Arrêts maladie : le gouvernement change de formule, pas de credo

Protection Sociale par Françoise Lambert, Serge Legagnoa

© Patrick ALLARD/REA

Après avoir envisagé de faire prendre en charge par les employeurs le coût des arrêts maladie courts, le gouvernement demande désormais aux interlocuteurs sociaux de trouver une solution pour en réduire le coût. FO est en alerte sur la question, qui devrait faire partie des sujets abordés le 30 août, lors des rencontres bilatérales entre le Premier ministre et les syndicats, fin août.

Ballon d’essai, couac au sein du gouvernement ou crainte d’un retour de bâton patronal ou syndical ? Le 26 août, le Premier ministre est revenu sur l’idée de faire financer par les employeurs une partie du coût des arrêts maladie courts, en lieu et place de la Sécurité sociale.

Dans une interview au Journal du dimanche daté du 26 août, Édouard Philippe écarte l’hypothèse d’une mesure brutale de transfert vers les entreprises de quatre jours d’indemnités journalières pour les arrêts maladies de moins de huit jours.

Levée de boucliers

Le journal Les Echos avait indiqué début août que le gouvernement envisageait ce transfert, pour un montant d’économies de 900 millions d’euros. La nouvelle avait provoqué une levée de boucliers, tant du côté patronal que syndical.

Quand l’État finance sa politique en diminuant les droits des assurés

Force Ouvrière avait souligné le risque que les assurés payent deux fois, avec l’éventualité que le patronat demande une augmentation du nombre de jours de carence pour alléger la note à payer.

La confédération avait aussi rappelé qu’avec la suppression de la cotisation maladie au profit d’une hausse de la CSG, les salariés payent toujours leur indemnités journalières, mais de manière fiscale désormais et non sociale .

Conséquence : l’État peut se prétendre propriétaire des recettes de la Sécurité sociale et en faire ce qu’il veut, y compris diminuer les droits des assurés pour financer sa politique !

Dissensions au sein du gouvernement

Le projet de basculer le financement les indemnités journalières maladie vers les employeurs a également suscité l’opposition de la ministre du Travail. Selon le site de L’Express, Muriel Pénicaud a réfuté dans une lettre du 24 juillet adressée au Premier ministre, l’argument de la ministre de la Santé, selon lequel une telle mesure responsabiliserait les entreprises en cas d’arrêts maladie en lien avec une dégradation des conditions de travail.

Pour autant, et en dépit de fortes critiques, le Premier ministre ne renonce pas expressément au projet. Puisqu’il a seulement écarté un transfert brutal. Il demande désormais aux acteurs du système de se mettre autour de la table pour trouver les moyens de contenir les dépenses liées aux arrêts maladie, estimant que c’est ensemble qu’il faut résoudre le problème.

Les assurés culpabilisés

En trois ans, le nombre de journées indemnisées est passé de 11 à 12 par an et par salarié du privé. C’est comme si notre pays avait instauré un jour de congé supplémentaire ! a déclaré Édouard Philippe au JDD.

Comment peut-on confondre arrêts maladie et jours de congés ? C’est remettre en cause l’éthique des médecins et culpabiliser les assurés sociaux, réagit Serge Legagnoa, secrétaire confédéral FO chargé de la Protection sociale.

Les arrêts courts peu coûteux

Les arrêts maladie courts ne représentent qu’une part réduite des dépenses totales d’indemnités journalières de l’Assurance maladie, à savoir… 4,3% en 2016, dernière année où les chiffres sont disponibles.

En revanche, le coût global des arrêts maladie est en forte hausse depuis ces dernières années. Il a bondi de 13% entre 2013 et 2016, atteignant 10,3 milliards d’euros en 2017, selon les comptes de la Sécurité sociale.

Plus d’arrêts maladie longs avec le recul de l’âge de la retraite

La fréquence des arrêts maladie n’a pas augmenté, mais leur durée s’est allongée — et donc leur coût aussi. L’assurance maladie explique en partie cette tendance… par la réforme des retraites de 2010, qui a entériné le recul progressif de l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans. Les arrêts les plus longs, en toute logique, concernent en grande partie les salariés les plus âgés.

Françoise Lambert Journaliste à L’inFO militante

Serge Legagnoa Ex-Secrétaire confédéral au Secteur de la Protection Sociale Collective