Assurance chômage - Yves Veyrier, Secrétaire général de FO, était l’invité d’Yves Calvi

RTL le 15 mars 2021 par Yves Veyrier

Yves Veyrier, Secrétaire général de Force Ouvrière, était le lundi 15 mars 2021 à 08h20, l’invité d’Yves Calvi sur RTL.

Yves Calvi : Cet après-midi Jean Castex va tenir sa troisième conférence sociale, autour de la table il y aura aussi le ministre de l’économie, Bruno Lemaire, Elisabeth Borne, ministre du travail ; cette visioconférence a pour but de préparer la sortie de crise aussi bien sur le plan sanitaire qu’économique. Bonjour Yves Veyrier ! Vous êtes Secrétaire général de Force Ouvrière, vous participez à cette visioconférence. Est-ce que pour vous c’est le moment de parler de sortie de crise ?

Yves Veyrier : Tout le monde l’attend. En réalité, il y a une fatigue générale, une fatigue psychologique. On parle beaucoup du secteur de la culture, ces jours derniers, du spectacle qui est à l’arrêt complétement. On ne comprend pas d’ailleurs pourquoi, avec des mesures sanitaires, nous n’aurions pas pu ouvrir un tant soit peu le spectacle. Il y a les cafés-restaurants, le secteur du tourisme qui a été arrêté à nouveau pendant les vacances d’hiver après les vacances de fin d’année. Beaucoup de salariés en télétravail également, qui ne se voient plus. Le gouvernement a insisté pour du télétravail à 100%. Il y a ceux qui sont en activité partielle depuis très longtemps, le secteur aérien, l’aéronautique. Il y a des entreprises où les salariés sont confrontés à des annonces de suppressions d’emplois qu’ils ne comprennent pas, dont ils ont l’impression qu’il y a un effet d’aubaine. Il y a vraiment une attente à ce qu’on s’en sorte.

YC : La photo que vous venez de nous donner est réaliste mais est-ce que vous redoutez un confinement de l’Île-de-France ? On en parle de plus en plus et la probabilité augmente tous les jours.

YV : J’ai toujours dit que les décisions d’ordre public, en matière de santé publique, relèvent de la responsabilité des pouvoirs publics. En tant que syndicat, FO, je ne vais pas m’ajouter au concert des experts : faut-il ou non confiner ? De quelle manière ? Etc… Ce qui m’importe ce sont les conséquences sur l’aspect social, sur l’aspect économique. Et sur les mesures, les réponses qui sont apportées pour s’assurer que, justement, on tient compte et qu’on compense intégralement ceux qui subissent les décisions qui sont prises en matière de restrictions sanitaires. Ça n’était pas ce qu’il fallait faire avec l’assurance chômage, par exemple. L’obstination à vouloir absolument réformer l’assurance chômage je ne la comprends pas. Les cinq confédérations syndicales demandaient qu’on la mette de côté. Pourquoi je dis cela ? Parce que les salariés les plus précaires, ceux qui subissent justement les conséquences de cet arrêt de l’économie, vont être les plus pénalisés, dès le mois de juillet.

YC : On a mis tous les sujets qui fâchent de côté cet après-midi, vous l’avez constaté ? Donc ça vous va ?

YV : Mais la décision vient d’être prise. Je ne peux pas passer l’éponge. Cette après-midi je vais demander, à nouveau, au gouvernement qu’il renonce à mettre en œuvre les éléments de la réforme qu’il a prévu de mettre en œuvre dès le mois de juillet, qui vont affecter près de 800 000 demandeurs d’emploi.

YC : Pourquoi ? Qu’elle est votre motivation ?

YV : Parce que la réforme de l’assurance chômage, qui va entrer en vigueur au mois de juillet, va réduire l’allocation chômage pour les salariés les plus précaires, ceux qui ne totalisent pas une durée de travail à 100%. Or ces salariés – on parle beaucoup des permittents, notamment des saisons touristiques, des saisonniers – subissent cette conséquence. Ça n’est pas normal. Le quoi qu’il en coûte ne doit pas se traduire demain, ni aujourd’hui, par le quoi qu’il en coûte aux salariés.

YC : Quelles sont les priorités ? Vous nous avez cité les secteurs, culture, restauration, hôtellerie ; vous citez les permittents. On a l’impression que la liste est sans fin et ne pourrait jamais s’arrêter.

YV : Le sujet, aujourd’hui, est comment on sort de cette crise ? Il y a tout l’enjeu de la vaccination on l’a compris. Israël, qui a vacciné massivement, semble pouvoir sortir plus rapidement. Il y a un enjeu majeur, qu’on mette le paquet sur la production des doses. On a de plus en plus de vaccins mais nous n’avons pas suffisamment de doses à chaque fois. Il y a cet enjeu majeur. Il y a bien évidemment, malheureusement ce que l’on paye, qui ne se répare pas d’un coup de baguette magique, le manque de lits de réanimation, le manque de personnel à l’hôpital. Il y a une fatigue là-aussi. J’ai rencontré beaucoup d’agents du secteur de la santé ; il y a une fatigue. Il y a tous ces salariés de la deuxième ligne. D’ailleurs, cet après-midi, puisqu’on était théoriquement dans l’agenda social, j’attends que l’on mette au cœur de la reprise, de la relance, une revalorisation de tous ces métiers de la deuxième ligne.

