Chez IKEA France, FO exige une revalorisation salariale

InFO militante par Elie Hiesse

© Ashish Vaishnav / SOPA Images/ZUMA/REA

Les débrayages ponctuels s’enchaînent dans les magasins de l’enseigne suédoise, engagés depuis le 8 décembre dans un mouvement national de contestation. Les personnels protestent contre l’absence de primes en 2020 et la dégradation des conditions de travail dans le cadre de la digitalisation à marche forcée de l’activité. Pour FO, l’investissement des salariés exige une revalorisation salariale.

Au tour d’Ikea Saint-Herblain ! Les drapeaux FO se sont levés, vendredi 18 décembre, devant le magasin de la périphérie ouest de Nantes (Loire-Atlantique). Dès 14 heures et pendant deux heures, 70 salariés sur les 110 présents dans l’établissement ont rejoint le piquet de grève monté par le syndicat (ici première organisation) pour protester contre l’absence totale de primes cette année.

Zéro euro de participation, zéro euro de bonus : cette austérité inédite depuis l’arrivée en France en 1981 du géant suédois de l’ameublement (11.300 salariés aujourd’hui) ne passe pas. Le nombre de grévistes montre combien le mécontentement est généralisé. Des collègues qui n’ont pas pour habitude de revendiquer, ni n’avaient jamais exprimé de sympathies particulières envers quelque syndicat que ce soit, ont répondu à l’appel de FO, constate Sébastien Poinson, délégué FO d’Ikea Saint-Herblain.

En dix jours, plus de trois magasins sur quatre ont débrayé

Depuis que le magasin de Paris-Nord à Roissy (Val d’Oise) - le premier ouvert en France – a débrayé le 8 décembre, quelques heures dans l’après-midi, les arrêts de travail s’enchaînent dans les différents établissements de l’enseigne, portés, selon les implantations, par FO ou d’autres syndicats. En dix jours, sur les 34 magasins de l’Hexagone, plus de trois sur quatre ont vu s’ériger un piquet de grève, certains regroupant une poignée de salariés quelques heures, d’autres contraignant à la fermeture des portes. Comme au magasin de Franconville (Val d’Oise) le samedi 12 décembre.

Pour l’instant, le 12 décembre a été la plus grosse journée d’expression du mécontentement. Dix-huit établissements, au total, ont débrayé au cours de la journée. Les jours suivants, ceux de Rouen, Caen, Mulhouse, Dijon ont rejoint le mouvement. Même le siège social à Plaisir, dans les Yvelines, a été touché le 17 décembre, comptabilise Sébastien Heim, délégué syndical central FO. Ce lundi 21 décembre, le magasin de Mulhouse a même débrayé pour la deuxième fois en six jours.

Tant qu’Ikea France persistera à ne pas reconnaître à leur juste valeur l’investissement des salariés, le mouvement continuera. Jusqu’en janvier s’il le faut !, assure le DSC FO, soulignant la demande d’une revalorisation salariale.

La surprise d’une participation nulle

L’annonce que la prime de participation 2020 serait nulle, pour cause d’absence de bénéfices, a mis le feu aux poudres. Cela a été une surprise. Évidemment, on ne s’attendait pas à toucher une prime de 1.800 euros, comme certaines années, mais au moins 600-800 euros, commente Sébastien Poinson, DS FO d’Ikea Saint-Herblain.

D’autant que le groupe a largement communiqué sur sa solidité dans la crise. Au point d’annoncer, dès juin, qu’il rembourserait les aides perçues dans le cadre des dispositifs mis en place dans plusieurs pays pour rémunérer ou aider les salariés en activité partielle. En France, l’enseigne n’a pas demandé d’aide de l’État, et a payé intégralement les salariés placés en activité partielle.

Et de fait, sur son dernier exercice (du 1er septembre 2019 au 31 août 2020), Ikea France a enregistré un repli très limité de son chiffre d’affaires (2,8 milliards d’euros, en recul de 7 %) si l’on considère les dix semaines de fermeture des magasins et le mois de fermeture de son site internet. A cela, une explication : l’explosion de 44 % des ventes en ligne, qui représentent désormais 15,4 % du chiffre d’affaires (contre 10 % l’année précédente).

Rien pour les salariés mais 75 millions d’euros de dividendes versés

Dans ce contexte, la présentation d’un résultat négatif de 37 millions d’euros, en chute de 37 %, pour ce dernier exercice étonne le comité social et économique central (CSE-C), explique Sébastien Poinson, son secrétaire. Le CSE-C a demandé la transparence sur les chiffres (n’étant pas introduit en bourse, le groupe Ikea n’y est pas obligé, ndlr) et, pour commencer, une présentation détaillée du dernier exercice financier. La direction s’est engagée à la faire en février 2021.

Le CSE-C a obtenu une présentation des modalités de calcul de la participation, pour comprendre comment les évolutions à la hausse ou à la baisse de chacun des éléments impactaient le montant de la prime. Ces quatre dernières années, Ikea France n’a cessé d’augmenter ses capitaux propres, ce qui minore le montant de la participation, pointe Sébastien Poinson. A cette occasion, le CSE-C a découvert qu’Ikea France a remonté, sur le dernier exercice, 75 millions d’euros à la maison-mère, au titre des dividendes, soit le double des pertes de l’année. Ikea France se donne une image d’entreprise solidaire, en ne prenant pas les aides de l’État, préserve ses intérêts financiers et... fait payer la facture aux salariés !, résume Sébastien Poinson.

Digitalisation à marche forcée

L’absence de participation n’est pas anodine : même diminuée ces dernières années, la prime de participation restait un complément financier important pour les salariés dans cette entreprise, où le salaire moyen est 8 à 10 % plus élevé que le Smic. Par ailleurs, en septembre, la direction a annoncé qu’il n’y aurait pas de bonus (prime sur objectifs, ndlr), rappelle Sébastien Poinson.

FO pointe aussi la dégradation des conditions de travail dans le cadre d’une digitalisation à marche forcée de l’activité : depuis le premier confinement, les salariés ont basculé, de plus en plus nombreux, dans la préparation de commandes pour le Cliquez et emportez (en hausse de 66%) et pour la vente en ligne (en hausse de 44%). Les vendeurs ont renforcé les logisticiens. Or, ce n’est pas leur métier, et il faut voir dans quelles conditions ils ont travaillé. Le Cliquez et emportez a été adapté dans l’urgence avec une livraison en drive sur les parkings. Certains vendeurs se sont retrouvés à préparer, puis à transporter en chariot sur le parking, tous les cartons d’une cuisine en kit, dénonce Sébastien Heim, DSC FO.

Malgré la peur que les protocoles sanitaires ne protègent pas de la contamination, les salariés se sont retroussés les manches. Pour quel résultat ? L’absence de reconnaissance financière tient du mépris, renchérit Sébastien Poinson, DS FO d’Ikea Saint-Herblain. Ici, le service logistique a reçu, à l’issue du premier confinement, une carte-cadeau de 100 euros, à dépenser uniquement chez Ikea.

Elie Hiesse Journaliste à L’inFO militante

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