Bretagne : les agents de La Poste mobilisés pour la mission publique et ses emplois

Les articles de L’InFO militante par Chloé Bouvier, L’inFO militante

© Jean-Claude MOSCHETTI/REA

Face au malaise grandissant des agents « à bout » et qui peinent à faire respecter par la direction leur l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, FO La Poste a appelé à la mobilisation le 5 avril dans quatre départements bretons. Alors que les suites à donner au mouvement sont actuellement discutées, les syndicats FO de ces départements craignent que le cas breton, se traduisant notamment par la perte d’emplois pérennes, préfigure le schéma national de réorganisation des bureaux.

C’est une mobilisation qui couvre toute la Bretagne, soit 4 départements, pour défendre les conditions de travail au sein de La Poste.

Des agents se sont rassemblés à Rennes le 5 avril, date d’une grève à l’appel de FO. Conseillers bancaires, agents des services clientèle… Toutes les catégories de personnels étaient représentées, indique Danielle Fairant, de FO Poste Côtes d’Armor. Nous avons constaté, depuis janvier, un important malaise des agents, notamment sur la question du temps de travail, souligne Sébastien Toyer de FO Com Ille-et-Vilaine. FO demande notamment des horaires corrects permettant de concilier vie professionnelle et vie privée.... Et pour cause !

Horaires de travail à rallonge et pressions sur les congés

Les deux militants racontent avoir été maintes fois contactés par des travailleurs « à bout » et « stressés » qui pleurent au téléphone. Le personnel est en train de craquer, prévient Danielle Fairant. La direction leur met la pression, notamment sur la limite entre vie personnelle et vie professionnelle. Les horaires de travail changent beaucoup et les objectifs fixés sont inatteignables. Ils témoignent aussi d’une infantilisation avec une perte d’autonomie et une diminution de leur pouvoir de décision. Alors que la règle pour les chargés de clientèle est de un samedi libre sur deux, dans les bureaux de zones rurales, où l’on manque d’effectifs, cette règle n’est pas toujours respectée. Dans ses bureaux, les agents connaissent les usagers et il est courant qu’ils fassent des heures supplémentaires pour les aider. La direction compte là-dessus, souligne la militante.

Concernant le temps de travail, une autre problématique plus récente est apparue : celle des vacances d’été. La direction a insisté pour que les conseillers bancaires posent leurs congés estivaux en août. Son argumentation ? Les marchands de glaces ne prennent pas de vacances en août... Les salariés sont obligés de poser leurs vacances durant ce mois où les fréquentations des bureaux de postes sont moindres, explique Sébastien Toyer. Or, à La Poste, dans les règles, les employés peuvent poser leurs vacances du 1er juin au 30 septembre, puis cela est discuté en interne. Il n’y a pas d’obligation.

Tout a été mis en œuvre pour les faire craquer

Pour ces raisons, ils étaient nombreux à se mobiliser le 5 avril. Lorsque j’ai constaté que plusieurs agents m’appelaient pour parler de leurs conditions de travail, j’ai organisé des réunions Teams (visioconférence) durant les heures de déjeuner, raconte Sébastien Toyer. Plus de cent personnes y ont participé et c’est à cette occasion qu’a été évoquée l’idée de grève. Difficile d’avoir le taux global de grévistes pour cette journée, la direction ne l’a pas communiqué. Mais indique le militant Parmi les conseillers bancaires, ils étaient environ 30 % de grévistes, parfois 50 % selon les départements. Et désormais la question de la suite à donner au mouvement est posée car la dégradation des conditions de travail et de la qualité de vie au travail se poursuit.

Danielle Fairant rapporte ainsi plusieurs témoignages de professionnels qui souhaitent démissionner de La Poste : out a été mis en œuvre pour les faire craquer. Leurs départs, donc moins d’agents locaux, représentent des économies pour la maison-mère, analyse la militante. De son côté, Sébastien Toyer constate que la société ne facilite pas la procédure dans le cadre des départs et démissions. Il faut le dire : aujourd’hui, La Poste maltraite ses salariés en région Bretagne.

Que cesse la destruction du maillage territorial

Ce qui inquiète les militants, c’est que l’exemple breton cache un projet national de perte de voilure de la Poste, ce qui a d’ailleurs commencé. De fait, outre les revendications concernant les conditions de travail, Force Ouvrière demande que cessent les fermetures des bureaux de poste locaux. Et fermetures et situation de l’emploi à la poste sont étroitement liées. Pourquoi la société recrute-t-elle de plus en plus d’intérimaires, qui coûtent pourtant plus cher que les titulaires ? Parce qu’en cas de fermeture de bureaux, elle n’a pas obligation de les replacer dans d’autres bureaux, il suffit de mettre fin à leur contrat, explique Sébastien Toyer.

Pour Christine Besseyre, secrétaire générale de la Fédération FO Com, cette évolution de La Poste va à l’encontre de sa mission de service public. Certes, il convient d’adapter les pratiques des guichets, notamment avec l’usage des outils à distance. Mais il faut respecter la mission d’aménagement du territoire et garder un service postal digne de ce nom. Aujourd’hui, La Poste ne compte plus au niveau national que 4 000 bureaux, contre 17 000 « points de contact ».

L’enjeu de maintenir un maillage territorial en bureaux de poste est d’autant plus grand que les fermetures coupent du service postal de nombreuses populations, en premier lieu les plus fragiles. On le voit en Bretagne, constate Danielle Fairant. Les personnes en situation de handicap, les plus âgés ou les plus précaires peuvent avoir des difficultés avec internet. Et sont dans l’impossibilité de se déplacer en voiture. Outre l’aspect social, la militante pointe également l’aberration du point de vue écologique de cette réorganisation. Alors que La Poste se targue d’avoir la première flotte de véhicules propres, si les agents et usagers sont obligés de se déplacer en voiture pour aller dans les bureaux, cela annule les bienfaits écologiques de l’entreprise.

Chloé Bouvier

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération