Il n’aura pas fallu attendre longtemps pour que les pires pratiques du « monde d’avant » ne refassent surface ! C’est le cas chez Castorama (entité du distributeur britannique Kingfisher), où le syndicat FO, troisième organisation, dénonce le passage-en-force de l’enseigne de bricolage qui tente de généraliser le travail dominical à ses 64 magasins en province sans le payer
, avec force mensonges aux salariés. Faute d’avoir renégocié, au printemps, un accord majoritaire avec les syndicats sur le sujet, elle essaie de les contourner, en organisant du 16 au 22 septembre un référendum par voie électronique auprès de ses 12 000 salariés.
Non seulement Castorama a trahi l’engagement qu’elle avait pris en 2014 - dûment notifié par accord - de ne pas étendre les ouvertures permanentes de ses magasins, le dimanche, au-delà de la région parisienne, mais elle dupe les salariés, à l’aide d’argument fallacieux, en affirmant que l’accord proposé serait plus avantageux que l’existant ! C’est une absolue contre-vérité
, dénonce Jean-Paul Gathier, le délégué syndical central FO, vent debout contre cette banalisation du travail dominical. Le militant, appuyé par la section fédérale du Commerce de la FEC-FO, appelle les salariés à rejeter cet accord qui ne peut que leur être préjudiciable sur le plan de la rémunération et les conditions de travail
, et à voter « non » au référendum.
Un an de bras-de-fer avec FO
Pourtant, en 2014, juré promis, Castorama s’était engagée à ne pas généraliser le travail dominical permanent au-delà de la région parisienne, réjouie à l’époque de la décision de l’exécutif d’accorder au secteur du bricolage, par décret, une dérogation de plein droit permanente au repos dominical. Elle faisait du lobbying, depuis des années, pour cela. Pendant des années, l’enseigne a ouvert illégalement le dimanche ses magasins de la région parisienne, et même payé certains salariés et affrété des bus pour qu’ils aillent manifester afin d’obtenir ce décret
, rappelle Jean-Paul Gathier.
Reste que Castorama semble avoir perdu la mémoire dans la crise sanitaire ! Face au nouvel engouement des Français pour le bricolage (le marché a explosé de 13% en 2020, NDLR), elle s’est saisie, depuis l’été 2020, de ce fameux décret du 7 mars 2014 pour commencer à étendre les ouvertures le dimanche à 64 établissements provinciaux. Depuis, FO est à l’offensive. Le syndicat a saisi le TGI de Lille (avec deux autres organisations) et attend le 9 septembre l’audience de jugement.
Première condamnation favorable aux syndicats
Mais depuis, l’enseigne cherche une parade. Et pour cause ! Condamnée en avril dernier par une première décision de justice favorable aux syndicats opposés à cette banalisation (ce qui l’a contrainte à fermer le dimanche son magasin de Bondues, sous peine sinon d’une astreinte de 25 000 euros par ouverture dominicale), elle a aussitôt dénoncé son accord d’entreprise de 2014 sur les contreparties octroyées dans le cadre du travail dominical. Cet accord limitait les ouvertures permanentes aux magasins franciliens et à la zone commerciale Plan-de-Campagne (Bouches-du-Rhône) et, dans les autres, limitait les ouvertures exceptionnelles à 5 dimanches par an. Mais elle n’a pas réussi r à renégocier d’accord majoritaire de substitution (seule la CFDT a signé) ! Qu’à cela ne tienne : la voilà qui essaie de passer en force, avec ce référendum d’entreprise.
Des contreparties réduites pour les salariés
Il s’agit, écrit-elle dans ses communications aux salariés, de proposer un accord plus favorable en termes de contreparties et de garanties du travail du dimanche par rapport à celles déjà existantes
. Mensonge, rétorque le militant FO : Castorama veut se libérer de l’accord de 2014 et lui substituer un accord sur deux ans, moins avantageux pour les salariés qui lui permettrait de baisser le coût du travail dominical. Car il uniformiserait, pour tous, les majorations des heures travaillées le dimanche à 155%
. Or ces majorations sont aujourd’hui de 200% pour les salariés travaillant le dimanche de manière exceptionnelle (5 dimanches par an).
Pis, Castorama attise les peurs : en cas de « non » au référendum, menace-t-elle, les mesures les moins favorables de la convention collective s’appliqueront à compter d’août 2022
(fin du délai de 15 mois pendant lequel l’accord de 2014, malgré sa dénonciation, continuerait d’exister dans toutes ses applications, NDLR). Autre mensonge
, dénonce Jean-Paul Gathier. Et de rappeler les garanties de maintien des avantages individuellement acquis par les salariés, qui sont prévues par la loi, en cas de dénonciation d’un accord collectif à durée indéterminée et en l’absence d’accord de substitution majoritaire. En clair, les salariés qui auront travaillé 5 dimanches entre juillet s 2021 et 2022 sont assurés – s’ils travaillent le même nombre de dimanches les années suivantes – de bénéficier d’une garantie de rémunération équivalente à celle perçue entre juillet s 2021 et 2022
, précise le DSC FO.
Pressions sur les salariés
Pour convaincre, Castorama utilise l’argument éculé de la concurrence. L’ouverture du dimanche constitue plus que jamais un levier de croissance
, argue-t-elle, évoquant carrément le contexte d’une généralisation du travail du dimanche dans notre secteur
! Elle promet aussi de pérenniser 250 CDD équivalents temps-plein en CDI, d’ici fin janvier 2022 dans ses 64 magasins en province, pour améliorer les conditions de travail pour tous
. A cela près, rétablit le DSC FO, que ceci n’est pas un engagement à augmenter les effectifs
.
Les comptes sont vite faits, alors que Castorama a doublé, à plus de 1 000, le nombre de CDD recrutés depuis début 2021 pour répondre à la demande. Beaucoup de salariés en CDD arrivent aujourd’hui au terme de leur contrat, sans être reconduits. Si l’entreprise pérennise effectivement 250 CDD en CDI, les effectifs ne seront pas suffisants pour améliorer les conditions de travail. C’est une autre escroquerie. L’entreprise va demander, au contraire, plus de productivité aux salariés
.
A cet argumentaire litigieux de l’entreprise, s’ajoutent déjà des pressions sur les salariés
lors des réunions d’information sur le référendum, organisées par les directeurs de magasins. Ces réunions sont obligatoires pour les salariés. Certains se sont déjà vus
, explique Jean-Paul Gathier.conseiller
de s’abstenir de voter, s’ils comptaient voter non
. Et, à plusieurs reprises, des militants FO qui voulaient prendre la parole en ont été empêchés
Marché de dupes
Et, dénonce encore le militant FO, l’entreprise ne dit pas tout aux salariés. Si le
, martèle le DSC FO, vent debout contre cette tentative de banalisation du travail dominical à moindre coût.oui
au référendum l’emportait, l’accord s’appliquerait dès ce 24 septembre, pour deux ans. C’est un marché de dupes ! A l’issue de ces deux ans, la seule contrainte de Castorama serait de respecter l’accord de branche, qui prévoit une indemnisation des dimanches travaillés à 100%, contre 155% dans l’accord actuellement soumis à référendum et déjà régressif. Au final, tous les salariés, qu’ils travaillent ou pas aujourd’hui le dimanche, seront perdants !
Castorama n’est pas l’unique entreprise à vouloir généraliser le travail dominical sans le payer. La branche des succursalistes de la chaussure (20 000 salariés) met la pression depuis le début de la crise sanitaire.
En juillet, elle a remis à signature, pour la troisième fois en dix-huit mois, un accord libéralisant le travail dominical sans quasiment aucune contrepartie !, dénonce Gérald Gautier, secrétaire de la section fédérale Commerce à la FEC-FO. Signé par une seule organisation (la CFTC), le texte a suscité une levée de bouclier chez FO, défenseur historique du repos dominical, et deux autres organisations. Elles ont fait barrage, en activant leur droit d’opposition.