Assistantes maternelles : elles exigent plus que jamais la reconnaissance de leur métier

InFO militante par Valérie Forgeront, FGTA-FO

Frédéric Blanc

C’est « un beau métier » lançait Véronique Delaitre, la secrétaire générale du syndicat FO des assistantes maternelles ce 8 juillet lors d’une conférence de presse à Paris au siège de la Confédération en présence du secrétaire général, Yves Veyrier. Alors que la crise a amplifié le malaise dans cette profession hyper féminisée, les Assmat FO redoublent d’énergie pour améliorer au plus vite les droits de ces salariées.

Pour parvenir à décrocher une complète reconnaissance de ce métier à part entière, le travail syndical ne manque pas soulignent en substance Véronique Delaitre, secrétaire générale du syndicat FO des assistantes maternelles, Marie-Claire Dufros, secrétaire générale adjointe et Richard Roze, secrétaire fédéral en charge du secteur des emplois de la famille à la FGTA-FO, fédération de rattachement du syndicat FO des Assmat.

La nécessité d’améliorer au plus vite les droits des assistantes maternelles (304 000 en 2018) a été particulièrement mise en lumière à l’occasion de la crise Covid. Le syndicat FO des Assmat et la FGTA-FO viennent ainsi de publier un livret compilant des dizaines de témoignages adressés au syndicat FO (sur sa page Facebook) pendant le confinement.

Et ces textes en disent long sur le sentiment d’abandon de ces salariées, quasiment ignorées des pouvoirs publics pendant la crise. Ils soulignent aussi les besoins des Assmat en matière de droits, d’information, de soutien, de considération et rappellent la demande d’une revalorisation du métier, et donc des salaires. La profession d’assistante maternelle est soumise à un agrément, délivré par le conseil départemental, réexaminé tous les cinq ans sur la base d’un référentiel (décret du 15 mars 2012) fixant les conditions. Depuis 2019, ces salariées passent une sorte d’examen, une évaluation-par une mise en situation- supervisée par des puéricultrices ou assistantes sociales de la PMI (protection maternelle infantile).

Contrôlées dans leurs compétences, les assistantes maternelles ont cependant été les grandes oubliées du gouvernement dans cette pandémie du covid-19 et elles n’ont reçu aucune aide, aucun soutien de la part de la PMI (protection maternelle et infantile) et des RAM (relais d’assistantes maternelles créés par la caisse nationale d’allocations familiales) de leur secteur s’indigne Marie-Claire Dufros.

Je me serais retrouvée sans salaire

Parmi les nombreux témoignages d’Assmat (leur anonymat a été préservé) reçus par le syndicat FO, l’une, L. B., s’interroge : je ne comprends pas que nous ayons été payées à 80% pour le chômage partiel et non 84%. (...) Ça ne gêne personne qu’on nous ait autorisé d’avoir plus de quatre accueils en même temps (l’autorisation est montée à six enfants accueillis pendant la crise, Ndlr), alors qu’en temps normal, quand on demande une dérogation de quelques mois, pour parfois juste un jour par semaine, on nous le refuse. Pas de distribution de matériel pour accueillir les enfants (masques, gels...)

Une autre assistante fulmine : Il n’y a pas de reconnaissance lorsque, par une ordonnance censée nous permettre de maintenir un revenu de 80%, nous perdons tous nos droits sociaux, chômage, retraite... Avec dans un premier temps Pajemploi (service des Urssaf permettant aux parents particuliers employeurs de remplir les formalités administratives, Ndlr) qui encourage tous les parents qui ne veulent pas payer les heures non effectuées alors que l’assistante maternelle ne demandait qu’à travailler.

Assmat elle aussi, V. explique : si j’avais décidé de moi-même de ne pas accueillir cette petite pour me protéger, je me serais retrouvée sans salaire, ou si j’avais touché les 80%, je n’aurais pas eu les moyens de payer mes factures et de me nourrir ! Peut-être qu’un jour ce métier sera reconnu comme n’importe quel autre métier.

Un métier à repositionner dans l’échelle des valeurs

Les militantes du syndicat, elles-mêmes anciennes Assmat, travaillent à cette reconnaissance et la tâche est ardue. Valérie Delaitre souligne ainsi le ras le bol des Assmat. Il y a beaucoup de démissions. Les assistantes maternelles en ont marre et se sentent bafouées. Alors que 152 000 Assmat prendront leur retraite à l’horizon 2030, la reconnaissance du métier, par une revalorisation salariale notamment, s’avère indispensable, au risque de connaître une pénurie dans la profession d’ici quelques années. Pour l’instant indique Richard Roze, les Assmat perçoivent 3,51 euros de l’heure en moyenne...

Ce 8 juillet, le secrétaire général de la confédération, Yves Veyrier a déploré cette situation salariale pour ces emplois insuffisamment considérés et pourtant essentiels à la vie quotidienne. Les Assmat sont souvent en bas de l’échelle des salaires, précaires et mal protégées or insistait-il, il faut repositionner ce métier et donc ses salaires dans l’échelle des valeurs.

Le syndicat FO des Assmat a été très actif sur les réseaux sociaux pendant la crise indique Véronique Delaitre. Il l’est toujours, soutenant, informant et accompagnant les assistantes dans leurs démarches. Cela a été particulièrement essentiel pendant le confinement car s’irrite Véronique Delaitre le gouvernement a laissé les Assmat sans protection et sans explications. Et, ajoute-elle, il aura fallu attendre un décret, en mars, pour leur indemnisation en chômage partiel. Mais à 80% du Smic et non à 84% et sans aucune cotisation, ni bulletin de salaire.

