Biélorussie : dix mois d’une répression grandissante

InFO militante par Evelyne Salamero, L’inFO militante

© Industriall

Perquisitions, menaces, arrestations… Les syndicalistes, les étudiants ou encore les journalistes sont les cibles favorites d’un régime dont la population conteste la légitimité.

L ’arrestation du journaliste biélorusse dissident Roman Protassevitch et de sa compagne Sofia Sapega par les autorités biélorusses le 23 mai dernier, après interception de l’avion à bord duquel ils voyageaient, puis la diffusion de leurs aveux, très vraisemblablement contraints, par la télévision d’État à une heure de grande écoute… Ces événements illustrent de façon spectaculaire l’escalade dans l’usage de la répression par le pouvoir biélorusse. Une escalade qui a débuté il y a bientôt un an quand, par centaines de milliers, les Biélorusses ont contesté dans la rue le résultat de l’élection présidentielle du 9 août 2020, officiellement remportée par Alexander Lukashenko, en place depuis 1994, soit vingt-six ans.

Cette mobilisation d’une ampleur sans précédent, incluant des grèves dans tout le pays, à l’appel notamment du Congrès biélorusse des syndicats démocratiques (BKDP) et qui a vu éclore de nouveaux syndicats locaux indépendants, a été immédiatement et brutalement réprimée par le pouvoir. Bilan : au moins quatre morts, des dizaines de blessés et des dizaines de milliers d’arrestations.

Trois ans de prison pour une grève

En décembre, plus de 27 000 personnes avaient déjà été arrêtées, à un moment ou à un autre, pour avoir protesté contre le régime, selon la CSI (Confédération syndicale internationale) qui a saisi l’OIT (Organisation internationale du travail). Depuis dix mois, les perquisitions de domiciles et de locaux syndicaux se multiplient. Syndicalistes, étudiants et journalistes sont harcelés, verbalisés, menacés, persécutés, arrêtés, condamnés... À titre d’exemple, la CSI a informé de la condamnation de trois anciens salariés de l’usine BMZ (métallurgie), Alexander Bobrov, Igor Povarov et Evgeny Govor, à des peines de prison allant jusqu’à trois ans pour avoir participé à une grève et des manifestations. L’organisation de défense des droits de l’homme VIASNA, basée à Minsk, recense aujourd’hui 360 prisonniers politiques. Selon Amnesty International, à la date du 17 mai 466 étudiants ont été arrêtés et un grand nombre ont fui le pays, craignant pour leur sécurité.

 

L’OIT demande la libération des syndicalistes
Le gouvernement biélorusse s’appuie sur la loi sur les activités de masse de 2003 pour interdire manifestations et réunions, soumises à une procédure d’autorisation préalable particulièrement lourde, excluant notamment les organisations non reconnues par le gouvernement. Ainsi, le syndicat progouvernemental a le droit de manifester, mais pas les syndicats indépendants. En 2014, une commission d’enquête de l’OIT a demandé au gouvernement biélorusse de modifier cette loi qui contrevient à la convention internationale sur la liberté syndicale. La loi a au contraire été durcie en 2019. Et depuis un an, la répression s’aggrave. C’est dans ce contexte tendu que la conférence annuelle de l’OIT, qui réunit 4 000 délégués (gouvernementaux, employeurs et travailleurs) en virtuel du 7 au 19 juin, dont ceux de la Biélorussie, aborde cette année, comme une question prioritaire, les violations des droits de l’homme et des libertés des travailleurs dans ce pays. En mars dernier, le conseil d’administration de l’OIT a d’ores et déjà appelé le gouvernement biélorusse à libérer tous les syndicalistes.

Evelyne Salamero Ex-Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération

Sur le même sujet