Chez Valeo, la mobilisation pour les salaires

Actualités par Thierry Bouvines, L’inFO militante

Gilles ROLLE/REA

Grâce à une mobilisation inédite des salariés, orchestrée par une intersyndicale dans laquelle FO prend toute sa part, la direction de Valeo est contrainte de revoir ses propositions salariales à la hausse.

1,8%, puis 2% puis 2,8%. Sous la pression, la direction de Valeo relève progressivement ses propositions salariales. La dernière connue -le 22 février-, pose la barre à 2,8%. Nous commençons à négocier à partir de +2,8% -ce qui ne fait que compenser l’inflation- mais nous demandons +3,5%, précise Bertrand Bellanger, coordinateur FO chez l’équipementier automobile. La dernière réunion doit se tenir le 8 mars, chaque société de Valeo disposant de son propre calendrier de négociation.

Démarrées il y a un peu plus de deux semaines, les négociations annuelles obligatoires (NAO) chez le dixième équipementier mondial ont permis de faire bouger les positions de la direction. Il faut dire que l’intersyndicale, à laquelle participe FO, n’a cessé de maintenir la pression. Celle-ci a culminé le 22 février avec un appel à un débrayage généralisé. Une première dans l’entreprise, qui emploie 15 000 salariés en France. Le débrayage a été un succès, se réjouit Bertrand Bellanger : 4 000 salariés ont fait grève pendant une heure aux alentours de midi.

Déjà, la mobilisation porte ses fruits

Mais le travail des syndicats avait commencé dès avant Noël, avec des messages forts adressés à la direction, raconte Bertrand Bellanger. Ces derniers lui ont notamment rappelé que les salaires ont été gelés l’année dernière, à la suite d’un accord de performance collective signé notamment pas FO (lire encadré). Et que la situation de l’entreprise n’est pas si mauvaise que ne le laissaient craindre la crise sanitaire et celle des composants électroniques. D’ailleurs Valeo se vante de n’avoir arrêté de fournir aucun constructeur, rappelle le militant.

Les premières propositions salariales de la direction (1,8%, puis 2%) ont été jugées indécentes par l’intersyndicale, au regard du niveau de l’inflation et des efforts consentis par les salariés l’année dernière. Dans un tract du lundi 21 février, les syndicats ont alors appelé à un débrayage d’une heure, par poste. Rendez-vous à l’entrée de l’usine ou en visioconférence pour les télétravailleurs. Le tract part à 8 heure du matin ; 40 minutes plus tard, la direction organise une visioconférence avec les quatre organisations syndicale représentatives, au cours de laquelle le directeur délégué ressources humaines nous dit qu’il a entendu notre message, raconte Bertrand Bellanger.

La proposition de la direction passe à 2,8% dès le mardi. Après un débrayage d’une heure, c’est un bon résultat, commente le coordinateur FO. La mobilisation des salariés a fait son effet. Le 23 février, l’intersyndicale précise ses revendications. Ce sera désormais 2,8% d’augmentation générale avec un minimum de 100 euros pour les salaires jusqu’à 3 500 euros ; un budget à part pour réduire les écarts de rémunération hommes-femmes ; une clause de revoyure au 1er juillet 2022. Pour appuyer leurs demandes, les syndicats ne relâchent pas la pression. L’appel au débrayage, qui a bien fonctionné la première fois, est maintenu mais selon une formule plus souple afin de faciliter la participation : Une heure de débrayage sur un des jours de la semaine à partir du 1er mars, explique Bertrand Bellanger.

Dans un tract du 28 février, les syndicats ont fait savoir qu’ils n’annonceront aucune intention de signature avant que toutes les réunions prévues dans toutes les sociétés qui composent Valeo ne se soient tenues. Certaines sociétés négocient en effet en deux réunions quand d’autres négocient en trois réunions. C’est une difficulté pour les syndicats. Car la direction fait valoir qu’elle n’ira pas au-delà de 2,8% dans les sociétés qui ont négocié en deux réunions, explique le militant. Ce qui priverait de fait leurs salariés des avancées obtenues ultérieurement. Les négociations ayant lieu, donc, par société, les signatures de FO dépendront des contextes locaux et de ce qui aura été négocié.

Le compromis de 2020 pour protéger les salariés



En septembre 2020, dans le cadre d’un APC, deux syndicats de Valeo, dont FO, ont été amenés à signer une série d’accords, avec pour objectif de protéger les salariés face aux mesures menaçant d’être dévastatrices et brandies tel un ultimatum par la direction. Par ces accords, celle-ci s’est engagée à ne fermer aucun site jusqu’en septembre 2022 ; à n’engager aucun PSE ; et à allouer de l’activité aux sites qui rencontreraient un trou d’air. Ainsi, le site d’Angers a bénéficié d’un rapatriement d’activité depuis la Roumanie, explique Bertrand Bellanger, coordinateur FO de Valeo. Les syndicats ont obtenu le maintien de 80% du salaire brut en cas de chômage partiel (contre 70% légalement). Une précaution bienvenue en période de crise sanitaire et de crise des composants électroniques. Mais la contrepartie était un gel des salaires pendant un an et de l’intéressement pendant deux ans.

FO et les syndicats n’étaient évidemment pas demandeurs de tels sacrifices. La direction voulait faire 100 millions d’économies et nous avait prévenus que s’il n’y avait pas d’accord sur le sujet, elle dénoncerait tous les accords d’entreprise, rappelle le militant. Pas de chantage à l’emploi, donc, mais un risque sur les conditions de travail. Il fallait un compromis car la direction ne plaisantait pas, explique le coordinateur FO.

En interne, le choix de signer a été parfois vécu douloureusement. Ces accords nous coûtaient beaucoup car nous supportions la moitié des 100 millions d’économies, rappelle Christophe Legros, délégué FO chez Valeo thermiques. Christophe Legros reconnaît cependant qu’il fallait signer car d’une part le risque de dénonciation de tout le paquet social par la direction était réel, et d’autre part le maintien de 80% du salaire en cas d’activité partielle était protecteur.

Thierry Bouvines

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération

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