Cette fin d’année 2018 restera probablement dans les annales budgétaires sous le signe de l’imbroglio. Le 3 décembre dernier le projet de loi de finances de 2019 pour la sécurité sociale (PLFSS) était adopté par le Parlement. Le 20 décembre, le projet de loi de finances de 2019 était à son tour définitivement adopté. Jusque-là rien à redire. Ces votes avant la fin de l’année 2018 de projets de lois de finances pour l’an prochain entrent dans le schéma classique du calendrier budgétaire. C’était toutefois sans compter avec l’insatisfaction générale du point de vue de leur pouvoir d’achat des ménages, les plus modestes notamment.
Alors que FO ne cesse de revendiquer depuis des mois et même plus la nécessité impérieuse d’une augmentation générale des salaires, le gouvernement s’est retrouvé en novembre face à la réalité, celle de l’explosion d’un mécontentement trouvant son origine dans la souffrance des salariés, actifs et sans emploi, et des retraités, de ne plus pouvoir faire face aux dépenses du quotidien. Cela à cause d’un pouvoir d’achat, essoufflé voire exsangue car négligé depuis des lustres.
En cet automne, le gouvernement n’a pas hésité cependant à ajouter à ces difficultés profondes des mesures de fiscalité écologiques pour 2019. Des mesures – notamment la hausse des taxes sur les énergies fossiles, entre autres le diesel – qui allaient impacter davantage encore les porte-monnaie. Sans compter l’incidence d’une prochaine augmentation des tarifs du gaz et de l’électricité ou encore de la hausse du prix des contrôles techniques pour les véhicules…
Il n’y a pas le compte !
Face à la contestation persistante, l’exécutif a été contraint peu à peu de revenir sur ses décisions entre le 4 et le 6 décembre au cours de journées empreintes d’une grande confusion au plan des annonces. Finalement, les mesures fiscales pour la transition écologique sont annulées pour 2019. Pour autant cela n’apparaît pas comme suffisant alors que le fort degré de mécontentement est sans cesse alimenté par les difficultés sociales, lesquelles restent inhérentes, entre autres, à l’insuffisance des salaires.
Tandis que les débats portant sur les projets de lois de finances se poursuivaient de manière classique au Parlement, la grogne contre un pouvoir d’achat laminé persistait donc hors des assemblées et sur tout le territoire. Le 10 décembre, le président de la République faisait alors des annonces censées répondre au mécontentement ambiant. Il annonçait que le salaire d’un travailleur au Smic augmentera de 100 euros par mois en 2019, une annulation de la hausse de la CSG pour les retraités percevant moins de 2000 euros par mois, le versement aux salariés d’une prime de fin d’année désocialisée et défiscalisée par tous les employeurs qui le peuvent
, la défiscalisation des heures supplémentaires (leur désocialisation étant déjà prévue pour septembre 2019).
Des mesures à la hauteur ? Effectuée par la Confédération FO, l’analyse plus précise du contenu des mesures montre que la portée de celles-ci est plutôt limitée. La mesure annoncée par exemple « sur » le Smic n’en est pas une puisqu’il s’agit en réalité d’une hausse de la prime d’activité en lieu et place d’un réel coup de pouce au Smic
rappelle FO estimant qu’on est loin du compte en matière de relèvement du pouvoir d’achat.
Lire également : Annonces d’Emmanuel Macron : le compte n’y est pas |
Lire également : Le Smic augmentera en 2019 mais moins que prévu |
Restait pour le gouvernement à mettre en place un cadre portant ces annonces censées se concrétiser dès le début de l’année 2019. Ce fut cette fois un moment de grande interrogation. Insertion aux projets de lois de finances ? Loi de finances rectificative une fois la loi de finances pour 2019 votée ? L’Exécutif a opté pour un projet de loi en quatre articles. Présenté le 19 décembre en conseil des ministres, ce projet de sept pages portant mesures d’urgence économiques et sociales
a filé dans la journée devant le Parlement pour un examen accéléré et un vote dans la nuit du 21 au 22 décembre, soit avant les vacances de fin d’année des parlementaires.
Quid de la revalorisation du Smic et du point d’indice ?
Avant cela, le 18 décembre, un nouveau cafouillage naissait sur les bancs de l’Assemblée nationale. Dans un premier temps, le Premier ministre annonçait l’abandon des mesures promises début novembre soit l’extension du chèque énergie, le doublement de la prime à la conversion et le relèvement du barème kilométrique pris en compte pour les frais de déplacement des salariés. Il légitimait cette décision par l’annulation, depuis, de la hausse des taxes sur les carburants en 2019 mais aussi en lien avec les nouvelles annonces sur le Smic, la CSG,… prétendant être très fortes en faveur du pouvoir d’achat
. Le 18 décembre, en fin de journée, le chef du gouvernement retirait toutefois ses propos du matin et annonçait le maintien des mesures dont le montant est évalué à 500 millions d’euros.
Le projet de loi portant mesures d’urgence économiques et sociales
affiche quant à lui des dispositions qui bousculent certes l’axe initial voulu par l’Exécutif pour les lois de finances de 2019 sans toutefois revenir totalement sur la philosophie choisie. Pour FO les mesures d’urgence économiques et sociales ne sont pas à la hauteur de la crise sociale
.
Elles ne répondent pas à la revendication d’une véritable revalorisation du Smic et de la valeur du point d’indice dans la Fonction publique
. Tous les salariés ne sont pas concernés en effet pas les mesures contenues dans le projet de loi. Toutes les entreprises par exemple n’accorderont pas une prime exceptionnelle. Par ailleurs cinq millions de foyers seulement seraient concernés par la hausse de la prime d’activité. Quant au remboursement rétroactif de la CSG pour les retraités modestes, le calendrier de mise en œuvre prévoit que cela n’interviendra pas avant juillet prochain.
Et l’on chouchoute toujours les plus aisés…
FO revendique ainsi de porter le Smic à 80% du salaire médian, soit 1 450 euros net. L’organisation – qui conteste le transfert des cotisations sociales sur la CSG et réitère sa demande d’une réforme fiscale permettant de restaurer la progressivité de l’impôt et d’améliorer son caractère redistributif – rappelle aussi d’autre revendications
. Parmi elles, l’augmentation générale des salaires, pensions et retraites, minima sociaux, tant dans le privé que dans le public face aux pertes de pouvoir d’achat subies et accumulées depuis la crise de 2008 par les salariés
. La revendication d’une généralisation de la prime transport perdure aussi ainsi que la demande d’une augmentation de l’aide à la mobilité pour les demandeurs d’emplois.
Pour l’instant, le gouvernement reste sourd à ces revendications. Le 20 décembre le ministre de l’Economie et des Finances, M. Bruno Le Maire, rappelait que même en cas de dépassement en 2019 du seuil des 3% du PIB pour le déficit public (celui-ci vient d’être réévalué à 3,2% voire 3,4%) la résorption de ce déficit n’est pas négociable
. Il explique qu’il y aura une légère augmentation du déficit du fait de l’accélération de la baisse des impôts. Mais nous faisons attention aux comptes publics, et nous prenons une série de mesures, sur les entreprises et sur les dépenses, de l’ordre de 4 milliards. Cela devrait permettre de contenir le déficit à environ 3,2 % pour 2019
.
Si par un certain nombre de mesures votées en loi de finances, le déficit de l’État se dégrade de 8,5 milliards
à 107,5 milliards indiquait le 19 décembre le ministre de l’Action et des Comptes publics, M. Gérald Darmanin, et si le montant total des quatre mesures du projet de loi est évalué autour de dix milliards d’euros, l’Exécutif a choisi de préserver une nouvelle fois les entreprises et les plus aisés, cela en maintenant les mesures prévues pour 2019.
La CICE pèsera bien 40 milliards d’euros en 2019…
Des mesures qui pèsent lourd sur les finances publiques. Ainsi hormis la décision (annoncée le 17 décembre) de reporter d’un an la baisse de 33% à 31% du taux d’imposition de l’impôt sur les sociétés pour les entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 250 millions d’euros, le gouvernement a opté pour le maintien d’autres mesures. Par exemple le CICE. Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi au titre de 2018 et son basculement en exonération de cotisations sociales pour les entreprises en 2019 est maintenu. Or, cela pèsera pour 40 milliards sur les comptes publics l’an prochain. Le gouvernement par ailleurs n’a pas voulu rétablir l’ISF (impôt de solidarité sur la fortune) supprimé en 2018. Or, chaque année cet impôt dont s’acquittaient les ménages les plus aisés apportait cinq milliards d’euros environ.
