Chez Airbus, FO évite l’application maximale de l’ordonnance dérogatoire sur les congés

Coronavirus / Covid19 par Elie Hiesse

Franck CRUSIAUX/REA
Article publié dans l’action Coronavirus / Covid19 - Pandémie

L’ordonnance dérogatoire sur les congés n’efface pas le Code du travail ! Chez Airbus, le syndicat FO, majoritaire, ne cache pas sa satisfaction d’avoir évité une application maximale de l’ordonnance dérogatoire sur les congés, grâce à l’aide du service juridique de la fédération de la métallurgie.

Alors que l’ordonnance, publiée dans la foulée de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, permet aux employeurs d’imposer jusqu’à trois semaines de congés (10 jours de repos RTT et/ou issus de Compte épargne-temps imposables sans accord auxquels s’ajoute, sous réserve d’accord collectif, une semaine de congés payés), son application sera limitée chez Airbus.

Ainsi, dans un second accord pour répondre à la crise sanitaire, le syndicat, majoritaire dans le groupe aéronautique, limite à deux le nombre de semaines de congés imposables aux salariés. En matière de chômage partiel, il obtient une nouvelle solidarité entre cadres et non-cadres qui assure une équité de rémunération entre les deux populations. Si la société aéronautique pourra imposer uniquement 10 jours de repos et/ou congés payés, le choix du type d’« absences obligatoires » revient aux salariés.

C’est ce qu’entérine l’accord signé le 2 avril par FO ainsi que par deux autres syndicats, et applicable aux 48.000 salariés du groupe en France sur une durée limitée (entre le 6 avril et fin décembre). Et le texte garantit aux travailleurs d’Airbus qu’ils auront quatre semaines de congés payés entre le 1er mai et le 31 octobre, dont deux semaines consécutives minimum pour les vacances d’été. Parmi les salariés confinés, il y a ceux qui ont la chance d’avoir un jardin et ceux qui vivent en famille, à quatre, dans un appartement de cinquante mètres carrés. Il faut qu’ils aient la possibilité de prendre de vraies vacances, martèle Dominique Delbouis, coordinateur FO du groupe.

Bras de fer autour des jours de fractionnement

De l’aveu du militant FO, cet accord sur les mesures complémentaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 compte parmi les plus difficiles que le syndicat ait négocié. Alors que le temps de négociation a été réduit au minimum (72 heures), la pression de l’avionneur a été maximale pour obtenir une application la plus large possible de l’ordonnance dérogatoire sur les congés. Il s’est heurté au refus de FO.

Le syndicat a rappelé l’effort important consenti par les salariés au travers du premier accord, signé le 20 mars, en réponse à la crise sanitaire : celui-ci octroie à Airbus le droit de récupérer (d’ici fin juin 2021) jusqu’à deux semaines de jours non-travaillés entre le 23 mars et le 6 avril. Pour FO, il était inenvisageable d’y ajouter, par accord, trois semaines de congés imposés, appuie Dominique Delbouis.

Pour limiter la volonté d’Airbus, le syndicat, aidé par le service juridique de la fédération de la métallurgie, a fait valoir une disposition du Code du travail sur le fractionnement des congés payés. Lorsque ceux-ci (hormis la cinquième semaine) sont pris en dehors de la période du 1er mai au 31 mai, ils donnent droit à des jours de congés supplémentaires.

Quand l’employeur impose aux salariés une semaine de congés payés avant le 1er mai, il doit leur rendre deux jours de congés dits de fractionnement. A moins que les syndicats acceptent, par accord, de déroger à cette règle. FO a refusé, décrypte Dominique Delbouis.

Résultat, le nombre de jours de repos imposables sera contingenté à dix dans le groupe aéronautique. C’est la stricte application de l’ordonnance, et la limite fixée par le syndicat.

Chômage partiel : FO obtient un traitement identique pour cadres et non-cadres

Un autre bras-de-fer s’est engagé sur le chômage partiel, Airbus refusant de financer un complément pour assurer le maintien à 100% de la rémunération nette (contre 84% selon les dispositions légales). La première proposition d’Airbus était même inférieure à l’accord national de branche du 28 juillet 1998, qui assurait un chômage partiel indemnisé à 100% aux cadres. Une ligne rouge pour FO, tempête Dominique Delbouis.

Exceptionnellement, le syndicat a accepté d’y déroger… pour créer une nouvelle solidarité entre cadres et non-cadres : il a obtenu un abondement de l’entreprise et sa répartition à égalité. En cas de chômage partiel, l’accord garantit aux salariés, cadres et non cadres, une rémunération à hauteur de 92% du salaire net. Une mesure précieuse dans un groupe où les cadres sont majoritaires... Le chômage partiel va concerner peu de cadres. La grande majorité télé-travaillent, pronostique Dominique Delbouis.

Surtout, FO s’est assuré des moyens d’apporter un complément salarial aux deux populations. Pour les non-cadres, le syndicat a obtenu une prime-repas de 9 euros par jour travaillé sur site en raison de la fermeture des restaurants d’entreprise, avec effet rétroactif au 17 mars. Comme l’accord garantit, en cas de chômage partiel, un roulement entre les non-cadres pour travailler, tous pourront prétendre partiellement à cette prime. Pour les cadres, impactés par le chômage partiel, le syndicat a obtenu une clause de revoyure sur la rémunération. Cet accord va nous permettre de mettre en place sereinement le chômage partiel le moment venu, estime le coordinateur FO. Le moment se précise : Airbus a annoncé, la semaine dernière, réduire d’un tiers ses prévisions de production 2020.

Elie Hiesse Journaliste à L’inFO militante