« Plus de 3 000 salariés venus essentiellement de province pour manifester au siège d’Areva, plus tous ceux qui sont en grève dans les établissements, c’est une très belle réussite », s’est félicité Philippe Launay, délégué central FO chez Areva.
Les manifestants, armés de fumigènes et de pétards, sont venus avant tout défendre l’emploi. Le géant du nucléaire, qui fait face à une dette de 7 à 8 milliards d’euros, a annoncé en avril dernier la suppression de 6 000 emplois, dont 4 000 en France. L’objectif est d’économiser un milliard d’euros d’ici à 2017.
« Tous les salariés du groupe sont concernés par les attaques sur l’emploi, les acquis sociaux et les garanties collectives », selon un tract de l’intersyndicale. Les négociations avec la direction sur le plan de départs volontaires devraient s’achever les 21 et 22 septembre.
« On ne sait pas d’où sort ce chiffre de 4 000 postes, et on ne nous a toujours pas expliqué comment l’entreprise serait plus efficace demain, avec moins de salariés » dénonce Eric Devy, délégué central FO chez Areva NP (la filiale dédiée aux réacteurs). Les syndicats comme les employés s’inquiètent de la dégradation des conditions de travail, avec un personnel réduit mais une charge de travail identique.
Ils évoquent aussi des risques à venir en matière de sûreté et de sécurité, tant pour les populations que pour le personnel. « Dans certaines usines, les effectifs sont déjà au minimum, des compétences vont partir et il n’y aura pas d’embauches, souligne José Montes », coordinateur FO.
Tous craignent aussi à terme le démantèlement de l’entreprise et de la filière nucléaire française. Car face aux difficultés financières du groupe nucléaire, l’État, qui contrôle 87% d’Areva, a décidé de céder la majorité de l’activité des réacteurs à EDF, pour une somme qui avoisinerait 2 à 2,5 milliards d’euros. C’est près de la moitié du chiffre d’affaires et des effectifs du groupe nucléaire qui seront repris dans une filiale.
« L’État doit recapitaliser rapidement Areva »
Symboliquement, les manifestants ont marché jusqu’à la tour EDF, située à quelques centaines de mètres du siège d’Areva. Rafaël, venu du Tricastin, travaille dans les fonctions support. Il redoute le passage chez EDF. « Au-delà de la perte des acquis comme l’intéressement, ma crainte c’est qu’EDF supprime les fonctions supports et nous renvoie chez un sous-traitant, avec des conditions d’emploi désastreuses », explique-t-il.
Carl Fraselle, délégué syndical FO dans la maintenance nucléaire, à Chalon-sur-Saône, craint pour la sécurité des installations. « Le sûreté nucléaire passe par l’expérience, mais ça a un coût et EDF pourrait chercher à faire des économies sur l’entretien et délocaliser l’ingénierie, explique-t-il. On sait qu’EDF veut se développer à l’export. Un deal pourrait par exemple être passé avec la Chine pour gagner une partie de son marché. »
Lors des prises de parole, la secrétaire confédérale Michèle Biaggi a assuré les salariés du soutien total de toutes les structures FO. « Il faut protéger la filière nucléaire, indispensable à la production d’énergie en France, a-t-elle expliqué. L’état doit prendre ses responsabilités, il y a urgence et pas d’alternative possible. »
L’état s’était engagé le 3 juin à recapitaliser en partie le groupe nucléaire, mais le montant n’est toujours pas connu. Pour Philippe Launay, « l’État doit prendre ses responsabilités et recapitaliser rapidement Areva à la hauteur nécessaire ». Le ministre de l’Economie, Emmanuel Macron, doit rencontrer l’intersyndicale le 1er octobre.