Alors que la consommation des ménages s’effondre (en recul de 0,3% en novembre) et que la croissance de 2019 menace d’être inférieure à 1,7% ainsi que l’évaluait initialement le gouvernement, celui-ci compte financer les mesures d’urgence présentées par le déficit et une nouvelle baisse des dépenses. La sphère publique et ses personnels sont sous la menace d’être considérés une nouvelle fois comme une variable d’ajustement budgétaire.
Alors que dans de nombreux secteurs (finances, territoriaux, hospitaliers…) les agents demandent, à l’appel de FO notamment, des augmentations générales de salaires, le gouvernement ne semble pas entendre. Bilan : En cette fin d’année la colère gronde. Les fonctionnaires (qui ont perdu 16% de pouvoir d’achat depuis 2000 et dont le salaire est toujours gelé) sont « humiliés » fulminait ainsi le 21 décembre l’Union interfédérale des fonctionnaires FO (UIAFP-FO) à l’issue d’une rencontre avec M. Olivier Dussopt.
La colère gronde dans la Fonction publique
Le Secrétaire d’État chargé de la Fonction publique a convoqué en urgence les organisations syndicales pour leur donner les mesures en faveur du pouvoir d’achat. Résultat : rien pour les fonctionnaires ! Un gouvernement coupé des réalités, bunkerisé dans son microcosme parisien et élyséen qui fait un déni complet de la situation. Une réunion feutrée où le Secrétaire d’État donne le sentiment que tout va bien à la Fonction publique dans la situation sociale que nous traversons. Le ministre est resté sourd à nos revendications. FO lui a prédit une rentrée sociale sans précèdent, confirmée par de nombreux autres syndicats présents. Nous n’avons donc pas d’autres choix que de préparer, en cohérence avec le mandat de la Commission exécutive confédérale, la mobilisation nécessaire jusqu’à l’obtention de nos revendications.
Pour l’instant seul les policiers ont décroché, grâce notamment à la mobilisation du syndicat Unité SGP Police FO (désormais leader au ministère de l’Intérieur), un programme de revalorisation salariale sur un an (soit au final une augmentation de 120 à 150 euros nets selon les grades) et l’augmentation de la prime de sujétion (ISSP). Or, les agents publics des autres administrations revendiquent eux aussi des augmentations de salaires.
Pour FO Il y a nécessité d’engager la mobilisation
Le 20 décembre, la Fédération FO des Finances faisait état de sa demande d’une prime exceptionnelle et fustigeait l’absence d’annonce pour les fonctionnaires grands oubliés de l’État, qui en tant qu’employeur devrait pourtant être exemplaire et moteur sur ce point
. Le même jour, la fédération FO des personnels des services publics et de santé (SPS-FO) indiquait que ce que le gouvernement donne dans un ministère doit être étendu à l’ensemble des agents publics
. La fédération FO – qui a déposé un préavis de grève national couvrant la période du 23 décembre 2018 jusqu’au 31 janvier 2019 – précise que cette demande salariale constitue la dernière sommation
. Si le gouvernement ne répondait pas à nos demandes, nous prendrions toutes nos responsabilités pour engager le rapport de force nécessaire permettant de faire aboutir nos revendications
.
Le 19 décembre, la Confédération FO apportait son soutien aux syndicats engagés dans des négociations, actions et grèves sur leurs revendications
et appelait les syndicats FO à agir dans les entreprises et au niveau des branches pour l’obtention d’une augmentation générale des salaires
. Elle soulignait la nécessité d’engager la mobilisation à tous les niveaux permettant de créer le rapport de force interprofessionnel, y compris par la grève
. Elle invitait les syndicats à organiser les assemblées générales en ce sens
. Objectif : obtenir des augmentations de salaires.