Quelque 95 lits sur 180 fermés depuis des mois, pour cause de manque de personnel : face à une situation de sous-effectifs menaçant tant les conditions de travail des agents que l’efficacité des soins dispensés aux patients, le service de médecine gériatrique du CHU de Bordeaux est en grève illimitée depuis le 15 février. À l’appel de FO, qui y est majoritaire avec 38% des voix aux dernières élections professionnelles. Et les services de soins de suite et de réadaptation (SSR), de soins de longue durée (USLD) et une partie des Ehpad sont également mobilisés.
C’est un vrai problème : comment on va s’occuper de nos personnes âgées ?
Le soin aux personnes âgées, à l’hôpital comme en Ehpad, souffre d’un problème chronique d’attractivité, accentué par la dégradation des conditions de travail infligée aux agents.
Fuite des paramédicaux
Cette situation de sous-effectif s’explique, selon Pascal Gaubert, à la fois par un absentéisme dû à l’épuisement et au découragement des soignants, et par la vacance des postes : Les personnels, notamment paramédicaux, ont fui l’hôpital
, résume-t-il. À court terme, la priorité est donc d’arrêter la saignée en fidélisant les soignants encore présents. Nombre d’entre eux sont à la limite de ce qu’ils peuvent supporter. On force des agents de jour à travailler la nuit, à faire les trois-huit, car on manque de personnel.
Les agents en grève demandent des moyens financiers pour augmenter les indemnités de nuit, sujet sur lequel des propositions du ministre de la Santé, François Braun, sont attendues.
Mais, quoi qu’il en soit, à moyen terme, la situation deviendra intenable à moins d’ouvrir des postes, ajoute le militant : Davantage de personnel, c’est plus de fluidité et de sécurité. Les agents se sentiraient plus sereins pour travailler, et on pourrait ainsi les garder avec nous.
David Vasseur, secrétaire du groupement départemental FO-Santé de Gironde abonde dans ce sens : On revendique depuis des années des effectifs à la hauteur des besoins.
Un personnel – toutes professions confondues – pour un patient très malade ou très dépendant : Cet objectif, ce n’est pas nous qui l’avons inventé, souligne le militant. C’est celui du plan grand âge de 2007.
Un ratio pourtant toujours loin d’être atteint.
Le vieillissement de la population toujours peu pris en compte
Le recrutement s’avère d’autant plus difficile que le financement de la gériatrie a trois sources différentes : l’hébergement est généralement financé par les familles, l’aspect dépendance est assurée par le département, et les soins par la Sécurité sociale. Or, Les enveloppes soins et dépendance ne sont pas suffisantes pour ouvrir des postes,
Dans ce cadre de sous-effectif, la grève est difficile à mener dans un secteur soumis au service minimum. Notre objectif est surtout de sensibiliser la direction,
Si l’affaire Orpea a mis un coup de projecteur sur des situations de maltraitance, David Vasseur rappelle que certaines situations sont induites par le fonctionnement de l’établissement. Tous les rapports parlementaires sur le sujet le signalent : l’État force quasiment tous les établissements de France à la maltraitance institutionnelle
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35% des services de gériatrie concernés par la fermeture de lits
Le problème est en effet loin d’être spécifique à la Gironde. Dans une enquête menée auprès de 792 services hospitaliers liés au grand âge, et dont les résultats ont été dévoilés début février, la Société française de gériatrie et gérontologie (SFGG) estime que 35% des unités gériatriques sont concernées par les fermetures de lits et les diminutions d’activité, et que chaque niveau de la filière est touché. Nous ne sommes plus au bord du gouffre, nous sommes dans le gouffre
, a commenté Nathalie Salles, présidente de l’organisme.
Partout, la principale raison avancée est celle du manque d’effectifs. Pour favoriser la réouverture des lits, constate la SFGG, nous n’avons pas le choix : il faut améliorer l’attractivité des métiers du grand âge à l’hôpital.
Trois pistes sont avancées : une meilleure valorisation financière, de nouveaux diplômes spécifiques au grand âge, et la reconnaissance de la complexité et de la difficulté de ces métiers.