Après la fermeture de Camaïeu, les salariés de Go Sport s’inquiètent

InFO militante par Chloé Bouvier

© Arnaud HEBERT/REA

Le 19 décembre, le tribunal de commerce de Grenoble se penchera sur la situation financière de Go Sport. Alors que deux cabinets d’experts mettent en doute la continuité d’exploitation, les salariés s’inquiètent. Quelques mois après la liquidation de Camaïeu détenu par la même holding, HPB, ils craignent de subir le même sort.

Même actionnaire, mêmes effets ?, lance Christophe Lavalle, délégué FO chez Go Sport. Alors que l’ombre de la liquidation de Camaïeu plane encore sur les esprits, la situation du distributeur spécialisé dans le sport va être examinée par la justice le 19 décembre. Le point commun entre les deux entreprises ? Leur actionnaire, Michel Ohayon. Go Sport et Camaïeu appartiennent à la même société : Hermione, People and Brands (HPB) division de la Financière immobilière bordelaise (FIB) détenue par l’homme d’affaires.

Deuxième syndicat au sein de l’entreprise, FO Go Sport craint que les 2 150 salariés ne subissent le même sort que les salariés de Camaïeu, l’enseigne de prêt-à-porter liquidée fin septembre. Dès le 18 octobre, nous [les représentants du personnel, NDLR] avons lancé une procédure de droit d’alerte économique au niveau du CSE Central du groupe, relate le délégué syndical. Le départ de notre directrice des affaires financières durant l’été nous avait inquiété quant aux pratiques financières de la holding HPB par rapport à Go Sport. L’expert mandaté fait face à des difficultés pour obtenir les chiffres de la trésorerie de l’entreprise. Une première audition sur ce sujet s’est d’ailleurs tenue le 13 décembre au tribunal de commerce de Grenoble, chargé du dossier puisque le siège de l’entreprise est situé à Sassenage, en Isère.

36 millions d’euros manquent à l’appel

Les commissaires aux comptes de l’entreprise, KPMG et Ernst & Young, ont envoyé à la direction de Go Sport « un rapport spécial d’alerte », le 22 novembre selon les informations du journal Le Monde. Dans ce rapport, document transmis au président du tribunal de commerce de Grenoble, les deux cabinets soulignent la dégradation de près de 10 % du chiffre d’affaires de l’enseigne constatée fin août 2022 par rapport au budget » et des « décaissements relatifs à des éléments non récurrents pour un montant de 36,3 millions d’euros, qui obèrent très significativement la trésorerie de la société Groupe Go Sport. Les deux cabinets estiment que, au stade et au vu du peu d’information fournie par la direction, ils ne disposent pas d’un degré de confiance suffisant sur les prévisions d’activité et de trésorerie de la société Groupe Go Sport dont la continuité d’exploitation semble compromise.

Par communiqué, mardi 6 décembre, HPB a tenté de rassurer. L’entreprise dit avoir honoré plus de 70 millions d’euros de charges exceptionnelles et être faiblement endettée. La requête de M. le procureur de la République de Grenoble est fondée sur des informations erronées en cours de rectification, ce qui cause un grave préjudice à Go Sport et à ses actionnaires, ajoute HPB, en assurant qu’aucun amalgame ne doit être fait entre Camaïeu et Go Sport. La direction assure encore que Go Sport n’est pas en cessation de paiements. Un élément que Christophe Lavalle peine à croire : On n’a plus de doudounes en rayon alors que l’on est en plein mois de décembre. Lorsque l’on appelle les marques, celles-ci nous disent qu’elles ne nous livreront pas tant que Go Sport n’a pas payé.

On a déshabillé Paul pour habiller Jacques

Des hypothèses économiques laissent supposer un trou de trésorerie à fin novembre et a fortiori sur décembre, résume l’avocate Evelyn Bledniak, évoquant une activité économique en retard sur les prévisions et cela depuis l’été. Pour FO, la question demeure : que sont devenus les 36,3 millions d’euros de Go Sport ? Sans doute que cet argent a été remonté à la société-mère pour renflouer Camaïeu, estime le délégué syndical Christophe Lavalle. On a déshabillé Paul pour habiller Jacques. Mais avec la liquidation de Camaïeu, cela signifie que cet argent est perdu et Go Sport se retrouve en difficulté.

D’après HPB, les transferts intragroupe ont été effectués en toute légalité et n’obèrent pas l’exploitation de la chaîne d’articles de sport, c’est en tout cas ce qui nous a été rapporté, poursuit le militant. On ne nous a pas précisé le rachat qui a été financé, seulement que ça été fait dans le cadre d’une opération de croissance externe.

L’enjeu d’un administrateur judiciaire

Les élus du CSEC ont lancé une procédure judiciaire devant le tribunal de commerce de Grenoble avant qu’il ne soit trop tard. Concrètement, ils ont déposé une demande auprès du tribunal de commerce pour la désignation d’un administrateur judiciaire au terme de la procédure de droit d’alerte économique, précise leur avocate Evelyn Bledniak.

L’enjeu est aussi sur le long terme, précise Audrey Rossellini, secrétaire adjointe de la Section fédérale FO du Commerce & VRP. Si le tribunal se prononce en faveur de la reprise de Go Sport, il faudra faire attention au repreneur. Si c’est juste une solution de court-terme pour sauver les emplois sur le moment, cela n’a pas grand intérêt. Une crainte que partage Christophe Lavalle : on en a marre de ces pratiques de voyou. Pour rappel, Go Sport avait été racheté fin 2021 pour un euro symbolique par HPB auprès de la société Rallye, maison-mère du groupe de distribution alimentaire Casino. Alors que HPB a bénéficié d’un prêt garanti par l’État de 20 millions d’euros pour redresser Go Sport, il est temps que le gouvernement tape du poing sur la table, et fort !, s’indigne le délégué syndical. Et cela renvoie une nouvelle fois à la conditionnalité des aides publiques aux entreprises, ce que ne cesse de demander FO.