CESE : FO déterminée à se faire entendre

Les Dossiers de L’inFO militante par Clarisse Josselin, L’inFO militante

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Les 175 membres du Conseil économique, social et environnemental (CESE) se sont réunis le 18 mai pour la séance plénière d’installation de la nouvelle mandature.
La loi organique publiée le 16 janvier 2021 au Journal officiel transforme en profondeur cette assemblée presque centenaire, dont l’histoire s’enracine dans celle du mouvement syndical. Elle en revoit la composition et les missions pour en faire un « carrefour des consultations publiques ». Le groupe FO, dont les membres ont été renouvelés aux deux tiers, se fixe pour objectif de préserver le rôle des acteurs sociaux historiques face à un risque important d’instrumentalisation et de dilution des questions économiques et sociales. La confédération profitera de cette nouvelle mandature pour faire entendre sa voix au CESE.

Après un mois et demi d’inter-mandature, les nouveaux membres du Conseil économique, social et environnemental (CESE) se sont installés le 18 mai. L’assemblée se compose de 175 conseillers – parmi lesquels neuf représentants de la confédération FO – en poste pour cinq ans. Lors de cette séance inaugurale, la « troisième chambre » de la République a élu son nouveau président. Thierry Beaudet, président de la fédération nationale de la Mutualité française et seul candidat en lice, a obtenu 163 voix sur 172. Le CESE a aussi élu les dix-neuf autres membres du bureau, l’organe collégial de décision du CESE, et attribué l’un des postes de secrétaire à Béatrice Clicq, chef du groupe FO.

Le premier chantier de la nouvelle assemblée consiste à réécrire le règlement intérieur. En effet le CESE, dont le rôle est consultatif (il peut aussi s’autosaisir), a été réformé en profondeur par la loi organique du 15 janvier 2021. À sa création en 1946, l’assemblée laissait une large place aux syndicats de travailleurs. La réforme de 2008 a élargi les prérogatives du CESE à l’environnement et ouvert ses bancs aux associations environnementales et de jeunesse. Elle a également permis aux citoyens de saisir la chambre par le biais d’une pétition signée par au moins 500 000 personnes.

La réforme de 2021 va encore plus loin dans l’ouverture en consacrant le CESE comme un carrefour des consultations publiques pour en faire la chambre de la parole citoyenne, comme le souhaitait le chef de l’État. Au service de cette nouvelle mission, l’institution, qui porte la voix de la société civile organisée, voit ses compétences élargies à l’organisation de consultations publiques (à son initiative, à la demande du gouvernement ou du Parlement) dont les participants seront tirés au sort, sur le modèle de la Convention citoyenne pour le climat lancée fin 2019.

Le CESE peut désormais être saisi par voie de pétitions électroniques (et non plus seulement écrites), afin qu’il rende des avis sur les questions de nature économique, sociale ou environnementale soulevées par le public. Ces pétitions seront recevables à partir d’un seuil abaissé à 150 000 signatures, celles-ci étant désormais apposables dès 16 ans.

Des effectifs diminués de 25 %

Mais la réforme diminue aussi d’un quart le nombre de conseillers permanents du CESE, qui passe de 233 à 175. Parmi eux, 52 représentants des salariés, 52 représentants du monde des entreprises, 45 représentants au titre de la cohésion sociale et territoriale et de la vie associative et 26 représentants au titre de la protection de la nature et de l’environnement. Le collège des personnalités qualifiées, qui étaient désignées par le chef de l’État, est supprimé. Pour cette nouvelle mandature, l’équipe FO passe de 14 à 9 membres et fonctionnera sous forme de binômes dans la mesure du possible.

La confédération déplore cette diminution des effectifs. Réduire la composition de l’assemblée de 25 %, alors même qu’elle est appelée à intégrer de plus en plus de citoyens, même si cela est de façon non permanente, interroge, souligne Serge Legagnoa, secrétaire confédéral chargé de la protection sociale et président de groupe FO lors de la précédente mandature.  Les missions du CESE peuvent être élargies sans cette réduction de format. Au risque sinon, pointe-t-il, d’une dilution de leur parole avec les nouvelles missions. Si demain l’essentiel des travaux du CESE est articulé autour des conventions citoyennes et des pétitions, le rôle des composantes historiques s’en trouvera automatiquement amoindri au profit de celui des citoyens lambda, analyse le militant.

Autre effet de la réforme, les sections vont désormais prendre le nom de commissions de travail. Leur nombre va passer de neuf à sept et celui des délégations de trois à deux. Il va y avoir des regroupements pour diminuer leur nombre, mais il ne faudrait pas que des sujets passent à la trappe au passage, prévient Abdallah Moussaoui, attaché de groupe FO au CESE.

Une autre modification majeure du CESE réside dans l’évolution de la procédure d’adoption des avis. La réforme réduit de trois à deux semaines le temps pour émettre un avis en cas de procédure simplifiée et diminue la possibilité pour l’assemblée plénière de se prononcer : des commissions, permanentes ou temporaires, du CESE pourraient désormais adopter des avis en son nom.

Une procédure d’adoption des avis simplifiée

Rien d’anodin pour Abdallah Moussaoui. L’objectif affiché étant d’augmenter le nombre d’avis rendus par le Conseil [25 à 30 par an actuellement, NDLR], la procédure simplifiée d’adoption d’avis risque de devenir la norme, alors que les groupes auront moins de moyens du fait de la diminution du nombre de conseillers. Le temps de réflexion collective, et de confrontation de points de vue avec les acteurs de terrain, va en faire les frais. On risque d’aller vers une technicisation des avis. Soit une évolution totalement contraire aux objectifs officiels de la réforme.

Autre coup porté aux acteurs sociaux : au motif de renforcer la portée des avis et la place de cette assemblée dans le débat public, désormais le gouvernement, lorsqu’il saisit le CESE sur un projet de loi, est dispensé d’autres consultations prévues par la loi ou le règlement. Cela concerne notamment la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP). Dès juin 2020, le secrétaire général de FO, Yves Veyrier, avait demandé au Premier ministre le retrait de cet article qui affaiblit le dialogue social et certaines de ses structures paritaires. Dans la version finale de la loi, un amendement rajoute la possibilité pour le CESE de solliciter l’avis des instances consultatives compétentes sur le sujet.

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FO redoute une dilution de la parole des acteurs sociaux

Prendre toute sa place au CESE c’est, pour la confédération FO, l’un des principaux enjeux de cette nouvelle mandature. Pour ce faire, Béatrice Clicq, secrétaire confédérale chargée de l’égalité et du développement durable et nouvelle présidente du groupe FO au CESE, a la volonté de travailler en réseau avec le bureau confédéral, les secteurs et les fédérations. Elle entend aussi développer les liens avec le CESE européen et les CESER en région, soulignant qu’aujourd’hui chacun est un peu isolé.

Autre enjeu, se battre pour que les travaux du CESE restent orientés sur les questions économiques et sociales et ne soient pas trop noyés dans les préoccupations environnementales, compétence attribuée au CESE en 2008.  Les questions environnementales sont importantes, mais elles ne peuvent pas être pensées en dehors et au détriment des questions économiques et sociales, indique Abdallah Moussaoui, attaché du groupe FO au CESE.

La confédération FO ne se réjouit pas non plus de l’institutionnalisation de la participation citoyenne au sein de l’assemblée. L’élargissement du CESE à la participation citoyenne ne doit pas entraîner une dilution de la parole syndicale. Dès que Nicolas Sarkozy avait introduit la possibilité de saisine du CESE par pétition en 2008, FO avait émis une réserve.

Le 18 mai dernier, Yves Veyrier, secrétaire général de FO, a une nouvelle fois fait part à l’AFP de son scepticisme vis-à-vis de la démocratie dite participative, et s’est dit attaché à un CESE qui conserve son rôle consultatif appuyé sur l’expression libre des organisations qui le composent, dont les organisations patronales et syndicales.

Béatrice Clicq pointe aussi le risque que les pétitions citoyennes traitent de sujets ne relevant pas de la compétence des interlocuteurs sociaux. La première pétition reçue par le CESE concernait le mariage pour tous, rappelle-t-elle. Ce n’est pas un sujet syndical, même si nous avons un rôle à jouer pour nous assurer que ces salariés ont les mêmes droits que les autres en entreprise.

Des citoyens tirés au sort ne représentent pas le peuple

Le danger n’est pas seulement celui d’un déséquilibre de représentativité. Jamais le risque d’une instrumentalisation politique du CESE n’a été aussi grand qu’aujourd’hui, estime Serge Legagnoa, secrétaire confédéral FO et président du groupe FO lors de la précédente mandature au CESE. Selon lui, la réforme pourrait mettre à mal la prérogative première du conseil : conseiller le gouvernement et le Parlement par des avis consultatifs, élaborés au-delà des divergences entre organisations syndicales, d’employeurs et monde associatif, dans une perspective d’intérêt général.

Pour FO, qui croit à la démocratie représentative et au mandat, quelques citoyens tirés au sort ne représentent pas le peuple mais seulement eux-mêmes, contrairement aux personnes mandatées. Quant au tirage au sort, il ne garantit nullement que les citoyens sélectionnés soient en mesure de produire un avis apte à éclairer la décision publique. Enfin, l’expression citoyenne peut être dévoyée.

Face à des lobbyistes, on n’a plus la parole citoyenne, estime Abdallah Moussaoui. Ces personnes tirées au sort sont encadrées par des cabinets spécialisés qui retravaillent leur parole. Contrairement à ce qu’on nous présente, ce n’est pas de la démocratie directe mais de la démocratie intermédiée par des professionnels, donc filtrée selon des enjeux qui nous échappent, avec des risques d’instrumentalisation difficilement maîtrisables.

Les membres du groupe FO au CESE accompagnés de l’attaché de groupe Abdallah Moussaoui. © F. BLANC

Les neuf représentants FO au CESE

Pour cette nouvelle mandature du CESE, la confédération FO a désigné neuf conseillers économiques et sociaux, issus de différentes fédérations professionnelles. C’est un groupe paritaire, représentatif de plusieurs domaines d’activité et territoires. L’équipe a été presque entièrement renouvelée puisque seulement trois de ses membres étaient déjà présents lors de la précédente mandature.

 

Béatrice Clicq,
46 ans, secrétaire confédérale chargée de l’égalité et du développement durable, présidente du groupe FO.

Dominique Delaveau,
59 ans, secrétaire générale du syndicat FO-Crédit foncier.

Christine Marot,
63 ans, secrétaire générale du syndicat FO des personnels des préfectures et des services du ministère de l’Intérieur.

Sylvia Veitl,
45 ans, secrétaire fédérale à la Fédération FO de la Pharmacie.

Alain André,
57 ans, secrétaire fédéral à la Fédération nationale Énergie et Mines FNEM-FO.

Sébastien Busiris,
49 ans, secrétaire général de la Fédération des Employés et Cadres FEC-FO.

Serge Cambou,
61 ans, secrétaire général de l’union départementale FO de la Haute-
Garonne.

Gilles Goulm,
54 ans, secrétaire général de FO-Défense.

Jean-Yves Sabot,
55 ans, trésorier de la fédération FO Métaux.

Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération