Banques : en régions, des enseignes en grève pour les salaires et les conditions de travail

InFO militante par Fanny Darcillon, L’inFO militante

© Romain GAILLARD/REA

Mécontents des résultats insuffisants des négociations dans différentes branches du secteur bancaire, les salariés de plusieurs réseaux ont mené en septembre des grèves au plan régional. Objectif : défendre leur pouvoir d’achat et leur bien-être au travail. Certains mouvements sont toujours en suspens.

Le mois de septembre a été riche en mouvements sociaux dans le milieu des banques, où les salariés de nombreuses divisions régionales se sont battus pour leur pouvoir d’achat et pour de meilleures conditions de travail. Nous avons connu des participations records, dans un secteur où la grève n’est pas une habitude, souligne Mireille Herriberry, secrétaire en charge des Banques et sociétés financières à la fédération des employés et cadres (FEC-FO). Partout, des griefs similaires se sont fait entendre : des augmentations collectives insuffisantes, et une surcharge de travail liée à un problème structurel de sous-effectifs.

À la Caisse d’Épargne, les NAO nationales 2023 se sont tenues par anticipation cet été et ont débouché sur une augmentation générale des salaires de 2,8%, avec un minimum de 1 000 euros brut annuels. Après des NAO 2022 qui s’étaient soldées par une hausse générale de 0,8%, le mécontentement a grondé, dans l’une des quinze divisions régionales du groupe bancaire, à la Caisse d’Épargne Midi-Pyrénées. On a fait grève pour marquer notre désaccord avec cette NAO de la branche Caisse d’Épargne, et mettre la pression sur l’ouverture des NAO locales, explique Marianne Rougé-Handaye, déléguée FO. Au niveau des caisses régionales, il va falloir nous donner des signes forts. Environ 35% des salariés ont rejoint la grève : Ça faisait très longtemps qu’on n’avait pas eu ça.

Les augmentations collectives étant fixées au niveau national, les gages de bonne foi de la part de la direction Midi-Pyrénées sont attendus davantage sur les primes de partage de la valeur et, surtout, sur les conditions de travail. Il y a énormément de démissions, on a toujours plus d’objectifs avec toujours moins de moyens, dénonce Marianne Rougé-Handaye. Et le peu d’efforts financiers de l’entreprise n’arrange rien : Sur les augmentations de salaire, par rapport aux concurrents, on est les moins-disant. Alors les jeunes démissionnent pour aller voir ce qui se passe ailleurs. Moi, quand je suis rentrée à la Caisse d’Épargne, je gagnais deux fois le Smic. Eux sont embauchés au Smic. Ça va bientôt devenir du travail précaire. En cas de nouvelle déception devant les propositions de la direction, la militante s’attend à un deuxième mouvement de grève d’ici la fin 2022.

Des minima sous le Smic

Quant à la branche AFB (Association française des banques), cette année, par les revalorisations automatiques du Smic de par l’inflation, les minima salariaux sont passés en-dessous du Smic. Ce n’était jamais arrivé dans le secteur de la banque, pointe Mireille Herriberry. Un accord de branche signé en juillet a permis de faire passer les trois niveaux de qualification les plus bas à 5% au-dessus du Smic. Mais les entreprises restent très frileuses. Aujourd’hui, au vu des records de bénéfices des entreprises et de l’inflation, c’est incompréhensible pour les salariés, techniciens ou cadres.

En ce qui concerne les augmentations générales de branche, nous savons que les Directeurs Généraux des Banques Populaires se sont passé le mot pour ne plus compléter en local les négociations de la branche depuis déjà plusieurs années.[Banque populaire, NDLR] en local, affirme Anne Clot, déléguée FO dans la structure. Comme dans de nombreuses autres entreprises bancaires, la hiérarchie préfère aux hausses collectives une politique de primes défiscalisées ou d’augmentations individuelles. On n’est pas là pour mettre en péril l’entreprise, on n’est pas fou, mais il faut un peu répartir la valeur ajoutée, on ne peut pas toujours demander aux salariés sans rien donne ! Sur les 2 000 salariés environ que compte la Banque populaire Méditerranée, 640 ont fait grève le 15 septembre. S’ils n’ont pas obtenu un complément à l’augmentation générale, ils ont décroché une prime de pouvoir d’achat de 1 800 euros.

Mais comme à la Caisse d’Épargne, la direction locale est attendue de pied ferme sur les conditions de travail. Le métier a perdu de sa substance, on bouche les trous, regrette Anne Clot. Exemple le plus frappant de cette dissolution du cœur de métier : le fonctionnement en « accueil tournant », où les conseillers et même le directeur d’agence occupent tour à tour l’accueil pendant la semaine. Cela complexifie le fonctionnement de l’agence et crée des tensions dans l’équipe, expose la banquière. Les grévistes ont également demandé des primes pour les agents récupérant les portefeuilles de clients de leurs collègues en arrêt ou démissionnaires : Jusqu’ici, on leur dit merci et c’est tout. La déléguée FO prévient : Si ce mois-ci leurs propositions ne sont pas satisfaisantes, on enverra un deuxième mouvement.

Victoire au Crédit Mutuel Maine-Anjou-Basse-Normandie

Après une première mobilisation de 50% des salariés le 20 septembre, les agents du Crédit Mutuel Maine-Anjou-Basse-Normandie ont eux aussi menacé leur direction d’un deuxième mouvement de grève. Mais ils ont obtenu satisfaction, avec une augmentation générale de 3% en plus de l’accord de branche Crédit Mutuel, et un calendrier de discussions sur les conditions de travail à partir de la semaine prochaine. Ce mouvement de grève était inédit chez nous, le dernier remonte à 2004, note Eric Hallier, délégué FO au sein de la banque. A la veille du mouvement, l’attitude du directeur général avait mis le feu aux poudres. Il nous avait envoyé un message paternaliste, disant que chacun devait faire attention à ses dépenses. Mais quel est l’intérêt d’avoir 3,3 milliards d’euros de capital social si on ne peut pas rétribuer ses salariés ? Cette année, on a enregistré 45 démissions.

Quant à la branche AFB (dont ne font pas partie le Crédit Mutuel, la Caisse d’Épargne ou encore la Banque populaire), Pour l’instant, l’ouverture des NAO 2023 est en attente, explique Mireille Herriberry. La partie patronale est fâchée, car on n’a pas voulu signer l’introduction du CDI d’opération. Ce type de contrat peut être rompu quand s’interrompt l’opération pour laquelle le salarié a été embauché. Or, avec les CDD et l’intérim, on a un panel de contrats suffisant. Le CDI de chantier n’a rien à faire dans cette profession-là !

Reste à savoir si les leçons des différents mouvements de cette rentrée vont faire entendre raison aux différents employeurs du secteur bancaire.

Fanny Darcillon

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération