Les conditions de la reprise au sein des différentes enseignes bancaires inquiètent pour le moins Mireille Herriberry secrétaire fédérale de FO-Banques. Les inquiétudes sont nombreuses, celles par exemple concernant les conditions de travail sur les plateaux dits open space, dont l’organisation doit être revue et corrigée selon les règles sanitaires. Certes, des moyens de protection a priori suffisant
ont été reçus, mais le syndicat s’interroge sur la durée
de cet apport.
Plus largement, les inquiétudes sont inhérentes au fait que les établissements entament le déconfinement en ordre dispersé et selon des modalités différentes. La totalité des agences n’a pas rouvert le 11 mai et les contacts avec les clients vont continuer à se faire à distance, avec la banque en ligne. Il sera possible de prendre rendez-vous en agence seulement pour des cas urgents », estime un spécialiste sur un site bancaire. Pour lui, « le télétravail va rester de mise au moins jusqu’au 8 juin dans la plupart des banques. Ce qui va se mettre peu à peu en place en mai est la possibilité pour un collaborateur de retourner un jour par semaine sur un site, avec l’organisation de rotations, d’horaires décalés […]
.
A LCL, par exemple, le début de sortie progressive devrait débuter le 18 mai avec pour principe le volontariat pour retour sur site
. La direction des ressources humaines de la banque affirme qu’elle n’ oblige personne à revenir sur site
et indique que le système des rendez-vous à distance doivent rester la règle. Le syndicat FO-LCL a néanmoins appelé les salariés à le contacter en cas de dérive
.
En télétravail, la même performance est exigée
Pour l’instant, la norme c’est le télétravail
dans le secteur bancaire, indique Mireille Herriberry. Une forme de télétravail qui n’est pas sans poser de problèmes. Il faut compter, s’inquiète-t-elle, avec l’impact psychologique de cette activité à distance
pour laquelle certains salariés utilisent d’ailleurs leur propre matériel informatique après avoir quitté dans l’urgence
leurs lieux de travail à l’instauration du confinement.
Ainsi placés en télétravail, des salariés rencontrent des difficultés de natures diverses. Les directives données par leur hiérarchie se font par exemple trop imprécises, ce qui contraste avec la situation habituelle où règne plutôt le très peu d’autonomie
. Or, dans le même temps, les exigences de performances à l’identique perdurent, des objectifs de rendez-vous
sont maintenus… Et tout cela y compris pour des salariés dont la situation familiale, connue avant la crise, peut être difficile à conjuguer avec du télétravail.
FO Banques BNP Paribas (BNPP) a signalé par exemple avoir dû, et à maintes reprises, informer la direction de l’attitude de managers [qui] continuent d’appeler des collègues pour leur demander de revenir travailler quelques jours, alors même qu’ils sont en congés pour garde d’enfant
.
Un patronat sans obligations ?
Depuis le début de la crise, constate Mireille Herriberry, il n’y a pas eu de négociations sur le télétravail avec les organisations professionnelles qui représentent le secteur bancaire, l’AFB et la FBF (Association française des banques, qui « assure une mission de syndicat patronal », et la Fédération française des banques, qui gère l’organisation professionnelle du secteur bancaire). Sur ce thème du télétravail, la secrétaire fédérale de FO-Banques a elle-même interrogé la directrice générale de la FBF et de l’AFB, laquelle a répondu n’avoir aucune obligation
. Par ailleurs, si le gouvernement a publié, le 9 mai, un guide intitulé « Télétravail et Déconfinement », celui-ci est peu contraignant et renvoie à la responsabilité de l’entreprise et au dialogue entre employeurs et salariés...
On est loin de la demande FO portant sur l’impérieuse nécessité de négocier un accord national interprofessionnel sur le télétravail, afin d’assurer un cadre protecteur à tous les salariés concernés. Malheureusement, j’ai le sentiment que les employeurs traînent des pieds et renvoient à l’autonomie ou au choix au niveau de chaque entreprise, ce qui ne nous satisfait pas
, déplorait Yves Veyrier interrogé le 6 mai dernier sur BFM Business.
En cette période de déconfinement, Mireille Herriberry pointe donc un grand flou
dans les modalités de reprise. Et pour cause. Rien n’est acté, il n’y a rien de concret
comme cela aurait dû être le cas par l’apport de réelles négociations
, dont on voit là toute l’importance
, quand elles existent…
Il n’y a pas de négociation de branche
La militante rappelle ainsi qu’au début de la crise sanitaire, mais hélas sans qu’il en sorte quelque chose de ferme
, FO Banques avait demandé des directives communes au niveau de la branche
concernant l’accueil des clients, notamment dans les agences bancaires. Or déplore-t-elle, il n’y a pas de négociation de branche. Tout se passe dans les entreprises
. Cette attitude patronale a eu ses conséquences : la situation du secteur bancaire pendant la période de confinement a été très disparate
souligne FO-Banques. Les fermetures d’agences varient ainsi entre 5% et 40% selon les réseaux notait de son côté le 26 mars le quotidien économique Les Echos. Cette situation disparate
risque de perdurer. Par ailleurs, le secteur, déclaré commerce essentiel
par le gouvernement, a refusé, toute aide de l’État dès le début de la crise sanitaire.
Illustration de la gestion de la crise livrée aux employeurs et en l’absence d’accord au niveau de la branche : il aura fallu les demandes expresses de FO Banques BNP Paribas pour que, afin de protéger les salariés comme le prévoit la loi
, la direction de BDDF Opérations (banque de détail) procède au nettoyage renforcé de certains de ses bâtiments le week-end du 25 et 26 mars 2020.
Un dialogue social de façade…
Le secteur bancaire est réticent à toute contrainte résume, indignée, Mireille Herriberry. Traduction dans les faits ? On a eu beaucoup de mal à obtenir les rideaux baissés
dans le cadre du confinement, indique-t-elle. Certains employeurs refusaient de peur d’envoyer des signaux négatifs tant vers le gouvernement que les clients
. La FEC FO-Banques et Stés Financières avait, elle, prévenu dès le 16 mars : si « des employeurs de la profession ne sont pas en capacité d’assurer la protection de la santé des femmes et des hommes travaillant dans le secteur bancaire et des sociétés financières, alors les fermetures à la clientèle s’appliquent
.
La crise met ainsi en lumière les difficultés des salariés des banques à amener leurs employeurs au dialogue social. Le syndicat FO Banques BNP Paribas en sait quelque chose, lui qui a dû presser la direction d’accepter d’échanger
. Et le syndicat de souligner que le dialogue social, tant mis en avant par notre entreprise dans les articles de presse, a vraiment l’air d’une façade quand on sait ce qui se passe réellement !
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FO Banques BNP Paribas s’est ainsi indigné du motif de la tenue en vision conférence d’un comité social et économique central (CSEC) les 27 et le 28 avril 2020. Il s’agissait exclusivement pour la direction indique le syndicat d’obtenir un avis des organisations syndicales sur une décision unilatérale qui a été l’imposition de 10 jours de repos RTT ou CET, […] suite à une ordonnance du gouvernement et mise en musique par l’entreprise
. Le syndicat FO déplore aussi qu’à sa demande de prime, il lui a été répondu : Ce sujet n’est pas à l’ordre du jour, nous verrons quand tout cela sera fini s’il y en aura une ou pas
. Sont aussi restées en suspens, les questions relatives aux rémunérations variables, bonus et tickets-restaurant…
Diverses et variées, les situations dans les banques concernant les moyens de protection sanitaire ou encore de reconnaissance du travail traduisent à l’évidence la lutte, âpre, que doivent mener les salariés pour se faire entendre. Si le Crédit Mutuel n’a pas imposé de prise de congés, chez LCL (ex-Crédit Lyonnais), FO a dû refuser de signer le texte d’un accord par lequel, s’insurge le syndicat, la direction demande encore des efforts sans reconnaissance financière (prime Macron spéciale COVID-19)
. Pour FO-LCL, la direction saute sur les ordonnances lui permettant de nous imposer des congés mais pas sur celle lui permettant de nous accorder une prime pouvant aller jusqu’à 2000 €
. La reconnaissance attendra.