Analyse de la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral

InFOéco n°101 du 24 février 2015 par Pascal Pavageau

Introduction

Après la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) [1], deux projets de loi auraient dû être examinés par le Parlement, portant sur les régions et les territoires ruraux. L’abandon de ces textes a finalement été acté par le conseil des ministres du 18 juin 2014, lequel a examiné un projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) après un projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

Annoncés par le Président de la République et le Premier ministre début juin, les deux projets de loi présentés au conseil des ministres vont plus loin que la version initiale. En effet, il n’est plus question de clarifier mais d’instaurer une nouvelle organisation territoriale.

La disparition des départements apparaît en filigrane avec le transfert d’une part importante de leurs compétences aux régions, mais elle n’est pas encore prévue dans les projets. En effet, nécessitant une révision constitutionnelle, elle semble trop incertaine étant donné que la majorité des 3/5e du Congrès du Parlement est très difficile à atteindre pour voter une telle révision. Ainsi les conseils généraux sont explicitement appelés à disparaître à l’horizon 2020, sauf peut-être en zone rurale, sous réserve d’une révision de la Constitution. D’ici là, les départements conservent certaines de leurs compétences sociales, mais de nouveaux transferts automatiques de compétences des départements au profit des métropoles sont prévus.

Après la loi MAPTAM, le deuxième texte de la réforme territoriale porte sur le découpage régional. Plus que le contenu, c’est avant tout la méthode d’adoption du texte qui a été critiquée : Comme l’exprimait publiquement un parlementaire : « Ils se sont réunis, les grands féodaux, et ils ont décidé tout en haut, dans un bureau le soir à l’Elysée, de laisser leur plume dessiner leur propre avenir ».

Le découpage régional doit entrer en vigueur le 1er janvier 2016, et devait donc être achevé avant la fin de l’année 2014 pour laisser douze mois avant les élections régionales et locales désormais prévues fin 2015. Le troisième projet de loi de la réforme territoriale, portant sur les compétences des collectivités (NOTRe), est examiné depuis le mois de décembre 2014 et a été adopté le 27 janvier 2015 au Sénat. On ne peut que reprocher au gouvernement d’avoir commencé par légiférer sur la carte avant de légiférer sur les nouvelles compétences des régions et des autres collectivités.

Ainsi, les élections régionales auront lieu en décembre 2015, ce qui leur permettra d’avoir pour cadre les régions redécoupées. Alors qu’il hésitait entre novembre et décembre 2015, l’exécutif a finalement tranché en faveur du mois de décembre. Ce sera la première fois depuis l’élection présidentielle de 1965 que les Français voteront pour une élection politique au mois de décembre. Depuis, tous les scrutins ont eu lieu au printemps.

Le texte modifie en conséquence le tableau n° 7 annexé au code électoral définissant l’effectif de chaque conseil régional. Le mode de scrutin est modifié pour garantir que chaque département bénéficiera d’au moins un conseiller régional.

Il comporte également un chapitre relatif au remplacement des conseillers départementaux, pour remédier à la censure prononcée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2013-667 DC du 16 mai 2013 (Loi relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral). Enfin, la localisation des chefs-lieux des nouvelles régions se fera en deux temps : elle sera fixée provisoirement, par décret simple pris avant le 31 décembre 2015 sur avis des conseils régionaux actuels, puis définitivement par décret en Conseil d’État sur avis des nouvelles assemblées, avant le 1er juillet 2016.

S’agissant du projet NOTRe, les régions et les départements devraient perdre la clause générale de compétence (alors qu’elle avait été rétablie par la loi de janvier 2014 : comprend qui peut…), mais les régions auront le droit de présenter des propositions tendant à modifier des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur ou en cours d’élaboration concernant les compétences, l’organisation ou le fonctionnement de l’ensemble des régions. Elles pourront bénéficier en outre de nombreuses compétences supplémentaires.

Les régions obtiennent un monopole s’agissant du développement économique sur les territoires. Cette compétence s’exerce notamment par l’élaboration d’un schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII). Les actes des autres collectivités devront être compatibles avec le SRDEII, qui fait l’objet d’une concertation au sein de la conférence territoriale de l’action publique. Ses orientations applicables sur le territoire d’une métropole doivent être adoptées conjointement avec les instances délibérantes de celle-ci. Seul compétent pour définir les régimes d’aides aux entreprises, le conseil régional pourra déléguer l’octroi de ces aides aux autres collectivités, lesquelles pourront également participer au financement par le biais de conventions avec la région.

Les régions deviennent également compétentes s’agissant de l’entretien des routes et des collèges, ainsi que des transports scolaires et interurbains, qui appartenaient jusqu’alors aux départements. Ces transferts de compétences devraient s’accompagner des transferts budgétaires correspondants.

Le projet de loi prévoit également de rénover et de renforcer le schéma régional d’aménagement et de développement du territoire (SRADDT). Les chartes de parc naturel régional, les schémas de cohérence territoriale (et en leur absence les plans locaux d’urbanisme), les cartes communales, les plans de déplacement urbains et les plans climat-énergie territoriaux devront être compatibles avec ce nouveau SRADDT.

Force Ouvrière s’oppose à cette régionalisation et, dans ce cadre combat la régionalisation des politiques publiques de l’emploi, de lutte contre le chômage ou encore le transfert (envisagé par plusieurs parlementaires) aux régions de Pôle emploi.

La région devra également élaborer un plan régional de prévention et de gestion des déchets. Chef de file en matière de tourisme, elle met en place un schéma régional de développement touristique tenant lieu de convention d’exercice partagé de cette compétence. Les régions et les départements pourront s’associer pour exercer leurs compétences en matière touristique et créer des comités régionaux ou départementaux du tourisme communs.

Enfin, les départements vont perdre, au plus tard au 1er janvier 2017, leurs compétences en matière de ports. Resteront, pour l’instant, de la compétence du département la culture, le sport et le tourisme, mais il s’agit de compétences partagées entre communes, départements et régions. Outre l’aide et l’action sociale qu’il conserve, le projet donne au département la possibilité de contribuer au financement des opérations dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par les communes ou leurs groupements. Il peut également apporter son soutien à l’exercice de leurs compétences par les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Il lui reste également la possibilité pour des raisons de solidarité territoriale et lorsque l’initiative privée est défaillante ou absente de contribuer au financement d’investissements en faveur d’entreprises de services marchands en milieu rural. Mais jusqu’à la fin du prochain mandat des conseillers départementaux en 2020, les compétences sociale, de soutien aux communes et des services d’incendie continueront d’être exercées par les conseils généraux.

La carte intercommunale à nouveau remaniée en 2015

Le second objectif majeur du projet de loi NOTRe est de renforcer l’intercommunalité. Pour ce faire, il prévoit l’élaboration de nouveaux schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI) avant le 30 décembre 2015 dans tous les départements hors Ile-de-France. Les orientations de ces schémas sont modifiées sur deux points. D’abord, ils viseront, sauf cas particuliers, la création d’EPCI d’au moins 20 000 habitants (contre 5 000 actuellement). 70 % des communautés seraient touchées par ce nouveau seuil. Ensuite, le texte est plus directif sur la suppression des syndicats de communes et des syndicats mixtes en particulier dans les domaines de l’eau potable, de l’assainissement, des déchets, du gaz, de l’électricité et des transports.

Des exceptions à la taille minimale de 20 000 habitants des collectivités (qui doit être en place au 1er janvier 2017) seront prévues pour les zones de montagne et les territoires faiblement peuplés.

Au cours de l’année 2016 sera mise en place une procédure dérogatoire pour accélérer ce nouveau mouvement de rationalisation de la carte intercommunale. Le préfet pourra créer, modifier le périmètre ou fusionner des EPCI en application du SDCI ou, même si le projet ne figure pas dans le schéma, après avis de la commission départementale de la coopération intercommunale (CDCI). Cette commission peut imposer les modifications votées à la majorité des deux tiers. La création de l’EPCI ne requiert, selon cette procédure dérogatoire, que l’accord de la moitié au moins des conseils municipaux représentant la moitié au moins de la population. A défaut d’avoir recueilli cet accord, le préfet peut imposer son projet par décision motivée après avis de la CDCI. Pendant la même année 2016, le préfet dispose de pouvoirs similaires pour dissoudre un syndicat de communes ou un syndicat mixte ou encore pour les fusionner (eau, assainissement, énergie principalement).

Le projet NOTRe prévoit également le renforcement des compétences des communautés de communes et des communautés d’agglomération.

Á la liste des compétences obligatoires seraient ajoutés la promotion du tourisme par la création d’un office de tourisme et l’aménagement, l’entretien et la gestion des aires d’accueil des gens du voyage. Les compétences optionnelles s’enrichissent de la création et de la gestion de maisons de service au public.

Les métropoles, quant à elles, devraient récupérer davantage de compétences du département, par convention. Á la liste de l’article L. 5217-2 sont notamment ajoutés la compétence personnes âgées et action sociale ainsi que le tourisme. Surtout, à défaut de convention portant sur au moins trois groupes de compétences, c’est la totalité qui sera transférée de plein droit à la métropole.

Un mécanisme fortement incitatif de regroupement des communes est prévu : les intercommunalités exerçant six au moins des onze compétences auxquelles elles peuvent prétendre auront droit à une Dotation globale de fonctionnement (DGF) bonifiée.

Le projet sur le découpage régional est le premier texte examiné au Parlement. Portant sur les collectivités territoriales, le texte devait d’abord être adopté par le Sénat. En raison de l’absence de majorité claire au Sénat en faveur du projet de loi (les radicaux de gauche et les communistes y sont notamment hostiles), les sénateurs ont utilisé tous les moyens d’obstruction à leur disposition afin de retarder l’examen du projet. Mais l’absence d’unanimité au sein de groupe socialiste à l’Assemblée nationale a aussi entraîné une procédure mouvementée à la Chambre basse.

Le contenu de la loi du 15 janvier 2015 Des régions plus grandes et moins nombreuses

La naissance des régions

La loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions consacre la région en tant que collectivité territoriale de plein exercice, au même titre que les communes et les départements. La loi du 2 mars 1982 institue l’élection au suffrage universel direct des conseillers régionaux, dans le cadre des circonscriptions départementales, pour un mandat de six ans renouvelable et les dote de compétences spécifiques. Les premières élections régionales, dont les modalités sont fixées par la loi n° 85-692 du 10 juillet 1985 modifiant le code électoral et relative à l’élection des conseillers régionaux, sont organisées le 16 mars 1986.

Puis, la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République confirme que les régions sont des collectivités territoriales, au même titre que les deux autres niveaux de collectivités (article 72 de la Constitution).

L’institution régionale est le produit d’un long processus qui trouve son origine dans les provinces de l’Ancien régime. D’abord conçue comme un instrument de développement économique, la région est devenue progressivement une circonscription de déconcentration avant d’évoluer vers une collectivité territoriale.

Les premières revendications régionalistes émergent vers la fin du XIXe siècle avec Frédéric Mistral (1830-1914) qui est l’un des initiateurs du Félibrige, association régionaliste destinée à promouvoir la langue d’oc et la culture occitane dans la littérature. Des courants de défense de l’identité régionale se développent, marqués par la recherche d’un renouveau national et royaliste défendu notamment par l’Action française de Charles Maurras (1868-1952) dès le début du XXe siècle.

C’est à la fin de la Première Guerre Mondiale que sont prises les premières mesures tendant à la création de régions. Un arrêté du 5 avril 1919 de Etienne Clémentel (1864-1936), alors ministre du commerce, créé les groupements d’intérêts régionaux - également appelés les « régions Clémentel » - dont la mission est de coordonner les acteurs économiques. Quinze groupements sont initialement créés : Lille, Amiens, Rouen, Caen, Nantes, Rennes, Limoges, Bordeaux, Toulouse, Montpellier, Marseille, Grenoble, Lyon, Nancy, Paris, auxquels s’ajoutent, en 1920 et 1921, ceux de Dijon et de Bourges.

Ces « régions économiques » s’appuient sur l’ossature des chambres de commerce, selon le principe de libre adhésion de ces dernières. Chaque groupement est administré par un comité régional composé de deux délégués pour chaque chambre, auxquels sont adjoints les préfets et sous-préfets qui disposent d’une voix consultative.

Le régime de Vichy connaît également un découpage régional. Ensuite, le découpage date d’un arrêté du ministère des affaires économiques et financières publié le 6 décembre 1956 qui définit les vingt-quatre circonscriptions des programmes d’action régionale créées par un décret n° 55-873 du 30 juin 1955 relatif à l’établissement de programmes d’action régionale, dit « décret Pfimlin ». Puis le décret n° 60-516 du 2 juin 1960 portant harmonisation des circonscriptions administratives délimite les régions sur lesquelles sont instaurés les programmes d’action régionale pour les transformer en circonscriptions d’action régionale.

La carte de ces dernières découle de celle des programmes d’action régionale de 1956 en intégrant toutefois trois modifications :

 la fusion des régions Alpes et Rhône qui a donné naissance à la région Rhône-Alpes ;
 le rattachement du département des Basses-Pyrénées (devenu en 1969 le département des Pyrénées-Atlantiques) de la région Midi-Pyrénées à la région Aquitaine ;
 le rattachement du département des Pyrénées-Orientales de la région Midi-Pyrénées à la région Languedoc-Roussillon.

L’article 1er de la loi n° 72-619 du 5 juillet 1972 portant création et organisation des régions qui créé les régions en tant qu’établissements publics reprend les limites des circonscriptions régionales définies en 1960.

Ainsi, les modifications apportées par le décret précité du 2 juin 1960 ont conduit à la carte régionale toujours en vigueur de nos jours. Leur longue construction parlementaire et républicaine s’est attachée à avoir des régions « à taille humaine » et à lutter contre les communautarismes. Depuis plus de cinquante ans, elle n’a connu aucune évolution.

En 2009, le Comité pour la réforme des collectivités locales, a proposé la réduction à quinze du nombre des régions. Ce redécoupage régional devait s’accompagner d’une redéfinition des compétences des départements et des régions. Les conclusions de ce comité s’appuyaient sur celles de la commission pour la libération de la croissance française qui proposaient la suppression des départements au profit des régions, afin de simplifier le soi-disant millefeuille administratif. Bien que de nombreuses cartes aient été élaborées, le rapport du comité, remis le 5 mars 2009 au Président de la République, et intitulé « Il est temps de décider » n’a proposé aucune carte régionale.

Notons enfin que la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales a introduit une nouvelle disposition (article L. 4123-1 du code général des collectivités territoriales), permettant à deux ou plusieurs régions limitrophes qui le souhaitent, de fusionner entre elles.

La réduction législative du nombre de régions

La loi repose sur le principe de non-démembrement des régions actuelles, c’est-à-dire sur la fusion de régions et non sur l’intégration des départements composant une région entre plusieurs autres régions.

La loi crée 13 grandes régions métropolitaines au motif de « peser au niveau européen », au lieu des 22 actuelles alors que le Sénat en proposait 15. La collectivité territoriale de Corse, les régions d’outre-mer, les collectivités d’outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et les autres territoires de la République ne sont pas concernées par les modifications envisagées.

Par cette nouvelle carte, le Gouvernement poursuit plusieurs objectifs parmi lesquels la recherche d’une puissance renforcée des régions, comme demandé par Bruxelles. Par ailleurs, la diminution du nombre de régions est considérée comme un facteur d’efficacité de l’action publique locale, par la simplification du millefeuille administratif. Enfin, la nouvelle carte régionale propose la création de régions à la population plus homogène et à un PIB plus élevé. Toutefois, la superficie d’une région n’est pas le seul vecteur de sa puissance économique et les compétences exercées et les moyens budgétaires et financiers dont elles disposent pour les assumer peuvent être des facteurs plus déterminants.

La loi fusionne l’Alsace avec la Lorraine et Champagne-Ardenne, le Nord-Pas-de-Calais avec la Picardie, et Midi-Pyrénées avec Languedoc-Roussillon, trois fusions contestées. Les autres regroupements ont été tout autant polémiques : Poitou-Charentes avec Limousin et Aquitaine, les deux Normandie, Bourgogne et Franche-Comté, Rhône-Alpes avec Auvergne.

LES REGROUPEMENTS DE RÉGIONS ADOPTÉS EN DEUXIÈME LECTURE PAR LA COMMISSION DES LOIS DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE (Source : RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS, EN NOUVELLE LECTURE, SUR LE PROJET DE LOI (n° 2412), MODIFIÉ PAR L’ASSEMBLÉE NATIONALE EN DEUXIÈME LECTURE, relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral

Désignation du chef-lieu et du nom des nouvelles régions

Le chef-lieu provisoire des nouvelles régions sera déterminé en 2015 par décret après consultation des conseils régionaux existants et organisation d’un débat avec les représentants des collectivités territoriales et de la société civile.

Après les élections régionales de décembre 2015, le conseil régional nouvellement élu pourra tirer les conséquences de ce débat pour proposer au gouvernement le choix d’un chef-lieu définitif ainsi que le nom qui lui semblera le plus adapté à la nouvelle région. Ceux-ci seront ensuite fixés par décret. Le nom de chaque nouvelle région, exception faite de la Normandie, sera provisoirement constitué de la juxtaposition, dans l’ordre alphabétique, des noms des régions regroupées. Le chef-lieu provisoire est fixé par décret pris avant le 31 décembre 2015, après avis du conseil municipal de la commune envisagée comme siège du chef-lieu et des conseils régionaux intéressés. L’avis de chaque conseil régional est rendu après consultation du conseil économique, social et environnemental régional et après concertation avec les représentants des collectivités territoriales, des organismes consulaires et des organisations professionnelles représentatives. Ces avis sont réputés favorables s’ils n’ont pas été émis dans un délai de trois mois à compter de la transmission du projet de décret par le Gouvernement.

Enfin, le nom et le chef-lieu définitifs de la nouvelle région sont fixés par décret en Conseil d’État pris avant le 1er octobre 2016, après avis du conseil régional de la région.

Aussi, le conseil régional adopte, avant le 1er juillet 2016, une résolution unique comportant :

1° L’avis au Gouvernement relatif à la fixation du nom définitif de la région ;

2° L’avis au Gouvernement relatif à la fixation du chef-lieu définitif de la région ;

3° L’emplacement de l’hôtel de la région ;

4° Les règles de détermination des lieux de réunion du conseil régional et de ses commissions ;

5° Les règles de détermination des lieux de réunion du conseil économique, social et environnemental régional et de ses sections ;

6° Le programme de gestion des implantations immobilières du conseil régional.

Cette résolution ne peut prévoir qu’une même unité urbaine regroupe le chef-lieu proposé, l’hôtel de la région et le lieu de la majorité des réunions du conseil régional que si elle est adoptée à la majorité des trois cinquièmes des membres du conseil régional. A défaut de résolution unique adoptée, les avis sont réputés favorables et les délibérations fixant l’emplacement de l’hôtel de la région et les lieux de réunion du conseil régional ne peuvent prévoir qu’ils sont situés dans la même aire urbaine que le chef-lieu.

Effectif des nouveaux conseils régionaux

La réduction du nombre d’élus prévue dans le projet de loi n’a finalement pas été adoptée. Leur nombre aurait été plafonné à 150 par conseil régional, impliquant une réduction dans certaines assemblées élues fin 2015, comme l’Ile-de-France (208 conseillers régionaux). Dans un premier temps, la commission des lois de l’Assemblée nationale avait partagé la position initiale du Gouvernement en maintenant ce plafonnement à 150 du nombre de conseillers régionaux, y compris pour les régions dont les limites territoriales n’étaient pas modifiées (article 6).

Cependant, en séance publique, à l’initiative du rapporteur et avec l’accord du Gouvernement, l’Assemblée nationale a supprimé tout plafonnement du nombre des élus régionaux. Cette décision aboutit à maintenir le nombre actuel de conseillers régionaux en métropole, soit 1671 élus.

Il est également prévu dans la loi que chaque département dispose d’un nombre minimal dans l’assemblée régionale. L’Assemblée nationale a porté de deux à quatre le nombre minimal de conseillers régionaux élus par département – sauf dans les départements comptant moins de 100 000 habitants, dans lesquels le plancher demeure fixé à deux conseillers régionaux.

En effet, les caractéristiques du mode de scrutin actuel font que le nombre d’élus de chaque section départementale composant les listes régionales varie d’une élection à l’autre, en fonction du nombre de votants dans chaque département concerné. Ce mode de scrutin ne garantissant ainsi aucun nombre minimal de sièges à chaque département d’une région, il est possible qu’un département ne bénéficie d’aucun élu au sein du conseil régional.

Afin d’éviter qu’une telle situation inédite à ce jour se produise, la loi vise dans sa rédaction à garantir que, dans chaque région, le nombre d’élus au titre d’un département ne puisse être inférieur à un certain seuil.

Le droit d’option des départements

L’introduction de ce droit d’option a été faite par le biais d’un amendement du président du groupe socialiste au Sénat. Après le rejet du texte par le Sénat, l’amendement est revenu devant l’Assemblée par le dépôt d’un amendement identique par un député socialiste.

Plusieurs départements pourront demander à être regroupés (art. L. 3114-1 CGCT) ; un département et deux régions contiguës pourront demander une modification des limites régionales visant à inclure le département dans le territoire d’une région qui lui est limitrophe (art. L. 4122-1-1) ; plusieurs régions pourront demander à être regroupées en une seule (art. L. 4123-1) ; enfin, une région métropolitaine et les départements qui la composent pourront demander à fusionner en une unique collectivité territoriale (art. L. 4124-1).

Du fait de la volonté du gouvernement de reporter les élections régionales de mars à décembre 2015, ce droit d’option ne s’exercera qu’à partir du 1er janvier 2016. Le recours à ce droit d’option sera en outre limité au 1er mars 2019, afin que les élections régionales prévues en 2020 aient lieu dans un périmètre stabilisé.

Le texte modifie ainsi le mécanisme pour permettre à un département de changer de région en abrogeant la condition du référendum local : un amendement supprime la condition de référendum dans l’ensemble des collectivités concernées pour la remplacer par une majorité des trois cinquièmes du conseil général du département concerné ainsi que des deux conseils régionaux concernés.

Pour les députés bretons pouvant souhaiter d’une réunification de la Bretagne à cinq départements en y incluant la Loire-Atlantique, actuellement au sein des Pays-de-la-Loire, cette majorité équivaut à un verrou législatif.

Mais, en dépit de nombreux amendements, ils ont échoué à ramener le seuil de ce droit d’option à 50%.

Bien que ces initiatives soient bien encadrées par recours aux majorités qualifiées et aux quorums et que la décision finale relève, dans un cas de la loi, dans les autres du décret en Conseil d’État, le risque d’altération de la réforme est réel. C’est donc une carte des régions différente qui pourrait résulter de ces mouvements.

Les conséquences financières et matérielles de la réforme

Le gouvernement espère réaliser au moins 12 Mds d’économies en dix ou quinze ans grâce à cette réforme : « Si l’on économise 5 % sur les 250 milliards d’euros que représentent l’ensemble des budgets locaux – communes, intercommunalités, syndicats intercommunaux, départements, régions –, on réalise 12 milliards d’euros d’économies, à moyen terme, sur plusieurs années, après une réforme globale, évidemment. Certains, plus optimistes, parlent d’aller jusqu’à 10 %, c’est-à-dire 25 milliards d’euros, mais je m’en tiens à l’objectif, plus raisonnable et plus réaliste, de 5 % à moyen terme, sur au moins cinq années ». Début juin 2014, le secrétaire d’État à la réforme territoriale avait également chiffré les économies possibles : « si en dix ans, on n’a pas réussi à dégager 5% d’économies sur le fonctionnement de cette organisation complexe, on n’aura pas réussi notre réforme. Mais ce n’est pas l’objectif de cette réforme. Les économies ne seront qu’une conséquence de la réforme. La réforme a trois objectifs : la clarté, la compétitivité et la proximité ».

Le Premier ministre s’est par ailleurs employé à rassurer les élus locaux, inquiets de la baisse des dotations versée par l’État aux collectivités, en promettant de mieux défendre les territoires les plus fragiles.

Sur le volet des dotations versées par l’État aux collectivités, qui doivent baisser de 11 Mds sur une centaine actuellement d’ici à 2017, un groupe de travail permanent avec les élus et trois membres du gouvernement a été créé.

La péréquation devrait être renforcée. Une priorité sera également donnée aux investissements des collectivités.

Par ailleurs, la fusion de régions « n’entraînera pas de transferts massifs de personnel », même s’il n’y aura bien qu’une capitale par nouvelle région créée, a souligné André Vallini.

Dans les cas de regroupement de régions, « les services (administratifs, techniques, etc.) vont demeurer là où ils sont actuellement. Seuls les bureaux de l’exécutif et l’hémicycle du conseil régional seront en un seul lieu », a déclaré M. Vallini, devant l’association des journalistes parlementaires.

Prenant comme exemple la fusion Auvergne et Rhône-Alpes, si Lyon en est la capitale, l’hémicycle de l’hôtel de région de Clermont-Ferrand, tout juste inauguré, pourra toujours accueillir des sessions décentralisées du conseil régional ou d’autres forums, a-t-il souligné.

M. Vallini a reconnu que la seule réforme des régions ne « générerait pas des économies considérables » même « si, à moyen terme, il y aura des économies d’échelle sur les fonctions support » (logistique, informatique, ressources humaines, etc.).

Les économies viendront surtout à long terme « des transferts de compétences des conseils généraux » vers les régions et les intercommunalités et surtout de la simplification du bloc communal (réduction du nombre de syndicats de communes, mutualisation communes-intercommunalités, etc.).

La réforme territoriale ne devrait pas au final diminuer le nombre de fonctionnaires, a-t-il dit.

« Si on se contente de stabiliser les effectifs de la fonction publique territoriale (1,9 million) au lieu d’une croissance moyenne de 1,6% ces dernières années, on pourrait économiser sur cinq ans plus de 5 milliards d’euros », a-t-il affirmé.

Selon Force Ouvrière

Pendant deux siècles, la République, une et indivisible, a pu concilier l’unité et l’action de l’État et l’exercice le plus libre possible de la démocratie locale, avec parmi les garde-fous le respect de l’égalité de droits. Jusque dans les années 60, le choix de Régions aux tailles réduites et humaines intégrait ces principes. Y compris parce que « plus c’est grand, plus c’est communautariste et identitaire ». La logique qui a concouru au choix des 22 régions était d’arriver à des « tailles humaines et anti-communautaristes ».

En 48 heures d’arbitrages en catimini, sans concertation ni du Parlement, ni des exécutifs concernés (Conseils régionaux et Conseils généraux), en privilégiant des intérêts politiciens, le Président de la République a réorganisé, seul, la République et déterminé un passage de 22 Régions métropolitaines à 14, puis à 15, pour terminer à 13.

Conformément aux injonctions de la Commission européenne, le chef de l’État justifiait d’ailleurs qu’elles « seront ainsi de taille européenne ». L’argument de la taille ne résiste d’ailleurs pas à une comparaison objective (le plus petit Landërs allemand en nombre d’habitant est par exemple moins peuplée que la moins peuplée des régions françaises).

C’est donc, comme Force Ouvrière le dénonce depuis octobre 2012, une organisation de la République en fédération de Régions, très autonomes (y compris vis-à-vis du droit national) aux pouvoirs d’adaptations locales, et s’intégrant dans le modèle d’une « Europe de grandes Régions » défendu par la Commission européenne.

A l’issue d’un processus qui aura vu renaitre des communautarismes d’un autre âge, le Parlement vient d’arrêter une organisation à 13 Régions. On peut s’étonner et s’offusquer du déni démocratique de la procédure : par exemple, le référendum local, obligatoire jusqu’à maintenant en cas de fusion ou regroupement de collectivités territoriales et qui a notamment permis aux alsaciens de bloquer la mise en œuvre du projet de collectivité unique d’Alsace en 2013 [2], a été supprimé par la réforme territoriale. Le changement de région par un département limitrophe est possible. On pourrait donc voir apparaître dans le temps des velléités de sécessions régionales pour des raisons communautaires ou même financières voir fiscales.

Alors que l’État se régionalise lui aussi (à noter que le regroupement de Régions conduira aux mêmes effets sur l’organisation de l’État qui se retirera encore un peu plus loin de l’usager : Matignon a d’ailleurs demandé aux Préfets des régions Bourgogne et Franche-Comté de préfigurer l’adaptation régionale de l’État à la future grande région), l’éloignement de l’exécutif régional va entrainer, à chaque fois, une accessibilité réduite au nouveau « siège de la grande Région » surtout pour les zones les plus périphériques, et avec un « nombre d’élus plus limité », comme le précise de Président de la République.

Evidemment, comme toujours dans cet acte III, le nombre de 13 n’est pas encore stabilisé… Il y aura des débats locaux et des « droits d’options ». Mais à la limite, l’essentiel n’est pas que le nombre de Régions se stabilise finalement à 13, 14 ou 15. Ce qui est grave est le fait qu’elles deviennent autonomes sur les plans normatif et règlementaire.

Elles disposeront de moyens financiers propres (impôts locaux spécifiques supplémentaires [3] dès 2016) mais aussi de pouvoirs normatifs et réglementaires.

Ces nouvelles baronnies régionales auront en effet les pleins pouvoirs sur presque toutes les missions publiques jusqu’alors de la responsabilité de l’État. Et pour le gouvernement « il s’agit également d’inviter le législateur comme le pouvoir réglementaire national, à laisser aux régions des marges de manœuvre dans l’application des lois, soit en s’abstenant d’intervenir soit en habilitant expressément les Régions à adapter les règles ». Pour Force Ouvrière, cela serait contraire à l’article 72 de la Constitution.

Rappelons par exemple que l’un des premiers arguments des élus locaux d’Alsace qui prônaient une « collectivité territoriale unique d’Alsace » était de pouvoir adapter le code du travail et le Smic afin de pouvoir être compétitif face à leurs voisins allemand et suisse !

Force Ouvrière s’oppose à cette balkanisation de l’action publique qui conduirait à autant de politiques (y compris sociales) et de droits que de Régions. 13 Régions et 13 Smic différents ou 13 RSA différents. C’est l’unicité de la République et l’égalité de droit qui sont en jeu.

Les impacts seront donc tant sur l’éloignement des services publics (Territoriale, État et Hospitalière y compris leurs établissements publics) devant encore s’éloigner des usagers et « du terrain » pour épouser les 13 grandes régions. Les effets seront aussi importants pour les politiques publiques ou sur l’organisation de la vie de tous les jours (calendrier des vacances scolaires par exemple). L’ensemble des institutions de niveau régional sera concerné, et notamment les CESER qui devront fusionner et réduire probablement le nombre de conseillers [4]. Au-delà, l’ensemble des structures para-publiques adossées aux Régions vont être directement touchées par ces regroupements : Sociétés d’économie mixte régionales (par exemple dans le domaine du développement économique ou du tourisme), Groupement d’intérêt public régionaux, associations (par exemple les associations agréées de surveillance de la qualité de l’air). Même sans être adossées directement au portage de politiques publiques locales, de nombreuses structures privées et associatives sont organisés régionalement. Cette fusion des régions touchera donc aussi l’emploi privé sans aucune évaluation préalable.

La décision du Conseil constitutionnel n° 2014-709 DC du 15 janvier 2015, Loi relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral

Par décision du 15 janvier 2015, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution l’essentiel de la loi relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

Dans sa décision n° 2014-709 DC du 15 janvier 2015, le Conseil constitutionnel a jugé que la procédure d’adoption de la loi déférée n’était pas contraire à la Constitution et que l’article 11, introduit par amendement en première lecture à l’Assemblée nationale, présentait un lien avec les dispositions du projet de loi initial et avait donc sa place dans cette loi.

Le Conseil constitutionnel a jugé l’article 6, relatif aux règles de réattribution des sièges entre sections départementales pour les élections régionales, conforme à la Constitution.

Une seule disposition de la loi est censurée. Le Conseil constitutionnel a censuré d’office, comme contraire au principe d’égalité des candidats devant le suffrage, une disposition de l’article 10 (3° du paragraphe I) reportant, pour les élections départementales de mars 2015, au 17 septembre 2014 la date à compter de laquelle l’article L. 52-8-1 du code électoral est applicable.

Elle porte sur l’une des mesures prises pour remédier aux hésitations qui ont entouré la fixation du calendrier électoral. La loi prévoit qu’un certain nombre de règles en matière de financement des campagnes ne s’appliquent aux candidats aux élections départementales de mars prochain qu’à compter du 17 septembre 2014. S’il ne s’oppose pas au principe, le Conseil constitutionnel refuse que soit incluse parmi ces règles l’interdiction pour les parlementaires candidats d’utiliser pour leur campagne l’indemnité représentative de frais de mandat (art. L. 52-8-1 du code électoral). Pour le juge constitutionnel, les dispositions du 3e du paragraphe Ier de l’article 10 de la loi déférée « instaurent, entre les candidats aux élections départementales qui sont membres du Parlement, selon qu’ils avaient ou non utilisé conformément à leur destination les indemnités et les avantages en nature mis à leur disposition pour couvrir les frais liés à l’exercice de leur mandat, des différences de traitement qui méconnaissent le principe d’égalité des candidats devant le suffrage ».

En revanche, le Conseil rejette les moyens qui l’invitaient à juger que le gouvernement était tenu de consulter les régions et les départements préalablement au dépôt ou à l’adoption du projet. Suivant sa jurisprudence constante, il refuse d’examiner la conformité de la procédure aux stipulations de la Charte européenne de l’autonomie locale. Quant à l’article 72-1 de la Constitution (« Lorsqu’il est envisagé de créer une collectivité territoriale dotée d’un statut particulier ou de modifier son organisation, il peut être décidé par la loi de consulter les électeurs inscrits dans les collectivités intéressées. La modification des limites des collectivités territoriales peut également donner lieu à la consultation des électeurs dans les conditions prévues par la loi »), ni ses dispositions « ni aucune autre exigence constitutionnelle n’imposent la consultation des collectivités territoriales préalablement au dépôt d’un projet ou à l’adoption d’une loi modifiant leurs délimitations territoriales ».

Achevé de rédiger le 24 février 2015

 Voir en ligne  : InFOéco n°101 du 24 février 2015 [PDF]

Pascal Pavageau Ex-Secrétaire général de Force Ouvrière

Notes

[1La loi n°2014-58 du 27 janvier 2014, dite de « modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles », constitue le premier texte de l’acte III de décentralisation. L’inFOéco n° 81 du 22 avril 2014 l’analyse en détail.

[2En 2012 et 2013, Force Ouvrière a fait campagne pour le « non », c’est-à-dire contre le regroupe des deux Conseils généraux du Bas Rhin et du Haut Rhin avec la région Alsace.

[3Il est quelque peu contradictoire de confier aux Régions et Métropoles de nouveaux pouvoirs et responsabilités d’un côté et de leur imposer de l’autre côté une réduction de dotation budgétaire de 20 Mds entre 2010 et 2017 y compris pour l’exercice de missions publiques qui leurs sont transférées.

[4Circulaire confédérale n°180 du 9 décembre 2014