Chez Stellantis, FO à la manœuvre pour défendre l’emploi

InFO militante par Elie Hiesse, L’inFO militante

© Andre M. Chang/ZUMA Press/ZUMA/REA

Suite à la décision du constructeur d’engager un plan de 2 600 départs volontaires sur 2022-2023, FO demande des embauches sur les sites industriels pour soulager les équipes en sous-effectif, et mieux préparer la transition énergétique. A Douvrin (Pas-de-Calais), elle a pesé dans la négociation d’un dispositif d’accompagnement social sécurisé des salariés travaillant sur le thermique.

Retour à la taille d’avant-pandémie pour l’usine Stellantis de Mulhouse (Haut-Rhin) ! Alors que la mise en place d’une deuxième équipe de jour était en train d’être finalisée (avec 850 salariés dont 750 intérimaires), le constructeur automobile a annoncé le 24 janvier la création d’une équipe de nuit, pour mars, via le recrutement de 800 intérimaires, complété par quelques retours de salariés qui avaient été « prêtés » à d’autres sites et des transferts provisoires d’autres usines (pour une cinquantaine de postes). Le succès commercial de la nouvelle Peugeot 308 thermique porte le site alsacien, dont la production était tombée à 65 000 véhicules en 2021 (après 50 000 en 2020 et 230 000 en 2019), sous l’effet conjugué de la crise sanitaire, de la pénurie de semi-conducteurs et de l’arrêt de la fabrication de la Peugeot 2008.

L’annonce est donc une bonne nouvelle pour l’emploi, alors que la transition énergétique et ses conséquences marquent, chaque jour un peu plus, les décisions du groupe, né de la fusion en 2021 de PSA et de Fiat Chrysler (400 000 salariés dont 45 000 en France). Au nom de la transition technologique que nous devons accompagner, Stellantis a annoncé en effet, le 8 février, sa décision de reconduire l’accord 2021 de rupture conventionnelle collective (RCC), cette fois pour deux ans.

2 600 départs volontaires entre 2022 et 2023

Son plan ouvrirait une possibilité de départs volontaires à 1 300 salariés par an, entre 2022 et 2023, soit 2 600 salariés au total. Le chiffre est similaire à la moyenne annuelle des départs volontaires depuis 2008. Pour l’instant, la transition énergétique n’amplifie pas le volume de départs, mais elle ne les arrête pas. On sait que, demain, il faudra moins de monde pour construire une voiture électrique, commente Olivier Lefebvre, délégué syndical central FO de Stellantis, qui a aussitôt demandé des embauches sur les sites industriels pour améliorer les conditions de travail. Le sous-effectif actuel est amplifié par la pandémie, car la direction n’a pas anticipé l’important taux d’absentéisme, précise le militant. Il est tel que, sur certains sites, les chefs d’équipe et les moniteurs, dévolus à l’encadrement de proximité, ont pris place sur les lignes.

Pour FO, première organisation syndicale du groupe, ces créations d’emplois sont cruciales aussi pour donner aux salariés le temps de se tourner vers les nouvelles technologies et de se reconvertir. La pression sur l’activité, du fait de l’échéance rapprochée de la transition énergétique, est énorme. Il faut travailler sur le thermique et l’électrique en même temps, mais on ne peut pas dédoubler les salariés !, souligne Olivier Lefebvre, qui fut pilote du groupe de travail créé, dès 2018, par FO Métaux pour anticiper les conséquences de la transition énergétique, à raison d’une réunion mensuelle avec les syndicats de toute la filière (constructeurs, équipementiers, transporteurs routiers). On n’imaginait pas que l’électrification irait aussi vite, explique-t-il.

Menaces à moyen-terme sur l’emploi

La fin programmée de la vente des véhicules neufs thermiques (essence et diesel) en 2035, annoncée l’été dernier par la Commission européenne, met le constructeur sous pression. Le directeur général de Stellandis, Carlos Tavares, a encore expliqué, le 18 janvier à la presse, que sans transition progressive [vers le tout-électrique, NDLR], les conséquences sociales seront majeures. L’électrification est la technologie choisie par les politiques, pas par l’industrie, a-t-il rappelé. Un plaidoyer pour défendre au-delà de 2035 la fabrication des voitures hybrides (classiques ou rechargeables), hier encore perçues comme des voitures de « transition » vers le tout-électrique, alors que la France vient de prendre la présidence du conseil de l’Union européenne.

Il faut plus de temps pour que les usines de fabrication de moteurs, de boîtes de vitesses et les fonderies puissent s’adapter, souligne de son côté le militant FO. Dans cette marche forcée vers l’électrique, 3 600 salariés de Stellantis ont changé de poste en 2021 selon la direction.

A Stellantis Douvrin, un dispositif d’accompagnement pour les salariés du thermique

Dans l’immédiat, à l’usine Stellantis de Douvrin (1 378 salariés) dans le Pas-de-Calais, FO a pesé de tout son poids dans la négociation du dispositif d’accompagnement social sécurisé des salariés, fabriquant actuellement des moteurs thermiques, vers la future usine de batteries pour voitures électriques ACC (créée par Stellandis et TotalEnergies). Elle doit entrer en production en 2023, juste à côté, sur la commune de Billy-Berclau. L’usine Stellantis est la seule du groupe à produire le moteur EP, un quatre-cylindres essence équipant les modèles hybrides rechargeables haut de gamme de Peugeot, Citroën, DS.

Au terme de l’accord triennal, qui est mis à signature jusqu’à mi-février et prévoit 620 mobilités d’ici à 2024, la « passerelle » vers ACC est accessible à tous les salariés, même ceux sur les métiers en tension. Elle repose sur un parcours de formation individualisé, garantit le maintien du salaire de base et prévoit, outre une incitation financière à la mobilité, diverses primes compensant en partie la disparition de l’ancienneté dans le transfert (indemnité de départ à la retraite au prorata de l’ancienneté dans l’entreprise et une compensation —sur trois ans— de la prime d’ancienneté, des congés d’ancienneté et de la perte des jours d’annualisation).

Notre ligne rouge, c’était le maintien du salaire de base et qu’aucun salarié ne reste sur le carreau, ce qui suppose des formations individualisées. Nous avons eu gain de cause. FO refuse que les salariés subissent la transition énergétique. Si besoin, nous négocierons d’autres accords comme celui-ci, indique Olivier Lefebvre. Pour le DSC FO de Stellantis, l’innovation technologique doit aller de pair avec le maintien de l’emploi.

Elie Hiesse Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération