Comme annoncé en février dernier après l’échec de la négociation interprofessionnelle sur la réforme de l’Assurance chômage, l’exécutif, qui imposait des économies irréalisables de l’ordre de 3,9 milliards, a repris la main. Le Premier ministre, accompagné la ministre du Travail, a présenté le 18 juin à Matignon les nouvelles règles définies unilatéralement par le gouvernement.
Les organisations syndicales et patronales ont eu la primeur des annonces, avant la tenue d’une conférence de presse. L’objectif de l’exécutif est une baisse de 150 000 à 250 000 chômeurs et 3,4 milliards d’euros d’économies d’ici fin 2021. En matière de calendrier, il souhaite publier les décrets d’ici la fin de l’été.
Six mois de travail pour ouvrir des droits
Pour les demandeurs d’emploi, ça va faire très mal. De nouvelles règles d’indemnisation seront mises en place au 1er novembre 2019. Il faudra alors avoir travaillé 6 mois au cours des 24 derniers mois (contre 4 mois sur 28 actuellement) pour ouvrir des droits à l’Assurance chômage. Selon FO, plus de 300 000 demandeurs d’emploi vont ainsi être privés d’un droit à l’indemnisation. Pourtant, comme l’a rappelé le Secrétaire général de la confédération Force Ouvrière Yves Veyrier, actuellement seulement la moitié des demandeurs d’emploi sont indemnisés.
De même, pour recharger ses droits, il faudra avoir travaillé six mois (contre un mois actuellement) durant la période de chômage pour prolonger d’autant la durée d’indemnisation. Là encore, nombre de précaires sortiront de l’indemnisation.
Un calcul de l’indemnité sur le mois
Pire encore, à partir d’avril 2020, le montant de l’indemnisation ne sera plus calculé selon le salaire journalier de référence, basé sur les jours de travail, mais sur le revenu mensuel moyen du travail. Seront inclus les jours non travaillés que subissent les salariés contraints d’enchaîner des CDD avec des périodes d’interruption
dénonce FO, pour qui ce système aboutira à une baisse de l’allocation mensuelle. FO conteste l’ensemble de ces mesures et le raisonnement consistant à faire le procès des salariés précaires qui seraient responsables de leur situation
, fustige Yves Veyrier.
Le gouvernement instaure également une mesure de dégressivité pour les cadres gagnant plus de 4 500 euros bruts par mois. Leur indemnisation sera réduite de 30% à partir du septième mois de chômage, avec un montant plancher de 2 261 euros nets par mois. La mesure sera mise en place en novembre 2019. Seuls les seniors de plus de 57 ans en seront exemptés.
Pour les assistantes maternelles, la mobilisation a payé
Une bonne nouvelle cependant, les assistantes maternelles, qui s’étaient fortement mobilisées contre la réforme de l’Assurance chômage, pourront conserver une indemnisation pour activité réduite lorsqu’elles perdent un contrat de travail. La pétition lancée par la fédération FGTA-FO avait récolté plus de 65 000 signatures.
La réforme met également en œuvre l’ouverture de droits, à certaines conditions, pour les démissionnaires et les indépendants à partir de novembre 2019.
Côté employeurs, un système de bonus-malus pour sanctionner ceux qui abusent des contrats courts sera mis en place au 1er janvier 2020, mais de manière bien trop restreinte. Seules sont concernées les entreprises de plus de 11 salariés relevant de 7 secteurs d’activité : l’hôtellerie-restauration (HCR), l’agroalimentaire, la production d’eau et de déchets, la publicité, le transport, le travail du bois/imprimerie et la fabrication de produits en plastique/caoutchouc. Le bâtiment et la santé, gros utilisateurs de contrats courts, en sont exclus.
Un bonus-malus inefficace
Concrètement le taux de cotisation patronale, actuellement fixé à 4,05 % de la masse salariale, variera d’un bonus de 3% à un malus de 5 % selon le comportement de l’employeur.
Yves Veyrier a rappelé face à la presse que 87% des embauches se font en contrat à durée déterminée. Et parmi elles, 30% sont des contrats d’un jour ou moins et 40 à 50% des contrats inférieurs à un mois. Il a estimé que les mesures annoncées ne seront pas efficaces pour lutter contre l’abus de contrats courts, contrairement au projet de bonus-malus que portait la confédération et dont la négociation a été rejetée par les employeurs. FO dénonce aussi un système neutre pour les entreprises, avec un malus équilibrant le bonus, quand les demandeurs d’emploi sont exclusivement mis à contribution.
En parallèle, une taxe forfaitaire de 10 euros par CDD d’usage (CDDU) va être créée. Cela ne concerne pas le secteur du spectacle, qui conservera une sur-cotisation patronale de 0,5%. Pour FO, la priorité devrait plutôt être de contrôler et sanctionner les entreprises qui y ont recours de manière abusive, tout en dotant l’inspection du travail de moyens nécessaires.
1 000 embauches à Pôle emploi
Par ailleurs, plus de 1 000 nouveaux conseillers Pôle emploi vont être recrutés pour trois ans et les suppressions de postes envisagées sont annulées. En matière d’accompagnement renforcé, une revendication portée de longue date par FO, de nouveaux services seront proposés à partir de janvier 2020. Les demandeurs d’emploi qui le souhaitent se verront proposer deux demi-journées d’accompagnement intensif dans le mois qui suit leur inscription à Pôle emploi. Ceux qui cumulent emploi et chômage auront aussi un accompagnent dédié, mais par des opérateurs privés.
Au final, pour Yves Veyrier cette réforme est un échec, il n’y a que des perdants : les demandeurs d’emploi, le gouvernement car on ne retiendra qu’un nouveau recul des droits sociaux et la négociation collective car le gouvernement nous annonce aujourd’hui la lettre de cadrage qu’il voulait imposer à la négociation collective dès le départ il y a quelques mois.