Banque Publique d’Investissement (Sixième analyse)

Economie par Pascal Pavageau, Secteur Économique

InFOéco n°112 – 6 janvier 2016

Cinq InFOéco précédents [1] détaillent les grandes lignes de l’architecture de la Banque publique d’investissement (BPI) ainsi que les revendications de Force Ouvrière relatives à celle-ci.

Trois ans après sa création par la loi n°2012-1559 du 31 décembre 2012, la BPI répond à des besoins importants en termes de financement des entreprises [2] pour leurs investissements concrets. Elle a su s’installer comme un outil de croissance dans un contexte de profond retard de l’investissement en France (l’investissement des entreprises françaises n’ayant toujours pas retrouvé le niveau de 2008) et un manque criant d’internationalisation des entreprises.

L’effet levier ou d’entraînement qu’elle génère (selon des coefficients de x3 à x11), permet d’obtenir un financement des banques et investisseurs privés sur l’économie réelle (donc sur l’investissement concret, l’activité et l’emploi).

La BPI joue également un rôle important dans le financement de l’innovation à tous niveaux.

En tout cela, la BPI répond aux objectifs inhérents à sa création et, pour FO, à plusieurs des revendications que nous portions sur la nécessité de coordination et de regroupements des outils existant avant la BPI.

Des aides ciblées aux premiers effets sur l’emploi :

Comme FO l’a obtenu depuis la création de la BPI, le fait que la Banque aide les entreprises de façon ciblée et contractualisée, avec comme contreparties de celles-ci des engagements précis en termes d’investissements productifs, d’innovation et d’emplois notamment, permet aujourd’hui un suivi « qualitatif » de ces aides publiques (prêts / entrée au capital / garantie / investissement).

Depuis début 2013, environ 70 000 emplois (principalement industriels) ont ainsi pu être créés et des milliers ont été maintenus grâce aux aides publiques de la Banque Publique d’Investissement.

En cela, la BPI démontre l’importance d’avoir des financements publics ciblés, conditionalisés, contractualisés puis contrôlés : tout ce que n’est pas la CICE (crédit d’impôt compétitivité emploi) qui, au contraire des aides de la BPI, n’a ainsi aucun effet sur l’économie réelle et l’emploi.

Une stratégie de plus en plus publique :

De plus, comme FO l’a défendu sans cesse depuis sa revendication initiale d’une « Banque publique pour l’Industrie », à l’origine de la création de la BPI, ses orientations intègrent de plus en plus et de mieux en mieux les stratégies nationales et les politiques publiques de l’État.

Si la BPI doit effectivement pallier les carences des banques commerciales dans l’exercice de leur mission première de financement de l’économie (ce qui ne justifierait pas de laisser cette position des banques privées perdurer !), elle doit agir pour reconstituer des filières industrielles ou en créer de nouvelles, y compris dans les services, porteuses d’emplois, pour imposer des stratégies associant les donneurs d’ordres et leurs sous-traitants et pour l’innovation technologique et son développement en France en faveur de l’emploi.

En tant que soutien financier aux fonds propres des entreprises, en tant qu’actionnaire de certaines (et rien ne doit exclure à priori une prise de participation publique, partielle ou totale, dans une entreprise), l’État et sa BPI ont des obligations sociales, salariales, en matière d’emplois et d’améliorations des conditions de travail des salariés concernés.

Nous continuons à revendiquer qu’un représentant de l’État siège au Conseil national d’orientation (CNO) de la BPI afin de donner la stratégie de l’État et rappelle les orientations et politiques publiques qui doivent guider les choix de la Banque publique.

Cette revendication pourrait aboutir en 2016.

Risques liés à la réforme territoriale :

Les points évoqués ci-dessus vont dans le bon sens et reprennent plusieurs de nos positions et demandes. Toutefois, il convient de rester vigilant et revendicatif sur de nombreux sujets.

C’est notamment le cas face aux effets de la régionalisation de la réforme territoriale et particulièrement de la loi NOTRe [3]. Du fait de ce texte, la Région devient la seule collectivité compétente pour définir et octroyer les aides publiques aux entreprises. Fort de cette compétence, les Présidents des nouvelles régions ainsi que de nombreux parlementaires poussent pour régionaliser la BPI, en la « découpant » sous l’autorité des 13 Régions mises en œuvre au 1er janvier 2016.

FO s’oppose à la régionalisation de la BPI et revendique le maintien de son pilotage par l’État.

Au niveau des Comités Régionaux d’Orientation (CRO), la réforme territoriale conduit à passer, en métropole, de 22 CRO à 13. La réflexion sur le regroupement des CRO dans les nouvelles régions est engagée. FO défend que cette fusion conduise à attribuer deux sièges pour chacune des cinq confédérations syndicales dans chaque nouveaux CRO, au lieu de un actuellement.

Porter les revendications FO en CRO :

Au sein des CRO, il ne s’agit en aucun cas d’être cogestionnaire de la BPI mais de donner librement nos positions et nos revendications sur les orientations et la stratégie (de l’unique responsabilité de l’État et du Conseil d’Administration de la BPI) et pour la défense de l’emploi, l’augmentation des salaires et l’amélioration des conditions de travail des salariés.

Les précédents inFOéco ont précisé les positions générales de Force Ouvrière à porter dans les CRO, rappelées lors de la réunion du 11 juin 2015 à la confédération avec les représentants FO dans les CRO. Il convient de s’y référer.

Sur des cas particuliers, les positions et revendications locales défendues par le(s)

syndicat(s) FO concerné(s) par une entreprise en difficulté ou déjà aidée par la BPI peuvent être relayées et défendues en CRO. Nous devons notamment veiller à ce que les TPE et les PME puissent accéder et bénéficier des aides de la BPI, et pas uniquement les ETI ou les grandes entreprises.

Pour FO, il n’est pas question de se positionner sur les choix des entreprises qui seront aidées financièrement par la BPI. Les décisions d’aider, ou pas, telle ou telle entreprise sont de l’unique responsabilité de la puissance publique (État et BPI, éventuellement en lien avec le Conseil régional et d’autres collectivités territoriales).

Une nouvelle réunion des représentants FO en CRO sera organisée en 2016 à la confédération.

Achevé de rédiger le 6 janvier 2016

Pascal Pavageau Ex-Secrétaire général de Force Ouvrière

Secteur Économique