BDR Therméa : après le choc, la mobilisation des salariés

InFO militante par Thierry Bouvines, L’inFO militante

Les salariés de BDR Therméa ont été informés le 20 mai de la fin de la production sur le site de Mertzwiller et de la suppression de près de 400 emplois. Avec FO, ils préparent la mobilisation pour faire reculer la direction.

Des délais intenables, un dossier de 150 pages distribué en cours de réunion, pas de précision sur la pérennité des emplois, des hypothèses invérifiables. Philippe Lazarus, délégué FO chez le fabricant d’appareils de chauffage BDR Therméa, également secrétaire adjoint du CSE, a participé, le 3 juin, à la première réunion sur le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) de son entreprise. Une réunion qu’il a restituée le lendemain devant 350 salariés très motivés rassemblés sur le site de Mertzwiller (Bas-Rhin). Ceux qui travaillent en production n’ont plus grand chose à perdre, explique-t-il.

Fin de l’activité industrielle et délocalisations

Deux semaines auparavant, le 20 mai lors d’un CSE, la direction de l’entreprise, qui emploie 1 300 salariés en France, a annoncé la suppression de 320 postes de production à Mertzwiller, qui est aussi le siège social en France, et de 70 postes dans des fonctions support. Cette annonce marque la fin de l’activité industrielle du site alsacien. Celui-ci produit notamment des chaudières et des pompes à chaleur. La fabrication des pompes à chaleur va être transférée en Slovaquie d’ici fin 2026 et celle des ballons d’eau chaude en Turquie, rapporte Philippe Lazarus. A Mertzwiller, il ne restera plus que le centre de pièces détachées, le bureau d’étude, le siège social et des fonctions support. Dans un village comme Mertzwiller (3 367 habitants), l’impact sera considérable. Des familles entières vont se retrouver au chômage, les commerçants vont subir une baisse drastique de leur chiffre d’affaires, s’alarme Géraldine Gomiz, secrétaire fédérale à FO métaux. L’entreprise d’origine néerlandaise a en outre fait savoir qu’elle envisageait de vendre un site de production situé à La-Chartre-sur-le-Loir (Sarthe), qui emploie une soixantaine de personnes, ainsi qu’un autre en Allemagne.

Le piège de la spécialisation

Pour justifier cette décision, garnie d’une fin d’activités en Alsace et de délocalisations, la direction invoque le retournement du marché des pompes à chaleur dans un contexte de recul de la construction de logements, d’incertitudes sur les aides de l’État, et de concurrence asiatique. Certes, mais cette situation est aussi la conséquence d’une mauvaise stratégie de la part de la direction, qui n’a pas anticipé, pointe Géraldine Gomiz. Être sur un marché tributaire des aides publiques est dangereux, analyse Philippe Lazarus. Avant que la direction spécialise Mertzwiller dans les pompes à chaleur, nous étions généralistes. S’exprimant dans les médias, Éric Borzic, secrétaire général de l’union départementale FO du Bas-Rhin, pointe de son côté l’irresponsabilité de l’État.

BDR Therméa a d’une manière indirecte bénéficié d’aides publiques à travers le crédit d’impôt, lorsqu’il était question pour les citoyens français d’investir dans des pompes à chaleur, explique-t-il. Aujourd’hui l’État fait des économies et c’est une fois de plus aux salariés du site de Mertzwiller de payer l’addition.

Décidée à se battre, l’intersyndicale de BDR Therméa adopte une position offensive et réaliste. Faire annuler la décision, faire reculer le groupe, et si ce n’est pas possible, obtenir le meilleur accompagnement possible, explique Philippe Lazarus. Dans un communiqué publié le 3 juin, FO Métaux demande la suspension immédiate d’un plan sans fondations », exige « un véritable échange, basé sur des documents complets, transparents et envoyés dans les délais impartis afin de permettre la prise de décisions éclairées. La fédération refuse de valider une telle casse sociale sous pression et exige une renégociation du calendrier.

Salariés mobilisés

Sur le plan juridique, Philippe Lazarus pointe des manquements dans la procédure, repérés par l’avocat des représentants du personnel et par la direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets), rencontrée le 4 juin. La première réunion du PSE, qui déclenche le compte à rebours de la négociation, a-t-elle juridiquement eu lieu ? Pourquoi la direction veut-elle négocier en deux mois alors que le code du travail en prévoit quatre ? La période estivale sera-t-elle décomptée du temps de négociation ? Autant de questions sur lesquelles les syndicats attendent des réponses alors que la direction entend vouloir mener tambour battant son plan truffé de failles.

Le rapport de force se jouera également sur le terrain. Après avoir été sous le choc de l’annonce, les salariés se mobilisent. Consultés lors du rassemblement du 4 juin, ils se sont majoritairement exprimés en faveur d’une mobilisation : grève illimitée, marche blanche dans les rues de Mertzwiller, rassemblement devant le siège. Une deuxième réunion sur le plan social s’est tenue le 11 juin.

Thierry Bouvines

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération