« La priorité est désormais de maîtriser la dépense publique » a déclaré le 13 mai le nouveau ministre de l’Economie Henrique Mereilles, un ancien président de la Banque centrale.
Il s’est gardé, dans cette première déclaration publique, et encore à ce jour, de donner des indications chiffrées. « Nous avons commencé à travailler hier soir et nous sommes en train de prendre connaissance des chiffres, les objectifs doivent être annoncés avec réalisme », a-t-il prudemment indiqué.
La réforme du système des retraites déjà sur les rails
En revanche, tout en assurant que les programmes sociaux en faveur des plus démunis « seront maintenus », le ministre de l’Economie a préparé les Brésiliens à un ensemble de « mesures difficiles » comme la réforme du système des retraites et celle du droit du travail.
Toutefois, relève l’agence de notation financière Moody’s, la capacité de Michel Temer, le nouveau président, à faire approuver des mesures d’austérité « est loin d’être claire ». Or, souligne la fameuse agence « des réformes structurelles sont nécessaires pour alléger le budget de l’État sévèrement contraint par la chute des recettes fiscales et le coût élevé de la dette ».
La CUT (Confédération unique des travailleurs) « ne reconnait pas des putschistes comme gouvernants »
M. Temer a voulu entamer des discussions avec les organisations syndicales sur la réforme du système de retraites dès lundi 16 mai.
La principale organisation syndicale du pays, la CUT (Confédération unique des travailleurs) a refusé de participer à cette rencontre, expliquant qu’elle « ne reconnaît pas des putschistes comme gouvernants ».
Le président de la deuxième organisation du pays, Força Sindical, a déclaré : « Nous n’accepterons pas qu’on touche à la situation de ceux qui sont déjà sur le marché du travail. Pour les autres, nous sommes prêts à discuter ».
Flash Back pour éclairage
Jeudi 12 mai au matin, les sénateurs brésiliens ont voté (55 voix pour et 22 contre) l’ouverture d’une procédure de destitution contre la présidente Dilma Roussef (Parti des Travailleurs, élue en 2010 et réélue en 2014), accusée d’avoir maquillé les comptes publics afin de minimiser l’ampleur du déficit public l’année de son élection. Dilma Roussef a ainsi été automatiquement suspendue de ses fonctions, pour un délai maximum de six mois, le temps d’être jugée.
Tous ses prédécesseurs ont eu recours à cette pratique sans jamais avoir été inquiétés, a-t-elle fait valoir, en vain.
Il est à noter également que 7 des 24 ministres du nouveau gouvernement issu des rangs de ceux qui ont destitué Dilma Roussef font l’objet d’enquêtes judiciaires pour corruption, dans le cadre de l’opération « Lava Jato » qui a révélé un vaste réseau de corruption mêlant le groupe public Petrobas, des entreprises privées du BTP et des dirigeants politiques.
Le nouveau président par intérim Michel Temer, choisi par ceux qui ont destitué Dilma Roussef pour la remplacer, est lui-même cité dans cette affaire. Il aurait bénéficié de 5 millions de reais (1,26 million d’euros) de donations de l’entreprise de BTP OAS, elle-même condamnée.
Il est accusé d’une partie des torts reprochés à Dilma Roussef, à savoir d’avoir signé des décrets budgétaires sans l’aval du Congrès.
Enfin, il a été condamné début mai par le tribunal supérieur électoral de Sao Paulo pour le dépassement de ses dépenses de campagne en 2014.
« Le coup d’État a été conçu par les forces conservatrices » dénonce la CUT
Il s’agit du « coup le plus infâme commis contre la démocratie brésilienne depuis qu’elle a été reconquise par le peuple brésilien après la dictature militaire des années 80 » condamnait la CUT quelques heures après la destitution de Dilma Roussef.
Ce « coup d’État a été conçu par les forces conservatrices, renforcé par les média oligopolistiques et financé par les entrepreneurs nationaux qui veulent retirer ses droits à la classe ouvrière, ainsi que par les multinationales intéressées par la privatisation des entreprises publiques brésiliennes et nos ressources naturelles », soulignait la confédération syndicale.
Elle faisait également savoir qu’elle allait « promouvoir, avec d’autres forces démocratiques et populaires (…) une longue lutte de résistance contre l’initiative des forces conservatrices brésiliennes ».
« Une manœuvre politique visant à saper les énormes progrès réalisés » condamne la CSI
Dès le 20 avril, alors que la campagne pour la destitution de Dilma Roussef battait son plein, la CSI (Confédération syndicale internationale), approuvait une déclaration de son organisation régionale pour les Amériques, la CSA, appelant au respect de la démocratie et de l’État de droit.
Sharan Burrow, secrétaire générale de la CSI déclarait notamment : « La tentative de destitution de la présidente élue du Brésil est une manœuvre politique visant à saper les énormes progrès réalisés (…) durant les années qui ont suivi la première élection de Lula, prédécesseur de Dilma Rousseff. Les plans de ceux qui cherchent à la remplacer voient à présent le jour : privatisations, vente de biens nationaux, affaiblissement des protections en matière de travail, réduction des programmes sociaux et confier à nouveau l’économie aux oligarchies corrompues et cupides ».
Dans ce pays où les inégalités sont parmi les plus fortes au monde, plus de 40 millions de personnes ont été sorties de la pauvreté et plus de 20 millions d’emplois ont été créés depuis l’arrivée au pouvoir en 2003 du Parti des travailleurs, en la personne de L.I Lula.
Et , ajoute l’organisation régionale de la CSI, l’État a retrouvé « son rôle dans l’élaboration de politiques publiques pour la santé, l’éducation, le logement, la protection des salaires et la lutte contre diverses formes de discrimination, fondée sur le sexe, le genre, l’origine ethnique ou la race, qui ont fait du Brésil un modèle d’intégration sociale à travers le monde ».
De fait, il n’aura échappé à personne que pour la première fois depuis des décennies, les 24 ministres du nouveau gouvernement brésiliens sont tous des hommes et blancs.