Assistantes maternelles : par leur mobilisation le 13 janvier, les Assmat obtiennent un nouveau protocole sanitaire

InFO militante par L’inFO militante, Maud Carlus

© F. BLANC

Aux côtés des enseignants, elles ont défilé le 13 janvier, à Paris et dans différentes villes de France, à l’appel d’une intersyndicale menée par FO. Les assistantes maternelles contestaient un protocole sanitaire inapplicable et contradictoire, les laissant qui plus est sans indemnité dans certains cas. Si le gouvernement leur a adressé dès le 14 janvier un nouveau protocole porteur d’avancées a, celui-ci ne chasse pas tous les doutes.

Nous avons l’impression d’être les oubliées de cette crise sanitaire, nous en avons marre de ne pas être reconnues, résumait le 13 janvier Véronique Boucher, assistante maternelle depuis 20 ans et militante FO depuis 5 ans originaire de Trélazé, petite commune en bordure d’Angers. Jeudi après-midi, Véronique a marché aux côtés d’une vingtaine de collègues assistantes maternelles (Assmat) dans la préfecture de Maine-et-Loire. Elles se sont intégrées au cortège des enseignants, et ont fait entendre leur voix.

Plus largement, au plan national, la mobilisation a payé puisque le protocole sanitaire qu’elles contestaient a été remplacé dès le 14 janvier par la Direction Générale de la Cohésion Sociale (DGCS), relevant du ministère des Affaires sociales et de la Santé et plus exactement du secteur des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes. On nous a écoutées, c’est le signe que l’intersyndicale a fonctionné et que le combat syndical est efficace, se félicite Véronique Delaitre, Secrétaire générale du syndicat FO des Assistantes maternelles, qui a pris part à toutes les négociations.

L’incompréhension face au protocole du 7 janvier

Ce nouveau protocole vient enfin répondre à de nombreuses zones d’ombres qui empêchaient les Assmat d’exercer leur métier en toute sécurité face à la menace du virus. A L’instar des enseignants, les Assmat doivent se plier à un protocole sanitaire. Mais celui-ci, présenté le 7 janvier, quatre jours après celui des professeurs, avait été établi sans concertation avec les professionnels du secteur ni avec les organisations syndicales, précise l’assistante maternelle.

Et pour le moins, il avait provoqué l’incompréhension dans la profession. C’est le grand écart avec notre ancien protocole qui date du 15 décembre. Nous sommes passées de si un des enfants accueillis est cas contact, il doit s’isoler pendant 17 jours, à si un enfant dont on a la garde est cas contact de ses parents positifs, il peut venir quand même. Résultat, on a une recrudescence de cas positifs indiquait Véronique Delaitre le jour de la mobilisation.

Manque de sécurité et des situations ubuesques et insécurisées

Autre problème dans le protocole, et pas des moindres dans ce protocole désormais caduc, si une assistante maternelle était cas contact d’un membre de sa famille, deux cas de figure se présentaient. Si l’on est testé positif, on a droit à un arrêt de travail et donc on est indemnisé. Si l’on est cas contact négatif et vacciné, il n’y a pas d’arrêt de travail et donc on doit poursuivre son activité, même s’il y a des risques. Mais les cas contact négatifs et non vaccinés, eux, doivent s’isoler et bénéficient d’un arrêt de travail, donc d’une indemnisation.. Pour les professionnelles, la situation était ubuesque.

Le nouveau protocole du 14 janvier est venu régler les questions d’indemnisations, mais il ne chasse pas les doutes. Véronique Delaitre note ainsi qu’il n’est pas fait mention d’une situation en particulier. Si un enfant accueilli est cas contact d’un cas avéré, les assistantes maternelles devront continuer à l’accueillir si son test est négatif au premier jour.

Ce qui peut paraître risqué, indique la militante, quand on sait que les symptômes peuvent se présenter quelques jours après. Par ailleurs, si l’enfant a moins de 3 ans, les parents doivent présenter le résultat du test à l’Assmat, mais s’il a plus de 3 ans, une attestation parentale suffit. Là intervient la question délicate de la relation de confiance avec les parents, lesquels sont l’employeur de l’Assmat.

Une mobilisation « inédite »

C’est un mouvement inédit que nous avons vécu, déclare Véronique Delaitre. Les Assmat ont beaucoup perdu d’argent pendant le Covid dès lors qu’elles étaient en arrêt de travail. Le protocole du 7 janvier ne répondait pas aux spécificités du métier d’assistante maternelle. A FO, nous considérons qu’il y avait un danger sanitaire et financier pour cette profession.

Des pétitions ont circulé, à l’initiative de la secrétaire générale, afin d’informer les Assmat du mouvement du 13 janvier. Et celui-ci rappelle la difficulté de faire grève quand on est seul face à son employeur, comme le souligne Véronique Boucher. Certaines ont été soutenues par les familles dont elles gardent les enfants, mais d’autres Assmat n’ont même pas osé dire qu’elles voulaient faire grève. Par ailleurs, des familles ont montré qu’elles n’acceptaient pas cette grève. Alors ce n’est pas évident pour les Assmat, a fortiori celles qui ne sont pas syndiquées.

Aucune compensation financière

Mais malgré ces difficultés, les Assmat se sont mobilisées, à la fois de plus en plus lasses et en colère de n’être pas entendues, encore moins considérées. Ainsi en est-il de la question du nettoyage, strict, des lieux de garde. Alors qu’elles doivent bien évidemment le réaliser, aucune prise en charge des frais (produits…) ne leur n’a été proposée.

Or, à l’exception du premier confinement, depuis la crise sanitaire, les Assmat ont toujours continué de travailler. On nous a même demandé d’augmenter le nombre d’enfants que l’on pouvait garder à six, en plus de nos propres enfants, ajoute la militante. Et pour cela nous n’avons reçu aucune compensation financière. Aujourd’hui, de plus en plus de collègues veulent changer de métier. Certains jours, il faut trouver la motivation de continuer.

Le combat pour de meilleurs salaires

Autant dire que faire vivre le collectif est un enjeu dans une profession peu syndiquée, en raison de la dispersion de ses salariées, explique Richard Roze, secrétaire fédéral à la FGTA-FO chargé du secteur emploi de la famille. Ce sont des salariées très investies, mais isolées et invisibles, qui ne travaillent pas en entreprise, donc il est difficile de les rassembler. Notre relais principal se fait grâce à la page Facebook de Véronique Delaitre, Syndicat national des assistantes maternelles FO, qui est très suivi sur les réseaux sociaux (environ 24 000 abonnés, dont le ministère de la Santé).

Exerçant leur profession à domicile et vivant des situations très diverses (par le nombre d’agréments, travaillant ou pas au sein de Maisons d’Assistantes Maternelles [MAM]…), elles ne bénéficient pas d’une grille de salaire classique. Au nombre de 300 000 en France, leur salaire varie de 200 à 2 500 euros par mois, en fonction de différents facteurs. En 2020, le salaire moyen était de 3,60 euros nets de l’heure, poursuit Richard Roze. Nous nous battons donc pour faire augmenter le taux horaire.

Par l’action syndicale, une nouvelle convention collective

En janvier 2022, une nouvelle convention collective a vu le jour et est désormais appliquée aux Assmat. Il s’agit de la convergence de deux conventions, celle des assistantes maternelles et celle des salariés des particuliers employeurs (au nombre de 1,4 million). Cette convention, appelée Convention collective du secteur des particuliers employeurs et de l’emploi à domicile, sur laquelle FO a beaucoup œuvré, a apporté quelques avancées, notamment une prime de départ à la retraite, et des avancées sur la prévoyance. Nous avons fait un peu évoluer le droit, se réjouit Richard Roze.

Le 13 janvier, les Assmat ont participé à une réunion en visio, à l’invitation d’Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de l’Enfance et des Familles. Au cours de cette réunion, le ministère a d’ores et déjà refusé de leur fournir des autotests gratuits. Pour Véronique Boucher, il est ressorti une seule chose de cette rencontre : les représentants ministériels ne connaissent pas du tout la réalité du métier d’assistante maternelle.

 Voir en ligne  : Pétition des Assistances maternelles

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération

Maud Carlus