Assurance chômage : dans quel État ai-je la dette ?

Revue de presse par Michel Pourcelot

Stéphane Lardy, à la tête de la délégation FO, négocie la prochaine convention d’Assurance chômage. Photographie : F. Blanc / FO Hebdo - CC BY-NC 2.0

Les négociations sur l’assurance chômage ont débuté lundi 22 février dans une atmosphère tendue soulignée par les médias, dont bon nombre n’ont pas manqué de relayer opportunément des chiffres témoignant de la « dette » et du « déficit » de l’Unédic.

Le Figaro
Pas d’alternative, il faut réformer, sinon, c’est la faillite, l’engloutissement : « Avec un trou abyssal à combler, le régime d’assurance chômage ne peut plus échapper une réforme structurelle. Plus question maintenant de chipoter ! Le régime d’assurance chômage, que les partenaires sociaux gèrent depuis 1958, est au bord de la faillite. Depuis le début de la crise, il a accumulé 25 milliards de déficit, soit l’équivalent du budget 2016 du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ».

Le Monde
Pourtant « le régime d’indemnisation du chômage est en effet assez largement excédentaire. Depuis 2008, l’excédent atteint 2,9 milliards d’euros, alors que le nombre de chômeurs a fortement augmenté et que la proportion de ceux qui bénéficient des indemnisations est tombée en dessous de 45 % en 2015 ». Alors pour quoi parle-t-on de « dette » ?, C’est « que le gouvernement entend maîtriser, notamment en restaurant la dégressivité des indemnités chômage ». Et une reprise du travail à bas coût. Un euro de l’heure par exemple ? Mais d’où vient cette dette ? « Ce n’est pas l’indemnisation des chômeurs qui creuse le déficit et donc la dette de l’Unédic, mais les ponctions faites par l’État. » Quand on veut réformer son chien, on lui inocule la rage...

Ouest-France
Et on fait monter la température : « Le gouvernement fait pression : Alors que le chômage (3,59 millions de chômeurs fin 2015) et la dette du régime (25,8 milliards d’euros) affichent des niveaux records, les partenaires sociaux doivent trouver un accord sur la prochaine convention avant le 1er juillet. Pressé par Bruxelles, l’exécutif pousse pour de nouvelles règles de l’assurance chômage afin d’atteindre 800 millions d’euros d’économies dès 2016 ». Et revoici les clous de Bruxelles pour fermer le cercueil.

Le Point
« Dans ce contexte, la ministre du Travail Myriam El Khomri n’exclut pas un retour à la dégressivité des allocations, une position traditionnelle du patronat et de la droite. Elle a appelé dimanche à "regarder les choses de façon non passionnée", tout en admettant que dans les années 1990, ce système n’avait pas prouvé son efficacité auprès des "personnes les plus en difficulté" ». Ce qui sous-entend qu’il le serait pour les autres.

Le Journal du Centre
La dégressivité « a déjà été mise en œuvre de 1992 à 2001. Ce dispositif avait alors plutôt ralenti le retour à l’emploi, selon diverses études. Pourquoi ? Parce que, comme l’expliquent des économistes peu suspects d’appartenir à la gauche de la gauche, la réduction des allocations – sous forme de dégressivité – incite les chômeurs les plus qualifiés à prendre des emplois moins qualifiés et rejette du même coup les chômeurs les moins qualifiés vers un chômage plus long ». Dont ils sont pour la plupart responsable, à écouter le Medef, « réclamant des mesures « "incitant à travailler tous les gens qui peuvent […] et qui ne le font pas" ». Un langage qui renvoie, à mots à peine couverts, à la très douteuse et injurieuse équation chômeur = fainéant, et qui semble valider par avance la dégressivité ». Le gouffre de la « dette » inciterait donc à ne faire qu’un pas entre agressivité et dégressivité. Vers une société dégressive.

Michel Pourcelot Ex-journaliste à L’inFO militante

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