Ils ont repris le travail ce 20 mai après une longue période de chômage technique. Les salariés de l’aciérie d’Ascoval de Saint-Saulve dans le Nord n’ont pas pour autant le moral au beau fixe. Le 14 mai dernier, ils ont découvert avec effroi que British Steel, le repreneur du site (à la date du 15 mai), n’avait pas les reins aussi solides que prévu. Le groupe britannique (5000 salariés et 2e groupe sidérurgique outre-Manche) a annoncé un manque de liquidités et des difficultés liées aux incertitudes que fait peser le Brexit sur son activité… La presse britannique laissait entendre quant à elle qu’il y avait des risques de faillite dans l’air.
Trois jours plus tard, British Steel (détenu par Greybull, un fonds de capitalisation….) se voulait rassurant annonçant, cette fois, avoir reçu des liquidités et le soutien de ses actionnaires et créanciers. Certes, mais… Selon la BBC, des discussions se poursuivaient avec le gouvernement britannique. Il était ainsi question que le gouvernement de Theresa May prenne la décision d’apporter des fonds au groupe ou le nationalise ou encore n’intervienne aucunement ce qui pourrait amener British Steel à la faillite. Bref, rien de rassurant et aucun démenti sur ces difficultés n’a été fait.
Pour un repreneur ayant décidé d’investir des millions d’euros (47 millions et autant de la part des pouvoirs publics, État et collectivités locales) dans la reprise d’Ascoval, de garder l’ensemble du personnel (270 salariés) et d’assumer une partie du passif social, cette situation n’est pas banale. Et autant dire que l’annonce a jeté le trouble à Saint-Saulve.
« Il faut garder la tête froide »
Le 2 mai, le tribunal de grande instance de Strasbourg avait accepté le rachat d’Ascoval par cette entreprise sidérurgique britannique et légitimement, les salariés de l’aciérie, leurs représentants dont FO, se réjouissaient de ce qu’ils croyaient être un happy-end après une année et demie passée dans la crainte d’une liquidation du site (créé dans les années 1970) et de ses emplois.
Toutefois, si la joie était là, la méfiance aussi. « Nous restons prudents » déclarait alors Dominique Dufner, le représentant du syndicat FO créé il y a deux ans sur le site. De son côté, le 15 mai, la fédération des Métaux indiquait : « FO a toujours considéré qu’il fallait garder la tête froide. Nous n’oubliions pas qu’en décembre dernier, déjà, le site semblait sauvé, après la validation de l’offre de l’industriel franco-belge Altifort, qui avait fait long feu ».
En effet, alors que la justice avait accepté la vente d’Ascoval à Altifort et les modalités de la reprise, ce dernier avait annoncé le 21 février qu’il abandonnait le projet s’étant rendu compte, mais un peu tard, qu’il ne disposait pas suffisamment de financement pour acheter Ascoval.
Les atouts d’Ascoval
Alors qu’un comité d’entreprise s’est tenu le 20 mai n’apportant pas davantage d’informations sur la situation de reprise, note Lionel Bellotti secrétaire fédéral en charge du secteur de la sidérurgie pour FO Métaux, l’avenir d’Ascoval semble une nouvelle fois sur la sellette.
« En achetant Ascoval, British Steel a voulu se créer un nouvel outil industriel pouvant servir à d’autres de ses activités, autrement dit à Rail France (fabrication de rails ferroviaires) qu’elle détient (notamment sur le site français de Hayange en Moselle) » analyse Lionel Bellotti qui au nom de FO Métaux demande « des garanties financières et industrielles » dans le cadre de la reprise d’Ascoval.
Pour l’instant souligne la fédération, la situation du site de Saint-Saulve est pour le moins anormale au regard des atouts de l’usine. « Ascoval est une des dernières grosses aciéries électriques de France, qui a été rénovée et qui détient à la fois, les compétences à travers ses salariés et de fortes capacités de production, ainsi qu’un positionnement sur un créneau haut de gamme : les aciers spéciaux. De surcroît, Ascoval détient d’autres atouts, son positionnement géographique permet l’alimentation de ses matières premières par voie routière, navale et par voie ferrée. De plus, une aciérie électrique détient l’avantage d’émettre bien de moins de gaz à effet de serre qu’un haut fourneau. Il est impératif de pérenniser ce site et ses savoir-faire, ce qui implique non seulement un projet industriel mais aussi un carnet de commandes qui reste à construire. »