Choi Kyu-sok est considéré comme l’un des plus brillants représentants de la BD d’auteur de son pays. Avec ses satires sociales nous sommes loin des mangas japonais pour adolescents. L’auteur est traduit en français depuis le milieu des années 2000. Cette fois, il s’agit de la traduction (par Kette Amoruso) de sa première série, dont un troisième volume est encore à paraître. « Intraitable » a déjà fait l’objet d’une adaptation audiovisuelle en Corée du Sud, sous la forme d’une série télévisée en douze épisodes réalisés par Kim Suk-yoon.
La péninsule coréenne a payé la guerre froide au prix fort. Coupée en deux en 1945, elle a vu les grandes puissances (URSS et Chine contre États-Unis sous mandat onusien) s’y affronter de 1950 à 1953, au prix de trois millions de morts. Au nord, une dictature « stalinoïde » folle et paranoïaque continue de régner. Au sud, pendant longtemps le pays était dans la main d’une dictature militaire, marionnette des Américains. Le Sud s’est finalement démocratisé et développé économiquement, mais le contexte social y reste particulièrement rude, d’autant que cette région a été touchée par une grave crise financière dix ans avant celle de 2008.
Un combat syndical difficile
L’auteur écrit en introduction : La lutte des travailleurs est un condensé d’histoires humaines extraordinaires… J’espère néanmoins que mon livre apportera un peu de réconfort à ces combattants dont le courage et la volonté agissent comme des coups de poinçon sur notre société.
Le héros de Choi, Gu Go-shin est une sorte de mercenaire de la défense des travailleurs et du droit syndical. Cette série raconte la lutte des travailleurs chez le numéro un de la grande distribution quand ce dernier a voulu s’implanter à Séoul, d’ailleurs sans succès. À noter que l’auteur prend soin de ne pas citer le nom de l’enseigne, remplacé par « Fourmis » ! Le management y est désastreux : pas de promotion, pas d’augmentation de salaire, harcèlement, dégraissage, utilisation de gros bras puis de la police, interdiction des syndicats, non-respect d’un droit du travail déjà a minima dans ce pays… Ainsi, dans le supermarché, lieu de la BD, quand un employé est sauvé in extremis d’un licenciement abusif, les salariés, qui étaient apeurés et indécis, basculent et commencent à s’organiser. C’est comme cela que Gu, notre justicier, réussit, non sans mal et au péril de sa vie, à mettre sur pied une cellule syndicale d’entreprise, avec comme slogan inlassablement répété : « Le syndicat défend les travailleurs ».