YC : On parle d’une prime.

YV : Une prime, ça n’est pas la réponse. C’est éventuellement une réponse immédiate, mais si c’est une prime Macron, c’est au bon vouloir des employeurs.

YC : Vous dites des primes pourquoi pas mais ce qu’il faudrait ce sont des augmentations de salaires ?

YV : Il faut des mesures pérennes. Il ne faut pas que la prime se substitue à des augmentations pérennes ! Nous avons parlé du Smic, on a limité l’augmentation du Smic. Le gouvernement a fait un état des lieux de ce qu’on appelle la deuxième ligne, la très grande majorité d’entre eux sont au Smic, sans perspective d’évolution. C’est pour cela qu’il ne faut pas une prime mais une revalorisation d’ensemble de ces métiers qui ne se sont pas arrêtés et dont nous avons besoin.

YC : Incluant les travailleurs de la deuxième ligne, c’est-à-dire ceux qui ont continué à travailler pendant la pandémie, bâtiment, propreté, transport… Nous avons besoin d’eux, je vous ai bien compris ?

YV : Absolument, et à côté de la relance sur la réindustrialisation, la relocalisation des entreprises. Il y a beaucoup de mouvements de capitaux. On nous dit que le CAC40 est repassé au-dessus des 6000 points, c’est un chiffre record sur le long terme. Dans le même temps, nous avons un record en matière de chômage et nous avons recensé plus de 700 PSE, près de 100 000 suppressions d’emplois concernés par ces 700 PSE. Il faut que le gouvernement soit beaucoup plus vigilant sur le comportement des entreprises qui bénéficient d’aides publiques et qui, pour autant, font l’objet d’opérations financières, actionnariales… Il y a une entreprise, Liberty Steel en Moselle aujourd’hui, qui fait les frais d’une chute d’un financier britannique. Manoir Industries dans l’Eure qui passe d’un actionnaire chinois à un autre actionnaire chinois. On devrait être très vigilant sur ces situations.

YC : Pendant que vous abordez ces questions-là. Le P-DG de Danone a été viré brutalement la nuit dernière. Est-ce que ça vous inquiète pour l’emploi dans l’entreprise.

YV : Je ne défends pas le P-DG de Danone x, y ou z. J’avais d’ailleurs contesté à l’époque, quand il avait annoncé lui-même qu’il supprimerait des emplois pour rassurer les actionnaires de Danone. Ce qui ne me plaît pas, c’est un peu comme ce qui s’est passé autour de Carrefour à un moment donné, autour de Veolia-Suez. Ce sont ces opérations actionnariales, les marchés financiers qui marchent à plein, le CAC40 à plus de 6 000, dans une situation où l’incertitude domine sur l’activité économique, sur l’activité industrielle. Il faut stopper cela, il faut reconnecter les marchés financiers avec l’économie réelle. Quand on nous dit qu’on n’augmentera pas les impôts, il faut ramener les capitaux placés sur des actifs au Luxembourg.

YC : Je reviens quand même sur les dossiers que vous ne souhaitez pas et que vous pensez qu’il n’est pas normal d’aborder. Comment sortir de la crise sans évoquer les comptes sociaux Monsieur Veyrier ?

YV : Les comptes sociaux, c’est la dette.

YC : Cela nous concerne tous, on va tous la payer d’une façon ou d’une autre, à un moment ou à un autre. Est-ce qu’on peut ignorer cela dans une pareille conférence ?

YV : On a, d’une certaine manière, je ne sais pas si nous pouvons le dire comme cela, la chance que cette crise touche tous les pays. La question de la dette doit être traitée de cette manière-là. On doit faire en sorte que nous n’ayons pas à faire payer la crise, la dette aux populations, aux salariés. Il faut que les pays s’accordent là-dessus. Il y a des inégalités qui se sont accrues. Le ministre de l’Économie nous dit : les ménages ont épargné de l’ordre de 120 milliards voir plus pendant la crise sanitaire. On sait qu’une très grande majorité, 70%, de cette épargne est concentrée dans 20% des ménages les plus aisés. Il faut s’attacher à ce que ces placements, ces actifs divers et variés réinvestissent, rejoignent l’économie réelle. Il faut une fiscalité qui ne soit pas fondée sur les taxes qui touchent tout le monde indistinctement comme la TVA ou la CSG, que vous soyez riche ou pauvre. Il faut une fiscalité qui taxe le capital, les hauts revenus, les patrimoines importants.

YC : Vous demandez des augmentations d’impôts ?

YV : Sur le patrimoine, les hauts revenus, oui ! Qu’on fasse revenir les actifs sur l’économie réelle. Je le redirai cet après-midi également, le meilleur moyen ce sont les augmentations de salaire. Quand vous augmentez les salaires, vous laissez moins de marge aux dividendes qui repartent, dans certains nombres de secteurs, à la hausse en 2021.

Yves Veyrier Ex-Secrétaire général de Force Ouvrière