CDD successifs et faute grave 

Divers par Patricia Drevon, Secteur des Affaires juridiques

La faute grave doit être relevée au cours de l’exécution du CDD, même en cas de CDD successifs.

Une salariée est engagée par une entreprise via différents contrats à durée déterminée se succédant pendant près de deux ans et demi.

Le troisième contrat est rompu pour faute grave de façon anticipée.

La salariée saisit la juridiction prud’homale en vue de faire déclarer illicite la rupture de son dernier CDD et d’obtenir le paiement de ses salaires allant jusqu’au terme de son contrat et l’indemnité de précarité (l’arrêt ne précise pas si elle avait bénéficié de cette indemnité à chaque fin de ses CDD).

La cour d’appel de Versailles donne raison à la salariée et condamne l’employeur pour rupture abusive du contrat.

L’employeur forme un pourvoi en cassation car, selon lui, s’il a rompu le CDD pour des faits intervenus antérieurement au renouvellement du dernier CDD, c’est parce qu’il n’a eu connaissance de ces faits fautifs qu’au moment de l’exécution du dernier contrat, en raison d’une enquête commencée avant la conclusion du dernier contrat.

La Cour de cassation, dans un arrêt du 15 mars 2023 (pourvoi n°21-17227), rejette cette argumentation :

Aux termes de l’article L 1243-1, alinéa 1er, du Code du travail, sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail.
Il en résulte que la faute de nature à justifier la rupture anticipée d’un contrat à durée déterminée doit avoir été commise durant l’exécution de ce contrat.
La cour d’appel a relevé que le troisième contrat à durée déterminée avait pris effet le 29 janvier 2016, alors que les faits reprochés à la salariée, aux termes de la lettre de licenciement, remontaient au 8 janvier 2016, soit antérieurement à la prise d’effet de ce troisième contrat.
Elle a retenu, à bon droit, que la société ne pouvait se fonder sur des fautes prétendument commises antérieurement à la prise d’effet du contrat pour justifier la rupture de celui-ci.
Elle en a exactement déduit que ces fautes ne pouvaient pas faire l’objet d’une sanction.

Ainsi, au moment du renouvellement du CDD, l’employeur avait déjà une suspicion de faute à l’égard de la salariée, mais il a tout de même renouvelé son contrat (cela devait probablement l’arranger) et aucune faute dans l’exécution du dernier contrat n’a pu être relevée.

Tel est pris qui croyait prendre ?

CE QUE DIT LA LOI
L’article L 1243-1-1 du Code du travail dispose :
 Sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail.
Lorsqu’il est conclu en application du 6° de l’article L 1242-2, le contrat de travail à durée déterminée peut, en outre, être rompu par l’une ou l’autre partie, pour un motif réel et sérieux, dix-huit mois après sa conclusion puis à la date anniversaire de sa conclusion. (…).

Patricia Drevon Secrétaire confédérale au Secteur de l’Organisation, des Outre-Mer et des Affaires juridiques

Secteur des Affaires juridiques Le secteur des Affaires juridiques apporte une assistance juridique à la Confédération dans sa lecture du droit et dans la gestion des contentieux.