Chez Airbus, 10 % des 48 000 salariés ont repris la production

Coronavirus / Covid19 par Elie Hiesse

Airbus Bellonte, siege social d’Airbus. © Lydie LECARPENTIER/REA
Article publié dans l’action Coronavirus / Covid19 - Pandémie

FO a sérieusement encadré la reprise du travail depuis le 23 mars, exigeant qu’elle se limite aux activités essentielles et s’exerce dans des conditions sanitaires collectives irréprochables. Pour les salariés confinés, le syndicat exige aujourd’hui le chômage partiel rémunéré à 100 %. Jusqu’à cette fin de semaine, les congés sont utilisés.

Évidemment, le syndicat FO d’Airbus aurait préféré le confinement total des 48 000 salariés du groupe en France. C’est la position qu’il a défendue dès les premières heures de la pandémie. C’est d’ailleurs aussi la première décision prise par le groupe aéronautique : au lendemain de l’annonce de la mise en quarantaine de la population française, il a suspendu la production sur sept sites industriels pour quatre jours, jusqu’au 23 mars.

Alors si FO a signé le 20 mars l’accord d’entreprise préalable à la reprise du travail (comme la majorité des syndicats représentatifs), c’est en pleine responsabilité. Conscient des enjeux, pour la communauté de vie et de travail. En temps normal, le siège toulousain d’Airbus rassemble chaque jour 40 000 salariés, dont 10 000 employés directs.

La responsabilité de la reprise du travail incombe au seul employeur. Mais nous avons pesé de tout notre poids pour garantir le confinement maximal, en rendant le télétravail obligatoire à chaque fois que cela est possible. Dans le cas contraire, nous avons exigé des mesures sanitaires collectives irréprochables, martèle Dominique Delbouis, coordinateur FO à Airbus. Le militant rappelle la difficile ligne de crête à tenir pour trouver les meilleures solutions pour la santé, l’emploi, les salaires. Dans cet ordre, et tout à la fois.

Retour de 10 % des salariés sur la base du volontariat

De fait, l’avionneur européen n’a jamais caché son objectif de continuer à assurer ses activités, même en cas de crise prolongée, pour pouvoir vite rebondir après la pandémie. Les quatre jours de pause dans la production lui ont servi à mettre en place les mesures barrières anti-Coronavirus : adapter les postes de travail pour respecter la distance de sécurité sanitaire, définir les procédures de nettoyage pour éviter la contamination, préparer les mesures et les équipements individuels de protection (blouses, masques, gel hydroalcoolique).

L’avionneur, qui a organisé durant le week-end du 21 et 22 mars un premier pont aérien entre la France et la Chine pour acheminer deux millions de masques de protection achetés pour les hôpitaux (français et espagnols), en a pris aussi pour ses salariés.

Pour autant, la reprise du travail est très partielle, se félicite Dominique Delbouis. Environ 10 % des 48 000 salariés ont retrouvé leur poste de travail sur site. C’était l’objectif de FO que de minimiser le nombre de salariés revenant travailler, à la fois pour garantir leur sécurité et le confinement national le plus efficace possible.

Première ligne rouge, le syndicat a exigé un retour sur la base du volontariat. Pour les salariés en équipes alternées, il a négocié une diminution du temps de travail quotidien de deux heures (avec maintien de l’intégralité du salaire), afin que les entreprises de nettoyage puissent désinfecter environnement et outils de travail avant les nouvelles prises de poste. En pratique, les équipes travaillent six heures d’affilée, avec deux à trois heures d’écart entre elles.

Surtout, le syndicat a bataillé pour faire du télétravail la règle obligatoire, à chaque fois qu’il est organisable. Cela a été l’un des points les plus difficiles à négocier, certains managers étaient tentés de faire revenir un maximum de salariés, précise Dominique Delbouis. Sans surprise, la définition de la notion d’activité essentielle a suscité beaucoup de heurts entre syndicats et direction. La définition n’a pas été simple : activités de sécurité ou de cyber-sécurité, activités permettant d’assurer la continuité industrielle jusqu’à celles participant à la solidité financière du groupe. Poursuivre la production des avions dont le client a confirmé la commande y participe, précise le militant.

Jours non travaillés, un accord socialement responsable

Grâce à l’accord du 20 mars, déjà prorogé par avenant le 26 mars, aucun salarié du groupe n’a perdu de rémunération. Il garantit le maintien intégral du salaire, même la prime d’équipe, reprend Dominique Delbouis, qui qualifie le texte d’accord socialement responsable. Il crée les conditions favorables à la reprise, ce que nous souhaitons tous.

Dans le détail, les heures ou jours non travaillés, entre le 23 mars et le 5 avril, devront être travaillés d’ici le 30 juin 2021 afin de garantir la récupération du retard pris pendant la période de confinement national.

Planifiée par les managers, cette récupération pourra se faire par le rallongement de la journée de travail (de deux heures maximum) pour les équipes en production, mais aussi sur des samedis et/ou des jours fériés (dans la limite de deux heures) pour tous. Dérogation à la durée légale hebdomadaire et aux règles de comptabilisation annuelle des forfaits-jours, cette récupération ne donnera pas droit à majoration horaire. Fin 2020, les salariés pourront racheter trois jours avec leurs congés, en puisant dans les compteurs-temps de leur choix (CP, RTT…).

On ne peut pas gérer toute la crise avec des jours de congés imposés

L’encre de l’avenant est à peine sèche que la négociation est déjà réengagée pour trouver un cadre à la prochaine semaine non travaillée, à la suite de la prolongation du confinement national. On ne peut pas gérer toute la crise avec des jours de congés imposés, s’énerve Dominique Delbouis.

Il appelle la direction à privilégier la pratique contractuelle, coûte que coûte, et met en garde contre la tentation de recourir à la nouvelle ordonnance dérogatoire à la prise de congés. Elle donne tout pouvoir à l’employeur de mobiliser jusqu’à dix jours RTT ou compte épargne-temps, et lui permet d’imposer (sous réserve d’accord d’entreprise ou de branche) six jours de congé payé à ses salariés pendant le confinement.

Problème, Airbus écarte le recours au chômage partiel alors que c’est la solution aujourd’hui privilégiée par FO-Airbus. Le syndicat demande un chômage partiel rémunéré à 100 %, autrement dit un abondement de l’avionneur et le maintien de l’ensemble des rémunérations.

Il est nécessaire de partager les efforts à venir, pose Dominique Delbouis. En clair, les salariés ont déjà pris part à l’effort. Et Airbus ? Réponse d’ici vendredi 3 avril.

Elie Hiesse Journaliste à L’inFO militante