La réforme de l’Assurance chômage a été lancée le 13 décembre au ministère du Travail. Les interlocuteurs sociaux ont discuté durant deux heures avec le directeur de cabinet de la ministre, mais sont ressortis de la réunion multipartite les mains vides. Un document d’orientation précisant les attentes du gouvernement doit leur être envoyé le 14 décembre.
L’exécutif leur a précisé ses intentions et la méthode retenue. Cinq thèmes seront abordés au cours de cette réforme : l’ouverture des droits à davantage de démissionnaires ; l’ouverture de droits aux indépendants ; le contrôle des chômeurs ; la lutte contre la précarité et la permittence ; la gouvernance du régime. Syndicats et patronat auront la possibilité, s’ils le souhaitent, d’ouvrir des négociations.
Sur chaque item, on nous a dit qu’on avait le choix d’entrer en négociation ou que le sujet soit traité par le biais d’une concertation, a précisé Michel Beaugas, secrétaire confédéral FO chargé du chômage, sur le perron du ministère du Travail. Sur tous ces sujets, nous sommes prêts à négocier et nous sommes légitimes pour le faire. Si nous ne nous en saisissons pas, l’État prendra la main.
L’exécutif n’impose plus la mise en place d’un bonus-malus sur les contrats courts
Il a regretté que la mise en place d’un système de bonus-malus sur les contrats courts, une revendication portée par FO et promesse de campagne d’Emmanuel Macron, n’ait pas été évoquée. C’est un premier renoncement, selon Michel Beaugas. Ça vient de disparaître au profit de la lutte contre la précarité et la permittence. Il a dû y avoir de fortes pressions du côté patronal.
Il a rappelé que la question des contrats courts avait été renvoyée au niveau des branches, qui auraient dû démarrer les discussions il y a déjà plusieurs mois. Mais elles ne se sont pas empressées d’ouvrir le sujet
, a-t-il déploré. Il a aussi rappelé que la question de la permittence avait été réglée lors de la dernière négociation Unédic.
Les interlocuteurs sociaux gardent la possibilité de négocier sur un mécanisme qui permette de changer les comportements. Mais, selon l’entourage de la ministre, si leurs propositions sont jugées insuffisantes, le gouvernement imposera son propre système de bonus-malus, qui est déjà prêt.
FO favorable à un élargissement des démissions légitimes
Sur l’ouverture des droits à davantage de démissionnaires, les interlocuteurs sociaux peuvent aussi ouvrir des négociations, mais les discussions seront cadrées. L’exécutif a prévenu qu’il refusera tout délai de carence dans le nouveau dispositif. Il ne souhaite pas non plus la création de nouveaux cas de démission légitime, comme c’est par exemple le cas pour le rapprochement de conjoints.
Selon l’entourage de la ministre, les discussions devront porter sur la durée d’affiliation, la durée d’indemnisation (que le gouvernement souhaite plus courte), ou le plafonnement du montant de l’indemnisation. Ouvrir de nouveaux motifs de démission légitime permettrait aux démissionnaires de bénéficier de l’ensemble des droits
, a réagi Michel Beaugas.
FO ne veut pas d’un troisième statut spécifique pour les indépendants économiquement dépendants
Mêmes contraintes pour la couverture des indépendants, pour lesquels le gouvernement refuse toute nouvelle cotisation. Là encore, selon l’entourage de la ministre, une éventuelle négociation portera sur la population visée, l’élément déclencheur de l’indemnisation ainsi que la durée et le montant de l’indemnisation.
Nous sommes d’accord pour regarder l’ouverture de droits aux indépendants, mais il est hors de question de créer un troisième statut pour les indépendants économiquement dépendants, poursuit Michel Beaugas. Nous ne voulons pas que demain, l’ensemble des salariés y basculent avec un seuil de droits sociaux inférieur au seuil de pauvreté.
Côté financement, FO refusera que cette ouverture aux indépendants se fasse au détriment des droits des autres demandeurs d’emploi.
Le gouvernement souhaite garder la plume sur le contrôle des chômeurs et la gouvernance de l’Unédic
Sur le contrôle et l’accompagnement des demandeurs d’emploi, le gouvernement souhaite faire des propositions aux interlocuteurs sociaux, selon un proche du dossier. L’objectif est de conserver le système actuel piloté par Pôle emploi, en modifiant le barème et les modalités de sanction. Sur le contrôle des chômeurs, faire confiance au conseil d’administration de Pôle emploi nous va très bien, a poursuivi Michel Beaugas. Mais l’accompagnement est du ressort des interlocuteurs sociaux. Nous pouvons donc nous emparer du sujet, nous avons notre mot à dire.
En matière de gouvernance, le gouvernement veut s’immiscer dans la gestion de l’Assurance chômage, jusqu’à présent paritaire. Selon un connaisseur du dossier, le statu quo est impossible, en raison de l’élargissement de l’Assurance chômage aux démissionnaires et aux indépendants, ainsi que de la diversification du financement, mais toutes les options restent ouvertes. L’an prochain, la cotisation chômage versée par les salariés doit en effet disparaître en échange d’une hausse de la CSG. La question de la gouvernance nous revient aussi, surtout si nous nous emparons de la question des indépendants
, estime Michel Beaugas.
Des négociations achevées fin janvier 2018
Les organisations syndicales et patronales pourraient décider le 20 décembre, lors d’une réunion du groupe politique paritaire de l’Unédic, s’ils rentrent dans la négociation et sur quels thèmes. Si négociation il y a, elle devra avoir abouti fin janvier 2018, selon l’entourage de la ministre. Et l’exécutif prévoit une réunion avec les interlocuteurs sociaux autour du 20 janvier sur les thèmes du contrôle des chômeurs et de la gouvernance, où il veut garder la plume.
Une réunion conclusive est prévue autour du 15 février, selon un proche du dossier. Le gouvernement souhaite achever la rédaction du projet de loi réformant à la fois l’Assurance chômage, la formation professionnelle et l’apprentissage pour la fin de l’hiver, le 21 mars 2018.