Et si, outre une mesure de justice sociale et de répartition des richesses trop longtemps attendue, l’augmentation des salaires constituait aussi une nécessité économique ? Il n’aura échappé à personne que l’inflation au cours de ce semestre a atteint son niveau le plus haut depuis trente-sept ans. Selon l’Insee, nous serions à 5,9 % en juin et entre 6,5 % et 7 % en fin d’année, soit 5,5 % en moyenne annuelle contre 1,6 % en 2021. Pour FO, la vraie question est de savoir qui supporte principalement le coût de cette inflation. La comparaison du taux d’inflation du mois de mars, soit 4,6 %, avec l’indice du salaire mensuel de base des salariés du secteur privé, soit 1,1 % au premier trimestre 2022, indique une diminution du pouvoir d’achat des salaires de 2,3 % sur la même période.
Selon les prévisions de l’OFCE, le pouvoir d’achat des ménages devrait, en tenant compte pourtant des différentes mesures annoncées par le gouvernement, diminuer de 0,8 % sur l’année après avoir enregistré un recul de 1,9 % sur le premier trimestre, soit la plus forte baisse depuis 2013.
Pendant des années, les tenants de la compétitivité et des restrictions budgétaires se sont appuyés sur le risque d’inflation pour justifier la modération salariale dans le privé et dans le public. Or, rien ne démontre que l’inflation d’aujourd’hui proviendrait de l’augmentation des salaires, bien au contraire. Elle trouve donc sa source ailleurs : conflit en Ukraine, phénomènes climatiques, désorganisation des chaînes de production aboutissant à des retards d’approvisionnement, libéralisation des marchés de l’électricité et du gaz, sans compter les spéculations sur les matières premières.
En l’absence de revalorisation salariale significative, la consommation des ménages, qui au premier trimestre s’est déjà contractée de 1,5 %, va continuer de baisser. Hors la période Covid, il s’agit de la plus forte baisse depuis plus de soixante-dix ans. Cette situation combinant forte inflation et stagnation de l’activité, a déjà provoqué un recul du PIB de 0,2 % au premier trimestre, qui semble se confirmer au vu de la dernière note de l’Insee. S’y ajoute la remontée amorcée des taux d’intérêt par les banques centrales pour combattre une inflation liée à l’offre en réduisant la demande, appliquant ainsi un remède de cheval à un malade qui pourrait mourir guéri. Le risque d’étouffement de la reprise d’activité et à terme de récession est donc bien réel.
Si les entreprises répercutent la hausse des taux d’intérêt sur les prix, la situation financière des salariés va encore se dégrader et donc leur consommation diminuer, sans pour autant régler le problème de l’inflation. Il faut donc choisir entre deux maux : l’inflation ou la récession. Qui paye principalement l’inflation ? Qui payerait principalement une récession économique ? Encore les salariés.
L’augmentation des salaires du privé comme du public est une urgence sociale, elle est aussi une nécessité économique pour éviter la récession !