Or, effectuant un sondage pendant le confinement, FO a compté que sur 420 réponses, 195 faisaient état d’une rupture de contrat de travail. Depuis la fin du confinement, les dossiers pour rupture de contrats et destinés à être présentés devant les prud’hommes s’accumulent explique Véronique qui apporte son aide aux Assmat dans ces dossiers.

Aucune prime pour le travail pendant la crise

Plus largement, les assistantes maternelles doivent faire face sans cesse à des complications administratives, à des atteintes à leurs droits, à une absence d’informations... Et la crise Covid a tout exacerbé. Aujourd’hui, des Assmat reçoivent par exemple des informations de Pajemploi leur indiquant qu’elles ont perçu des indemnités, or c’est faux explique Marie-Claire. Depuis 2020, soit avec un an de retard, ces salariées reçoivent une nouvelle version de bulletins de salaires mais cela ne règle pas tout, ils sont très incomplets. Autre exemple de problème, lorsqu’une Assmat garde plusieurs enfants d’une fratrie, elle reçoit un seul bulletin pour tous les enfants. Si l’un d’entre eux n’est plus gardé, nous sommes alors confrontées à Pôle emploi qui signale un problème de trop-perçu !. Les Assmat FO exigent donc un bulletin de salaire par enfant.

Elles demandent toujours aussi l’accès à la médecine du travail, car pour l’instant, via un accord cadre interbranches, les Assmat en ont été exclues par le ministère des Solidarités..., alors que cela leur est promis depuis 2019.

Les Assmat qui ont travaillé pendant la crise n’ont perçu aucune prime s’indignent encore les militantes FO pointant les frais d’entretien, le coût de la désinfection des jouets et autres équipements à disposition des enfants et que les nounous ont assumés, seules.

La convention collective en négociation en septembre

En chômage partiel, les Assmat acquièrent bien des jours de congés mais là encore, elles doivent faire face à des complications insistent les militantes. Le calcul des droits se fait-il sur l’indemnité, le 80% du salaire, ou sur l’intégralité du salaire ? Et quand l’employeur a complété ces 80%, quel est le « statut » de ce complément de 20% ?

A partir du mois de septembre, les Assmat –dont le métier relève du Code de l’action sociale et des familles et non du Code du travail- entreront en négociation pour une nouvelle convention collective. Elle se fera sur la base d’une fusion entre la convention des Assmat (appliquée depuis janvier 2005) et celles des salariés des particuliers employeurs (créée en 2009).

Richard Roze prévient déjà on ne signera que s’il y a des avancées pour les assistantes maternelles. Et il va falloir taper du poing sur la table. Pour cette convention qui devrait comporter un socle commun Assmat/salariés du particulier employeur les spécificités Assmat seront reprises dans des annexes indique le secrétaire fédéral.

La longue liste des revendications

Ce 8 juillet, les assistantes maternelles ont rappelé leurs revendications, nombreuses. Parmi celles-ci, l’application d’un droit de retrait, l’augmentation des frais d’entretien, l’application (attendue depuis 2005) d’un décret permettant la déclaration par l’employeur des salaires en heures et non en forfait, la mise en place exceptionnelle pour 2020 d’une remise forfaitaire des déclarations de revenus portée à 4 Smic au lieu de 3, la revalorisation des salaires avec un salaire minimum passant de 0,281 fois le Smic brut à 0,300 fois le montant Smic et jusqu’à 0,640 fois pour le maximum.

La liste des revendications est longue, à la hauteur du travail de reconnaissance que les pouvoirs publics devront mener pour améliorer le métier d’Assmat.

Le syndicat FO et la FGTA-FO qui demandent l’organisation d’un Grenelle de la petite enfance revendiquent aussi l’amélioration de l’accès à la formation professionnelle, l’établissement d’un vrai bulletin de salaire (avec tout le détail : heures complémentaires, majorées, montants brut et net, montants horaires, heures complémentaires...), l’application complète du décret de mars 2012, demandent que les Assmat reçoivent une copie de l’entretien réalisé avec la puéricultrice, demandent aussi un suivi, au minimum annuel, de l’agrément...

A ne pas oublier, la demande, très symbolique au plan de la reconnaissance, de la création d’une journée nationale fêtant les assistantes maternelles.

Le syndicat FO qui a su garder un lien étroit avec les Assmat pendant la période de confinement, entend plus que jamais faire entendre la voix de ces salariées et leurs revendications. C’est ce que FO portera lors des élections dans les Très petites entreprises (TPE) en janvier 2021, qui concernent aussi les assistantes maternelles.

Mais une assistante maternelle ne se refait pas, elle place toujours les enfants au centre de ses préoccupations... Avec la FGTA-FO, le syndicat a ainsi conçu un livre (qui sera prochainement publié) qui explique, aux enfants, sans dramatiser et à l’aide d’une mascotte nommée fofo, ce qu’est la Covid-19 et pourquoi il convient d’appliquer des mesures de protection sanitaire.

Le livre n’est pas interdit aux adultes...

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante

FGTA-FO Travailleurs de l’agriculture, de l’alimentation et des services connexes

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