Luxe durable, éco-design, politique ambitieuse sur les congés parentaux : le groupe Kering, deuxième plus grand groupe de luxe au monde derrière LVMH, se targue d’être un acteur en pointe sur la responsabilité sociale des entreprises. Mais dans cet océan de vertu affichée, une société fait tâche. Chez Alexander McQueen, où FO est le syndicat majoritaire, voilà un an que des points de vente – aux Galeries Lafayette, au Printemps, au Bon marché ou encore à la Samaritaine – ferment les uns après les autres sans que les élus du personnel soient informés de l’orientation stratégique justifiant ces décisions.
On subit,
Après la fermeture du stand Alexander McQueen du grand magasin parisien Printemps en mai, les salariés ont été transférés vers La Samaritaine et Le Bon marché – avant de s’entendre dire aujourd’hui qu’ils sont en sureffectifs et doivent désormais aller travailler à Marne-la-Vallée (Seine-et-Marne).
Concurrence déloyale
Quand la direction a déplacé les salariés une première fois, ne savait-elle pas qu’il allait y avoir des fermetures un mois plus tard ?
, questionne Carole Prioult, secrétaire du syndicat F0 des Employés et Cadres du Commerce de Paris. De quoi alimenter les inquiétudes des salariés restants, d’autant plus que leurs représentants, maquant d’informations, sont dans l’incapacité de les éclairer. C’est de la maltraitance au travail, pendant que le groupe Kering se vante de sa bienveillance envers les salariés
, assène Dominique Morvan. Alexander McQueen, on dirait le vilain petit canard du groupe Kering,
Dans les grands magasins, les stands Alexander McQueen visés peinaient à remplir les objectifs qui leur avaient été assignés – sans que leurs résultats soient pour autant catastrophiques. Le personnel subissait de la concurrence déloyale,
Baisse d’effectifs inexpliquée
En décembre 2023, nous étions 76 salariés Alexander McQueen France. Aujourd’hui, nous ne sommes plus que 56,
Le délégué s’interroge sur d’éventuels licenciements économiques déguisés
en ruptures conventionnelles, et demande le retour d’un vrai dialogue social
basé sur le respect des obligations légales de sa direction.
Un simple retour à des bases saines, que la DRH d’Alexander McQueen accueille pourtant comme une démarche hostile. Elle nous accuse de poursuivre un but de déstabilisation
, déplore Dominique Morvan. Ces personnes ont de plus en plus recours à des techniques de culpabilisation,
Cette tension vient aggraver la dégradation du climat de travail, marqué par un management à distance qui accroît la pression et par la pratique des commissions touchées sur les ventes. Alexander McQueen a une politique d’entreprise assez particulière, où les employés ont un salaire de base mais surtout d’énormes commissions en fonction du nombre de ventes,
!
Des doutes sur l’avenir de la marque
A plus long terme, les militants FO s’inquiètent de la pérennité de la marque. Je ne comprends pas la stratégie de l’entreprise et j’ai peur que ça n’aille pas en s’arrangeant
, résume Dominique Morvan. Si l’entreprise n’est actuellement pas en danger sur le plan économique, les difficultés pourraient vite survenir comme ailleurs dans le commerce, rappelle Carole Prioult : Cette situation pourrait constituer les prémices d’un échec. Ça ne se passe pas bien pendant quelque temps, puis on coule.
Si le prêt-à-porter de luxe n’est à ce jour pas sujet à l’hécatombe qui touche le milieu de gamme, certaines enseignes haut-de-gamme commencent à connaître des tourments, comme la marque de chaussures Arche, placée en redressement judiciaire en février.
Chez Alexander McQueen, l’inquiétude est d’autant plus présente qu’aucune voie de développement n’a récemment été présentée au CSE en parallèle des fermetures et de la baisse d’effectifs. On a l’impression qu’ils ne font rien en matière d’orientation stratégique pour faire grossir la société
, conclut Carole Prioult. Contre un dépeçage à petit feu de leur entreprise, les salariés exigent d’être informés et associés aux décisions concernant leur avenir.