Attention : l’abandon de poste vaut démission ?

Divers par Patricia Drevon, Secteur des Affaires juridiques

L a loi n°2022-1598 du 21 décembre 2022, dite loi « marché du travail », et son décret d’application n°2023-275 du 17 avril 2023 permettent dorénavant aux employeurs de présumer de la démission d’un salarié qui abandonne son poste.

Jusqu’à il y a peu de temps, la démission devait résulter d’une volonté claire et non équivoque du salarié de quitter son poste de travail.

Dans la mesure où l’abandon de poste ne répondait pas à cette volonté claire et non équivoque, les employeurs licenciaient les salariés bien souvent pour faute grave, ce qui leur évitait de payer les indemnités de licenciement. Les salariés pouvaient toutefois bénéficier des allocations chômage.

Dorénavant, le salarié qui abandonne son poste et qui ne le reprend pas ou qui ne justifie pas son absence, après mise en demeure de son employeur, peut être présumé démissionnaire.

Le salarié doit justifier son absence auprès de l’employeur dans un délai qui ne peut pas être inférieur à quinze jours à compter de la première présentation de la lettre recommandée.

Ce dispositif pose de nombreuses questions et risque d’entraîner un important contentieux.

En effet, quid du salarié hospitalisé qui ne peut répondre dans les délais ? ou de celui bloqué à l’étranger ?

Le décret précise que certains motifs peuvent justifier l’absence du salarié et donne à titre d’exemples : les raisons médicales, le droit de retrait, le droit de grève, le refus d’exécuter une instruction contraire à une réglementation ou la modification du contrat de travail à l’initiative de l’employeur.

Ces exemples sont donnés à titre d’illustration, mais l’utilisation de l’adverbe « notamment » permet d’ouvrir à d’autres justifications.

Le salarié présumé démissionnaire peut saisir le conseil de prud’hommes en requalification de rupture de son contrat aux torts de l’employeur, afin d’obtenir l’attestation Pôle emploi qui lui permettra d’être pris en charge par le chômage.

Le conseil doit statuer dans le mois qui suit sa saisine, mais dans les faits il y a de fortes chances qu’un report soit demandé par l’employeur.

En attendant, le salarié présumé démissionnaire ne dispose d’aucune ressource.

Enfin, malgré le « questions-réponses » du ministère qui semble imposer cette procédure aux employeurs en cas d’abandon de poste d’un salarié, l’article R 1237-13 précise : L’employeur qui constate que le salarié a abandonné son poste et entend faire valoir la présomption de démission prévue à l’article L 1237-1-1 le met en demeure, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, de justifier son absence et de reprendre son poste.

Cela ne ferme pas la porte aux licenciements pour faute grave, ce dispositif n’est valable qu’en cas de volonté de l’employeur d’utiliser la présomption de démission.

En tout état de cause, il s’agit bien là, une fois de plus, de protéger les employeurs et de supprimer les allocations chômage à certains travailleurs.

Employeurs, attention aux contentieux à naître de cette présomption de démission…

Patricia Drevon Secrétaire confédérale au Secteur de l’Organisation, des Outre-Mer et des Affaires juridiques

Secteur des Affaires juridiques Le secteur des Affaires juridiques apporte une assistance juridique à la Confédération dans sa lecture du droit et dans la gestion des contentieux.