Argentine : colère sociale sur fond d’austérité imposée par le FMI

InFO militante par L’inFO militante, Maud Carlus

© Nacho Boullosa/SOPA Images via ZUMA Press Wire

Des milliers d’Argentins ont manifesté à Buenos Aires mi-avril, demandant des aides face à une hausse des prix galopante, qui menace de plonger des millions de travailleurs dans la pauvreté.

Comme beaucoup de pays dans le monde, l’Argentine est touchée par les conséquences de la guerre en Ukraine. En mars, les produits alimentaires ont augmenté de 7,2 %, l’eau et l’électricité de 7,7 % et l’habillement de 10,9 %... L’inflation a atteint 16,1 % au premier trimestre, 55,1 % sur les douze derniers mois, soit l’un des taux les plus élevés du monde. Les Argentins exigent des aides de l’État, celles décidées jusqu’à présent étant jugées insuffisantes. Ce mécontentement social s’est traduit par une nouvelle manifestation qui, le 13 avril, a rassemblé des milliers de travailleurs à Buenos Aires. Plus tôt dans le mois, par une grève qui avait paralysé les exportations de céréales, les patrons des entreprises de transport avaient rapidement obtenu une hausse de 20 % des tarifs de fret pour faire face à l’augmentation des prix du carburant…

Si les conséquences de la guerre en Ukraine constituent un des facteurs de cette inflation, ce n’est pas le seul : la situation sociale était déjà fortement dégradée en Argentine, aggravée par les deux années de crise sanitaire. Plus largement, et même si la croissance à 10 % l’an dernier affichait une embellie, l’Argentine vit sous la contrainte de dettes colossales à rembourser, notamment depuis la « grande crise » économique de 2001 dont elle n’a toujours pas pu se relever. Et les emprunts contractés s’accompagnent de mesures d’austérité, exigées par les créanciers. En 2018, alors que le pays est plongé dans la récession, le gouvernement contracte un prêt inédit de 45 milliards auprès du FMI, à rembourser en 2024. Depuis, l’Argentine vit encore plus au rythme des remboursements des échéances.

La pauvreté s’étend

En décembre dernier, l’accord signé avec le FMI pour le refinancement de cette dette a été assorti, entre autres, de l’exigence de la réduction du déficit budgétaire argentin et de la maîtrise de l’inflation. Le gouvernement prévoit par ailleurs un retour à l’équilibre du budget de l’État dès 2025. Une résorption du déficit effectuée au pas de course, donc.  Les syndicats argentins dénoncent depuis des années les conséquences du prêt du FMI sur les travailleurs, résume Marjorie Alexandre, secrétaire confédérale au secteur international de FO. Cet énorme emprunt a créé une pression économique qui fait basculer une partie de la population dans la pauvreté. Lorsque le FMI octroie un prêt, il y inclut systématiquement des conditionnalités qui découlent d’exigences de baisse du déficit et des dépenses publiques.

Et de rappeler que FO se bat contre cette vision qu’ont les institutions financières, à l’instar du FMI, lesquelles considèrent que les services publics sont une dépense et qui exigent de juguler la dette publique. Nous considérons que les services publics (santé, Assurance chômage, etc.) sont un investissement pour l’avenir et participent à la redistribution des richesses, notamment lors de crises comme celle du coronavirus. Ces nouveaux coups portés à l’économie argentine inquiètent aussi par les conséquences qu’ils pourraient avoir sur la stabilité politique de ce pays d’Amérique latine marqué par des années de dictature et dans lequel plus de dix millions de personnes vivent dans la pauvreté.

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération

Maud Carlus