Alors que le marché automobile européen avait déjà chuté de 7,4% en février, il a désormais dégringolé en France de 80% depuis le début de la crise sanitaire. Pas moins de 400 000 véhicules invendus sont aujourd’hui stockés sur les parkings des sites de production et 100 000 de plus pourraient s’y entasser encore d’ici la fin juin, selon les chiffres officiels.
En termes d’emplois, l’enjeu est colossal. Le secteur compte en effet 400 000 salariés chez les constructeurs et équipementiers et 500 000 de plus dans la branche des services de l’automobile (concessionnaires, garages, recycleurs… ). Ces derniers sont répartis dans 142 000 entreprises, des TPE et des PME pour la plupart. Au total, un tiers des entreprises de la filière automobile risquerait la faillite selon une enquête du Conseil national des professions de l’automobile (CNPA).
Huit milliards d’euros d’aides publiques, dont un prêt garanti de cinq milliards pour Renault
C’est dans ce contexte que le Président Emmanuel Macron a annoncé, mardi 26 mai, le déblocage par l’État d’une enveloppe de huit milliards d’euros pour aider la filière, après avoir consulté dans la matinée l’ensemble des parties prenantes du secteur, y compris les fédérations syndicales.
Près des trois quarts de cette aide (cinq milliards) sont destinés, sous forme d’un prêt garanti par l’État (PGE), au constructeur Renault, dont on apprenait par voie de presse, ce même 26 mai, qu’il s’apprêterait à supprimer 5 000 emplois d’ici 2024, principalement en ne remplaçant pas des départs à la retraite.
Ces 5 000 suppressions d’emplois n’ont pas été confirmées à ce jour par la direction du groupe au losange qui ne dévoilera son plan d’économies que le vendredi 29 mai. En revanche, Renault, Nissan (qui doit aussi présenter un plan d’économies jeudi 28 mai) et Mitsubishi ont fait savoir ce mercredi 27 au matin qu’ils allaient développer et produire en commun « près de 50% » de leurs modèles à l’horizon 2025, ce qui « devrait permettre de réduire les coûts et les dépenses d’investissements par modèle jusqu’à 40 % pour les véhicules conçus sous ce nouveau schéma. »
Trois milliards pour stimuler la demande et investir dans les voitures propres
Le reste des 8 milliards apportés par l’État doit notamment servir à financer des mesures destinées à stimuler la demande, et donc la production et les ventes, en particulier celles des véhicules électriques qui représentent moins de 10% du marché pour l’instant.
Faire de la France la première nation productrice de véhicules propres en Europe en portant à plus d’un million par an sous cinq ans la production de véhicules électriques et hybrides
. Tel est l’objectif affiché par le président de la République lors de son annonce. Une annonce qu’il a d’ailleurs choisie de faire en visitant l’usine Valéo d’Étaples (Pas-de- Calais) spécialisée dans la production de moteurs électriques destinés à de petits véhicules urbains dont la conduite ne nécessite pas de permis.
Concrètement, l’État va augmenter temporairement les primes déjà existantes pour l’achat de ce type de véhicules. Le bonus accordé au consommateur pour l’acquisition d’une voiture électrique passe ainsi de 6 000 à 7 000 euros pour les particuliers et de 3 000 à 5 000 euros pour les entreprises et les collectivités territoriales. Ce coup de pouce s’arrêtera à la fin de l’année et n’est valable que pour les voitures dont le prix est inférieur à 45 000 euros. Un nouveau bonus de 2 000 euros est créé pour l’achat de voitures hybrides rechargeables.
Le Président a également annoncé le versement de 200 000 primes de conversion (anciennement prime à la casse) portées à 3 000 euros pour l’achat d’une voiture neuve à moteur thermique et à 5 000 euros pour l’achat d’une voiture neuve électrique. Cette mesure sera applicable aux ménages déclarant moins de 18 000 euros de revenu fiscal.
Renault devra participer à l’alliance de la batterie
Du côté des investissements, l’État va débloquer 400 millions d’euros pour aider les constructeurs et leurs sous-traitants à adapter leurs usines. Une enveloppe sera également consacrée aux projets de Recherche & Développement innovants, a annoncé le Président.
De plus, dans le cadre d’un projet franco-allemand, PSA et Renault vont devoir s’allier (avec aussi Citroën, Opel et Saft, filiale de Total) pour la production de batteries électriques. Le gouvernement entend ainsi œuvrer au rapatriement de l’industrie automobile sur le territoire national pour contrer la concurrence asiatique.
La participation de Renault à cette alliance de la batterie
est l’une des conditions posées par le gouvernement pour attribuer au groupe son prêt garanti par l’État de cinq milliards d’euros. Emmanuel Macron demande par ailleurs que l’ensemble des salariés des sites de Maubeuge et de Douai puissent avoir toutes les garanties sur leur avenir
au sein du groupe.
Dans le même temps, alors que le bruit courait depuis plusieurs jours que quatre autres sites Renault fermeraient (Choisy-Le-Roi, Flins, Caudan et Dieppe), le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a lui déclaré que les fermetures de sites, ça ne peut être que la toute dernière extrémité.
Il avait déjà indiqué la veille que l’État n’exigerait pas de Renault qu’il ne ferme aucun site en France ou qu’il ne supprime aucun emploi.
Pour FO Métaux, la priorité est d’éviter les licenciements et de protéger l’emploi
Chez Renault et plus largement dans l’ensemble du secteur automobile, la priorité est d’éviter les licenciements et de protéger l’emploi tout en conservant les compétences
a souligné la fédération FO Métaux lors de la réunion des acteurs du secteur à l’Élysée, le 26 mai au matin. Son secrétaire général, Frédéric Homez, a d’ailleurs rappelé au Président et aux ministres présents le texte paritaire qu’elle a signé en ce sens le 18 mai dernier avec l’organisation patronale de la branche, l’UIMM (Union des industries et métiers de la métallurgie). https://www.force-ouvriere.fr/crise-sanitaire-fo-metaux-signe-le-texte-paritaire-de-la
Quel bilan tire la fédération des annonces faites dans les heures suivantes par le Président ? Nous sommes plutôt favorables au plan présenté par le Président sous réserve d’analyser l’efficacité de ces mesures dans le cadre d’un suivi>, indique Frédéric Homez, ce mercredi 27. Il relève notamment la nécessité de relocaliser en France, outre la fabrication des voitures électriques, la production des matières premières, pièces et composantes, ainsi que celle des petites voitures à moteur thermique. De fait, ces dernières (Clio, Peugeot 208… ) sont produites au Maroc, en Espagne ou dans des pays de l’Est. En clair, là où la main d’œuvre est moins chère.