Belfort : des négociations sur tous les fronts pour sauver Alstom

Emploi et Salaires par Valérie Forgeront

Les représentants des syndicats d’Alstom, CGT, CFDT, CGC et FO, recus a Bercy le 13 septembre par le secretaire d’État à l’industrie Photo : HAMILTON/REA.

Tandis que le gouvernement annonce qu’il bataille ferme pour sauver le site Alstom de Belfort, les syndicats étaient reçus aujourd’hui par le secrétaire d’État à l’Industrie. Tous demandent des solutions pour les salariés du site franc-comtois et plus largement de la filière ferroviaire, en mauvaise posture. FO demande d’ailleurs la tenue d’États généraux consacrés à cette industrie.

L’annonce le 7 septembre par la Direction d’Alstom de son intention de cesser la production de trains d’ici 2018 sur son site historique de Belfort jette dans le désarroi les salariés du site (480 personnes environ) et les sous-traitants (1200 emplois indirects environ).

Cela entraîne aussi des déclarations musclées et en cascade de la part du chef de l’État et du gouvernement, assurant que, tout comme les salariés, ils ont découvert la sinistre nouvelle mercredi dernier. Dès le lendemain d’ailleurs, le P-DG du groupe, M. Henri-Poupart-Lafargue était convoqué par le ministre de l’Economie Michel Sapin et le secrétaire d’État à l’Industrie, M. Sirugue.

Le gouvernement demande ainsi au P-DG « d’engager une phase de discussion et de négociation avec l’État, les partenaires sociaux, les élus locaux et l’ensemble des parties prenantes ». L’État est actionnaire pour 20% dans le capital d’Alstom.

La direction du groupe explique, elle, que c’est la baisse des commandes et le manque de perspectives au plan des investissements qui lui font prendre cette décision. La direction doit recevoir les syndicats d’Alstom-Belfort demain 14 septembre.

Les syndicats reçus ce jour par M. Sirugue

Aujourd’hui, les syndicats d’Alstom étaient reçus par le secrétaire d’État à l’Industrie, M. Sirugue.

Le secrétaire d’état, qui doit recevoir à nouveau les syndicats à la fin du mois, a déclaré qu’il « apportera des réponses » indique Eric Keller, chargé des questions ferroviaires à la fédération FO Métaux.

Ce 13 septembre, les organisations syndicales ont rappelé « qu’elles signalent depuis 2010 le problème de la baisse des commandes dans le ferroviaire » et plus particulièrement le problème d’Alstom.

« L’industrie en général va mal et notamment toute la filière du ferroviaire ( 10 000 emplois) qui est concernée par ces difficultés de commandes » explique Eric Keller qui, au nom de FO, a demandé que se tiennent des États généraux de l’industrie ferroviaire.

Les syndicats n’arrêtent pas de tirer la sonnette d’alarme. FO a écrit aux Présidents de régions, a été reçue le 30 juin dernier au secrétariat d’État aux Transports… Pour le responsable FO les problèmes sont conséquents de « l’absence actuelle d’appels d’offres ».

Quid du RER nouvelle génération, du programme du Grand Paris ou encore du TGV du futur interroge ainsi le militant. Pour ce dernier programme, « l’appel d’offre devait avoir lieu en 2018, on nous parle désormais de 2020 ou 2022 ! Or entre l’appel d’offre et le début de la mise en production en cas d’obtention du marché, il s’écoule trois ans ! »

Le comble explique Eric Keller, c’est que les difficultés actuelles de la construction ferroviaire « peuvent entraîner une perte de compétences alors qu’il y aura a priori des commandes dans quatre à cinq ans ! »

Un séisme pour le bassin d’emplois de Belfort

Le 12 septembre une réunion de crise consacrée à Alstom et réunissant le chef de l’État et les ministres concernés débouchait sur des déclarations faisant état de la volonté gouvernementale de maintenir coûte que coûte le site de Belfort.

Le même jour, plusieurs centaines de salariés manifestaient dans les rues de Belfort, contestant cette restructuration prétendant transférer la production du site franc-comtois créé en 1879 vers celui de Reichshoffen (1000 salariés) dans le Bas-Rhin.

Plus de 400 emplois de Belfort seraient concernés par ce transfert d’activité vers l’Alsace. Il ne resterait donc à Belfort qu’une activité de maintenance ne nécessitant que quelques dizaines d’emplois. De son côté la municipalité de Belfort a appelé à une journée « ville-morte » le 24 septembre.

Ce 13 septembre, le Premier ministre, M. Manuel Valls indiquait qu’il était « hors de question que le site de Belfort ferme » mais appelait les protagonistes de l’affaire Alstom (salariés, direction, élus…) à se montrer patients, assurant que le gouvernement « travaillait sur la commande publique ».

Des sites Alstom dangereusement fragilisés

Pour l’instant, s’inquiète FO, la situation est alarmante. A Belfort, spécialisé dans les locomotives « il n’y a du travail que jusqu’en 2018 » indique Eric Keller. A Reichshoffen, spécialisée dans les trains régionaux « l’usine est aussi en situation de fragilité ».

Dans le Nord, sur le site Alstom de Petite-Forêt (1100 salariés), spécialisé dans la fabrication de RER et métros, « une partie des salariés sont sous la menace d’un chômage partiel qui pourrait durer deux ans » explique Vincent Jiozwiak pour FO (2e syndicat du site avec 25% aux dernières élections).

Si ces situations françaises sont pour le moins inquiétantes, Alstom reste néanmoins un poids lourd du ferroviaire et décroche des gros marchés à l’étranger. Fin août rappelle ainsi Eric Keller, « Alstom a remporté le marché américain de modernisation de la ligne Washington/Boston. Un marché de 2.45 milliards de dollars qui comprend notamment la production de plusieurs dizaines de locomotives… Mais tout sera fabriqué aux USA ».

Alors que l’État actionnaire entend montrer depuis quelques jours qu’il se démène pour sauver Belfort, cela ne semble pas émouvoir la Direction d’Alstom qui a écrit aux salariés de Belfort leur indiquant qu’il était « impossible » de concevoir désormais « un avenir pérenne pour les activités du site de Belfort ». Et le P-DG de souligner au passage qu’il avait « alerté les pouvoirs publics sur cette situation depuis plusieurs mois ».

Alors que le chef de l’État assure de son côté que « tout » sera fait pour sauver Belfort, le Premier ministre annonçait ce 13 septembre qu’il avance sur le dossier. Des solutions permettant de « pérenniser » le site seraient à « finaliser » d’ici quelques jours, quelques semaines voire « pour certaines » quelques mois. Les salariés ne demandent qu’à découvrir les preuves concrètes de cette pérennité.

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante

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