Dans un courrier adressé le 26 mai au Premier ministre, le secrétaire général de FO Yves Veyrier souligne que nombre d’entreprises affectées [...] pourraient en effet, faute de trésorerie et de reprise pleine de l’activité, procéder à des ruptures de contrats de travail.
A propos de la réforme du chômage partiel, la confédération déplore qu’une fois de plus, cette annonce et son périmètre n’ont pas fait l’objet d’une information consultation détaillée des interlocuteurs sociaux.

Les salariés risquent de trinquer

Dans son courrier au Premier ministre, Yves Veyrier ajoute que la mise en œuvre massive de l’activité partielle, qui avait pour objet d’éviter les pertes d’emplois, perdrait de son sens si elle devait être aussitôt suivie de suppressions d’emplois.

Les syndicats et fédérations FO ont également déjà alerté le gouvernement sur certains secteurs d’activités au-delà du tourisme où la reprise d’activité ne sera pas possible dans l’immédiat et où les craintes de suppressions d’emploi sont d’autant plus vives. C’est notamment le cas du transport aérien.

Le gouvernement planche aussi en solo sur une alternative au chômage partiel. Le 26 mai, toujours dans le cadre de l’examen en première lecture du projet de loi, le Sénat a rejeté un amendement visant à mettre en place un dispositif d’accompagnement des entreprises connaissant une baisse durable d’activité, en contrepartie d’engagements notamment de maintien dans l’emploi.

Cet amendement a été rejeté par le Sénat mais il peut revenir par le biais de la commission mixte, précise Michel Beaugas. Une fois encore le gouvernement nous met devant le fait accompli, nous n’avons pas été consultés, nous ne savons pas en quoi consiste ce dispositif alternatif. Pour le secrétaire confédéral, l’objectif semble être que le chômage partiel arrête de coûter cher à l’État. Mais derrière, ce sont les salariés qui risquent de trinquer.

Plus d’un salarié du privé sur deux a fait l’objet d’une demande de chômage partiel



Selon la Dares, service statistique du ministère du Travail, 12,9 millions de salariés ont été couverts par une demande préalable d’activité partielle entre le 1er mars et le 25 mai. C’est plus d’un salarié du privé sur deux. Les demandes émanent d’un peu plus d’un million d’entreprises, pour 5,6 milliards d’heures chômées demandées, soit en moyenne environ 12 semaines à 35 heures pour chaque salarié. Un peu moins de la moitié d’entre eux (47%) travaillent dans des entreprises de moins de 50 salariés. Ceux qui travaillent dans des entreprises de 250 salariés ou plus représentent 33% des salariés en activité partielle. Au niveau des régions, les demandes concernaient en premier lieu l’Île-de-France (25%) puis Auvergne-Rhône-Alpes (13%).

Trois secteurs d’activité concentrent près de la moitié des demandes : activités spécialisées, scientifiques et techniques, services administratifs et de soutien (20%), commerce (16%) et construction (11%).

Dans les faits, tous n’ont pas effectivement été placés en activité partielle. C’est ce que montre le nombre inférieur de demandes d’indemnisation déposées pour obtenir le remboursement des salaires.

Pour le mois de mars, des demandes d’indemnisation ont été déposées pour 5,8 millions de salariés en date du 25 mai, soit seulement 53% des salariés ayant fait l’objet d’une demande d’autorisation préalable d’activité partielle. Cela représente un total de 272 millions d’heures chômées indemnisées. Les demandes émanent avant tout des petites entreprises. Pour le mois d’avril, les demandes d’indemnisation déposée au 25 mai représentaient 5,5 millions de salariés pour un total de 556 millions d’heures chômées indemnisées, soit 46% des salariés ayant fait l’objet d’une demande préalable d’activité partielle. La Dares, rappelant que toutes les demandes d’indemnisation n’ont pas encore été déposées, estime à 8,6 millions le nombre de salariés effectivement placés en activité partielle en avril. Dans le secteur de l’hôtellerie-restauration, paralysé par la crise sanitaire, 71% des 1,2 million de salariés ont effectivement été en activité partielle au cours du mois de mars.

Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante