Chez Décathlon, 85% des produits sont connectés

Consommation par Clarisse Josselin

Le distributeur d’articles de sport est le premier de la grande distribution à avoir généralisé les étiquettes RFID sur ses produits. Malgré quelques améliorations des conditions de travail, FO émet des craintes sur l’emploi, la santé des salariés et les libertés individuelles.

En matière de nouvelles technologies, Oxylane, maison-mère de Décathlon, est en pole position. Après plusieurs années de tests, la chaîne de distribution d’articles de sports est la première enseigne française à déployer l’étiquetage RFID sur les produits vendus en magasin en remplacement des codes barres.

Depuis le printemps dernier, 85 % des articles distributeur sont connectés et l’objectif est d’atteindre 100% des produits d’ici 2015. Les puces RFID sont intégrées en usine sur les étiquettes internes ou externes puis encodées. Décathlon souhaite aussi que tous les fournisseurs, comme Nike ou Adidas, suivent le mouvement.

Chaque puce, interrogeable à distance, contient un identifiant unique et toutes les informations sur le produit : modèle, prix, taille, coloris… À partir de 2015, elle devrait aussi fournir des données sur la traçabilité de chaque produit, le livret d’entretien, des conseils d’utilisation, des informations sur le recyclage…

Ce bond technologique a un coût : de 5 à 10 centimes l’étiquette connectée suivant le modèle. Mais le groupe espère rentabiliser cet investissement en augmentant sa productivité et ses ventes. Car la RFID a des effets sur tous les maillons de la chaîne. En logistique, la gestion des palettes est facilitée. En magasin, le passage en caisses est accéléré. Il n’est plus nécessaire de scanner chaque code barre puisque tous les produits sont immédiatement détectés à distance et le prix s’affiche automatiquement. Idem pour les inventaires qui deviennent plus fréquents.

« C’est beaucoup plus facile qu’avant, il suffit de marcher dans les rayons avec une douchette à la main, et on scanne 50 produits d’un coup dans un rayon de 2 m2, explique le délégué FO et élu au CE et au CHSCT à Bron, dans la banlieue de Lyon. De gros portiques RFID vont même être mis en place dans les nouveaux magasins. Tous les jours ou toutes les semaines, ils scanneront automatiquement l’ensemble de la surface. »

Une meilleure connaissance des produits en rayon permettra d’améliorer le réassort, donc d’augmenter les ventes. Ces nouvelles étiquettes connectées devraient aussi réduire le nombre de vols.

Scan automatique de tout le magasin

La RFID est systématiquement désactivée en caisse, une fois le paiement effectué. Et le groupe se prétend vigilant sur le respect des données personnelles. Mais les clients ne sont pas spécialement informés de la présence de puces dans leurs vêtements.

« La puce est désactivée dès l’achat effectué, mais elle reste réceptive, s’inquiète le délégué FO. À la sortie du magasin, le portique ne sonne pas, mais une lumière s’allume. Ça pose la question de la traçabilité et des libertés individuelles. Imaginez à l’avenir un écran publicitaire ciblé qui vous dise "Votre t-shirt Décathlon a déjà deux ans, il serait temps d’en changer et nous avons sorti de nouveaux coloris qui pourraient vous plaire." » 

Pour l’instant la puce est intégrée à l’étiquette et peut être enlevée. « À terme elle sera dissimulée dans les coutures des vêtements ou moulée dans le plastique des objets, et ce sera plus dur de s’en débarrasser », ajoute-t-il.

Le délégué FO se montre vigilant en matière d’emploi. Avec la RFID, il craint la généralisation des caisses automatiques avec un seul vendeur par îlot de quatre bornes. Il s’inquiète aussi des effets des ondes émises par les portiques sur la santé des salariés.

Selon une expertise commandée par la direction, la multiplication des puces n’est pas dangereuse car elles sont inertes. Et l’émission d’ondes lors du scannage de tout le magasin par le portique reste inférieure aux normes imposées en France. « La RFID ne semble pas plus dangereuse que le wi-fi mais on n’a pas de recul, on est précurseurs », ajoute-t-il.

Les salariés de Décathlon ne resteront certainement pas longtemps isolés. Après ce test à grande échelle, cette technologie pourrait prochainement être développée dans d’autres enseigne du groupe Mulliez comme Kiabi ou Leroy Merlin.

Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante