Le secrétaire général d’une UD ou d’une Fédération peut-il agir en justice lorsque sa nomination ne s’est pas faite conformément aux statuts du syndicat ? Cette question a fait l’objet dernièrement d’une affaire menée par une Union départementale FO avec le soutien de la Confédération.
Par un jugement en date du 14 juin 2022 (n°21/00001), le tribunal judicaire de Tarbes rejetait la demande de l’UD FO 64 de voir annuler l’élection de certains élus CFDT pour non-respect de la représentation équilibrée femmes/hommes au motif que l’UD FO 64 ne justifiait pas que son secrétaire général était régulièrement habilité à ester en justice au nom du syndicat dans la mesure où les instances internes du syndicat ne s’étaient pas réunies dans les délais prévus dans les statuts du syndicat pour renouveler le mandat de secrétaire général.
L’UD FO 64 a formé un pourvoi en cassation contre ce jugement qui nie la faculté pour un syndicat et son représentant légal d’ester en justice lorsque les instances internes du syndicat (secrétaire général, bureau, commission exécutive ou administrative) n’ont pas été renouvelées dans les délais prévus par les statuts. En l’espèce, le Congrès de l’UD ne s’était pas réuni dans les délais prévus par les statuts de l’UD (tous les 3 ans, notamment à cause du Covid) et n’avait donc pas prolonger la durée des mandats des instances internes.
Cette décision était, pour nous, dangereuse car elle impliquait d’être extrêmement vigilant sur la rédaction de nos statuts et sur le respect de ceux-ci sous peine de perdre notre droit essentiel d’agir en justice mais également d’accomplir tous les actes de la vie civile (ex : désignation de DS…).
Nous plaidions que dès lors qu’il était justifié de l’adoption des statuts, de l’identité des membres du bureau exécutif, ainsi que du dépôt des statuts en mairie, formalité nécessaire et suffisante pour conférer la capacité juridique au syndicat, le moyen tiré de l’absence du renouvellement des instances internes du syndicat dans les délais mentionnés par les statuts de l’UD FO 64, n’avait aucune incidence sur la capacité à agir en justice de cette union et de son représentant légal.
Pour FO, l’acquisition de la personnalité juridique d’un syndicat ne peut être subordonnée à des conditions de nature à mettre en cause l’exercice de sa liberté d’élaborer ses statuts, d’organiser le renouvellement de ses instances et d’élire ses représentants comme il le souhaite. L’exercice de ses libertés ne devrait pas entraîner la perte de la personnalité juridique. Le fait que le syndicat n’ait pas organisé le renouvellement de ses instances internes, comme prévu par les statuts, ne devrait pas avoir d’incidence sur sa capacité à agir en justice et sur la capacité, pour son représentant légal, d’agir en justice au nom du syndicat, le syndicat étant libre d’organiser ses affaires internes comme il le souhaite. Seule l’absence du dépôt des statuts en mairie devrait entrainer l’incapacité d’agir en justice du syndicat et, par là même, de son représentant légal.
Dans sa décision en date du 15 février 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation donne gain de cause à FO et considère que : si un tiers défendeur (en l’occurrence la CFDT) peut se prévaloir des statuts d’une personne morale pour justifier du défaut de pouvoir d’une personne à figurer dans un litige comme représentant de celle-ci, il ne peut en revanche invoquer, sur le fondement de ces mêmes statuts, l’irrégularité de la nomination de ce représentant pour contester sa qualité à agir en justice
(Cass. soc., 15-2-23, n°22-60144).
Autrement dit, un tiers défendeur ne peut invoquer devant le juge l’irrégularité de la nomination d’un secrétaire général au regard des statuts du syndicat pour lui nier sa capacité à représenter l’UD et d’agir en justice en son nom. C’est une problématique qui concerne uniquement le syndicat !
En l’espèce, l’article 24 des statuts prévoyait que le secrétaire général était le représentant légal de l’union départementale dans tous les actes de la vie civile et avait délégation permanente d’agir en justice tant en demande qu’en défense, d’autre part l’union départementale justifiait dans sa requête des statuts et d’un récépissé de dépôt de la mairie et de l’extrait de procès-verbal de la commission exécutive et de la liste des membres du bureau, dont il ressort que M. Larrouquere a été élu secrétaire général le 28 avril 2017 conformément aux statuts. Ces éléments étaient suffisants pour démontrer la capacité du secrétaire général à agir au nom et pour le compte de l’UD en justice.
Cette décision laisse une certaine marge de manœuvre au syndicat qui ne respecterait pas scrupuleusement ses statuts lorsque est en jeu une question essentielle comme la capacité à agir en justice mais elle ne doit pas masquer le fait que la Cour de cassation se montre de plus en plus vigilante sur le strict respect des statuts.
Dans la mesure où ces derniers temps, la Cour de cassation se montre très à cheval sur le respect des statuts et leur bonne application notamment par le syndicat, il est primordial qu’avant chaque décision prise par le secrétaire général ou les instances dirigeantes du syndicat, ceux-ci vérifient que leur décision a bien été prise en respectant les statuts sous peine de voir annuler leur décision prise ou de voir rejeter leur action en justice.
Autrement dit, si les statuts du syndicat posent, au-delà des exigences légales pour l’accomplissement d’un acte en particulier, une condition supplémentaire préalable à la prise d’une décision, le non-respect de celle-ci peut entrainer notamment notre incapacité à ester valablement en justice.
Par exemple, si l’action en justice d’une UD exercée par le secrétaire général de l’UD est subordonnée à une autorisation ou un avis préalable du bureau ou de la commission exécutive, l’absence de transmission de cette autorisation ou de cet avis au moment de l’introduction de notre action en justice, peut rendre celle-ci irrecevable.
A noter que le représentant en justice d’une organisation syndicale doit, s’il n’est avocat, justifier d’un pouvoir spécial ou d’une disposition des statuts l’habilitant à agir en justice et le défaut de pouvoir est une irrégularité de fond qui ne peut plus être couverte après l’expiration du délai ouvert pour introduire l’action en justice.