Boehringer Ingelheim : plan social déguisé chez un géant pharmaceutique

Emploi et Salaires par Valérie Forgeront

Boehringer Ingelheim, siège social en France pour l’activité Santé Animale à Lyon. © Stephane AUDRAS/REA

L’inquiétude va crescendo chez Boehringer Ingelheim. Sur le site de production de Saint-Herblon en Loire-Atlantique comme au siège de l’entreprise à Lyon, les salariés refusent d’être les victimes de la réorganisation de cette société pharmaceutique allemande qui rachetait à Sanofi il y a moins d’un an la compagnie Merial (spécialisée dans la santé animale) dans laquelle ils étaient employés. Nouveau propriétaire, Boehringer Ingelheim a en effet décidé de restructurer ses activités. Le site de Saint-Herblon (110 salariés) est en vente depuis octobre et les postes de 200 salariés lyonnais sont appelés à être délocalisés en Allemagne, en Autriche ou encore à Dubaï. Le syndicat FO se bat actuellement pour obtenir des garanties pour tous ces salariés sous le coup d’un plan social déguisé.

Est-ce la chronique d’une mort annoncée ? s’alarme en ce mois de décembre le syndicat FO de Boehringer Ingelheim. Les inquiétudes sont fondées. Après trois mois de lune de miel, la réalité a repris ses droits et nous assistons maintenant au démantèlement de l’entreprise Mérial indique le syndicat. Autrefois propriété du géant pharmaceutique Sanofi, Mérial (2000 salariés) qui est un des grands groupes mondiaux pour les médicaments vétérinaires (par exemple l’anti-puces Frontline) et les vaccins pour animaux a été racheté en janvier 2017 par l’allemand Boehringer Ingelheim. Il y a moins d’un an donc.

Or, relève le syndicat FO, la société allemande n’a pas mis longtemps à annoncer de mauvaises nouvelles aux salariés. Mis en vente en octobre, le site de Saint-Herblon (jusque-là spécialisé dans les médicaments génériques pour animaux) qui emploie beaucoup de femmes n’a toujours pas trouvé de repreneur. FO –majoritaire depuis 2012 à Saint-Herblon- demande à Boehringer Ingelheim des garanties dont un maintien pendant deux ans des acquis des salariés. Et pour cause.

Les salariés demandent reconnaissance et respect

Les salariés jusqu’à leur pleine intégration à Mérial en 2014 ont travaillé depuis 1997 dans la filiale autonome de Saint-Herblon (Coophavet) en ne bénéficiant pas de tous les accords de leur maison-mère Mérial expliquent les syndicats de Boehringer Ingelheim dans une lettre qu’ils viennent d’adresser à la direction française de l’entreprise. Ils soulignent encore qu’entre 1997 et 2014 des dividendes étaient versés à Mérial. Ils estiment que le montant total versé dépasse les onze millions d’euros.

Sur cette période de dix-sept années, les syndicats dont FO constatent encore que les salariés de Saint-Herblon sont passés eux en revanche à côté de plus de 60 000 euros de revenu par collaborateur.

Alors que l’avenir du site de production ne serait pas finalisé avant 2019, les syndicats dont FO demandent d’ores et déjà à Boehringer Ingelheim de garantir que le futur repreneur s’engage à un maintien des emplois –pour une durée de vingt-quatre mois- à Saint-Herblon. Qu’il s’engage aussi à préserver pendant 24 mois les acquis sociaux (participation, intéressement, mutuelle et prévoyance, congés payés…).

Les syndicats demandent par ailleurs à Boehringer Ingelheim et ce par reconnaissance pour le site que chaque salarié reçoive une prime de 30 000 euros en guise de compensation à la vente du site. Les syndicats attendent la réponse de la Direction.

C’est un plan social !

Au siège lyonnais de Boehringer Ingelheim, l’inquiétude est aussi d’actualité. Sur les 700 salariés du siège, deux-cents (cadres et non-cadres) sont sous la menace d’une délocalisation. Vers l’Allemagne (siège historique de la société), l’Autriche ou Dubaï (autre siège de la société pour ses activités au Moyen-Orient). Les postes des services marketing, RH et services généraux sont particulièrement visés par cette délocalisation indique Fabienne Arnaud, déléguée syndicale centrale (DSC) FO de Boehringer Ingelheim.

La militante résume : à peine rachetés, nous faisons l’objet d’un plan social déguisé ! C’est en effet un plan social mais l’entreprise vise à y consacrer moins d’argent.

Depuis le mois d’octobre explique la militante, les syndicats et la direction ont tenu six réunions afin d’élaborer des mesures pour l’emploi. Cela ne se fait pas sans difficultés. Les mesures sociales avancées par l’entreprise dans le cadre de cette délocalisation sont insuffisantes souligne FO alors que Boehringer Ingelheim semble vouloir obtenir un accord dès janvier prochain. Ce n’est pas gagné.

Des mesures sociales insuffisantes

Pour les salariés qui accepteraient une délocalisation, on ne parle toujours pas pour l’instant des conditions salariales ni de l’environnement social (protection sociale…) s’inquiète ainsi Fabienne Arnaud. Pour ceux qui n’accepteraient pas de plier bagages, vers Dubaï par exemple, les mesures d’accompagnement social sont loin de satisfaire.

Les conditions pour les congés de mobilité en vue de trouver un autre emploi sont insuffisantes. On ne peut pas accepter par exemple qu’un salarié ne soit plus pris en charge par les mesures de l’entreprise à partir du moment où il aura seulement trouvé un CDD précaire ailleurs fulmine la militante, particulièrement inquiète pour l’avenir des salariés de plus de 50 ans concernés par ces délocalisations. Les mesures d’essaimage (soutien à la création ou reprise d’entreprise) ne satisfont pas non plus. Par ailleurs il y aura probablement peu de créations d’entreprises indique Fabienne Arnaud estimant que le chemin sera encore long avant la signature d’un accord avec la direction.

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante