Quatre inFOéco précédents [1]détaillent les grandes lignes de l’architecture de la Banque publique d’investissement (BPI) ainsi que les revendications de Force Ouvrière relatives à celle-ci.
Deux ans après sa création, par la loi n°2012-1559 du 31 décembre 2012, s’il est indéniable que la BPI fonctionne parfaitement en tant que Banque d’investissement, elle n’a toujours pas su trouver (ou voulu établir) d’orientations publiques claires.
1/ Bilan 2014 : une BI qui doit maintenant devenir BPI
Incontestablement la BPI répond à des besoins importants en termes de financement des entreprises pour leurs investissements concrets. De l’amorçage jusqu’à la transmission en crédit de garantie ou de fonds propres, elle a mobilisé sur 2014 plus de 12,5 Mds pour un total de 86 000 entreprises bénéficiaires (67 000 en 2013) couvrant 1,3 M d’emplois.
L’effet levier qu’elle génère (jusqu’à 18 Mds en 2014), permet d’obtenir un financement des banques privés et des marchés sur l’économie réelle (donc sur l’investissement concret, l’activité et l’emploi).
La BPI joue un rôle important dans le financement de l’innovation à tous niveaux (1,1 Mds en 2014 permettant la mobilisation de 2,9 Mds de financements totaux), de la PME aux grands groupes.
Elle compte désormais 2145 postes (en CDI) et plus de 40 implantations territoriales qui sont devenues des « guichets uniques » du financement de la BPI, regroupant ainsi Oséo, CDC Entreprises, FSI et UbiFrance [2].
En tout cela, la BPI répond aux objectifs inhérents à sa création et, pour Force Ouvrière, à plusieurs des revendications que nous portions sur la nécessité de coordination et de regroupements des outils existant avant la BPI.
Reste que la BPI et ses responsables se comportent encore comme une banque privée. Même une partie de son conseil d’administration semble oublier gérer et investir de l’argent public.
La « stratégie » de la BPI ne vise qu’à « favoriser un écosystème financier fertile » pour les entreprises, sans aucune préoccupation ni conditionnalité sociale ou pour l’emploi.
De plus, sa politique d’intervention est souvent déconnectée de toute politique publique (qui, à sa décharge, n’existe parfois pas !).
Comme Force Ouvrière l’a défendu depuis sa revendication initiale d’une « Banque publique pour l’Industrie », à l’origine de la création de la BPI, celle-ci doit être pilotée en intégrant les stratégies nationales et les politiques publiques de l’État.
La BPI doit accompagner la politique industrielle nationale, notamment pour soutenir les stratégies de développement de filières, comme la loi le stipule.
Si la BPI doit effectivement pallier les carences des banques commerciales dans l’exercice de leur mission première de financement de l’économie (ce qui ne justifierait pas de laisser cette position des banques privées perdurer !), elle doit agir pour reconstituer des filières industrielles ou en créer de nouvelles, y compris dans les services, porteuses d’emplois, pour imposer des stratégies associant les donneurs d’ordres et leurs sous-traitants et pour l’innovation technologique et son développement en France en faveur de l’emploi.
Pour Force Ouvrière, les entreprises bénéficiant du soutien de la BPI (ou plus globalement d’aides publiques) doivent être soumises au préalable à des engagements et des contreparties sur le maintien et le développement de l’emploi ainsi qu’en matière de négociations de salaires. L’État doit l’imposer, y veiller et le contrôler.
En tant que soutien financier aux fonds propres des entreprises, en tant qu’actionnaire de certaines (et rien ne doit exclure à priori une prise de participation publique, partielle ou totale, dans une entreprise), l’État et sa BPI ont des obligations sociales, salariales, en matière d’emplois et d’améliorations des conditions de travail des salariés concernés.
La BPI gère l’argent public (essentiellement l’épargne des français), elle est en quelque sorte propriété de la République et garante de l’intérêt général. La conditionnalité de ses interventions et participations à la création et au maintien de vrais emplois est donc indispensable.
Depuis l’année 2013 et sa création, nous avons obtenu de plus en plus de conditionnalités en matière d’emplois dans les aides apportées par la BPI auprès des entreprises bénéficiaires. Pour Force Ouvrière, si cela va dans le bon sens, cela doit être une obligation.
Nous avons également demandé au ministre de l’économie qu’un représentant de l’État siège au Conseil national d’orientation (CNO) de la BPI afin de donner la stratégie de l’État et rappelle les orientations et politiques publiques qui doivent guider les choix de la Banque publique.
2/ Un CNO et des CRO qui doivent trouver leur utilité
Pris en application de l’article 6 de la loi, le décret n°2013-308 du 11 avril 2013 fixe les modalités d’organisation et de fonctionnement du Comité national d’orientation (CNO) de la BPI.
Les 5 organisations syndicales représentatives au niveau national disposent chacune d’un siège [3].
Pour Force Ouvrière, il ne s’agit en aucun cas d’être cogestionnaire de la BPI mais de donner librement nos positions et nos revendications sur les orientations et la stratégie (de l’unique responsabilité de l’État et du Conseil d’Administration de la BPI) pour l’emploi.
Le décret n°2013-445 du 30 mai 2013 arrête les modalités d’organisation et de fonctionnement des Comités Régionaux d’Orientation (CRO).
Force Ouvrière dispose d’un siège dans chacun des 27 CRO, comme les 4 autres confédérations syndicales représentatives. Les CRO sont présidés par le président du Conseil régional : en métropole, ils seront donc regroupés une fois la fusion des 22 régions en 13 réalisée en 2016.
L’utilité de ces instances est pour l’instant très faible : d’une part peu de réunions se sont déroulées (cinq pour le CNO en deux ans / souvent une ou deux pour chaque CRO), et d’autre part les enjeux sociaux et d’emplois pourraient ne pas être abordés dans les échanges.
L’inFOéco n° 79 du 18 février 2014 a précisé les positions générales de Force Ouvrière à porter au CNO et dans les CRO : il convient de s’y référer.
C’est bien pour que les débats portent sur l’emploi qu’il convient que les représentants Force Ouvrière rappellent et insistent sur ces revendications dans ces instances. Elles ont été confirmées par les résolutions de XXIIIe congrès confédéral de Tours en février 2015.
Nos positions pourront naturellement évoluer et s’enrichir d’autres revendications du fait des futurs travaux du CNO et des CRO. De plus, sur des cas particuliers, les positions et revendications locales défendues par le(s) syndicat(s) Force Ouvrière concerné(s) par une entreprise aidée par la BPI peuvent être relayées en CRO et dans le CNO. Nous devons notamment veiller à ce que les TPE et les PME puissent accéder et bénéficier des aides de la BPI, et pas uniquement les ETI ou les grandes entreprises.
Pour Force Ouvrière, il n’est pas question de se positionner, et encore moins de faire des propositions, sur les choix des entreprises qui seront aidées financièrement par la BPI. Les décisions d’aider, ou pas, telle ou telle entreprise sont de l’unique responsabilité de la puissance publique (État et BPI, éventuellement en lien avec le Conseil régional et d’autres collectivités territoriales).
Achevé de rédiger le 23 mars 2015