Alors que l’information-consultation du CSE (comité social et économique) de Ferropem, sur la suppression des 351 emplois des usines de Livet-et-Gavet (Isère) et de La Léchère (Savoie), a débuté depuis trois mois, les salariés restent mobilisés, comme jamais, pour le maintien de leurs emplois. A l’initiative de FO, ils ont appelé toutes les forces vives
des vallées de Romanche (Isère) et de la Tarentaise (Savoie), où sont situés les deux sites de production de silicium, à les rejoindre ce mercredi 14 juillet à 10 heures à proximité du château de la commune de Vizille (Isère), qui est le berceau de la Révolution française.
Avec l’accord du Conseil départemental de l’Isère et du maire de Vizille, présent dans la manifestation, ils l’ont pris d’assaut symboliquement (en gravissant ses escaliers) pour dénoncer l’attitude des actionnaires du groupe hispano-américain Ferroglobe (dont Ferropem est une filiale), qualifiés d’affameurs des temps modernes
. C’est un drame économique et social qui peut se dérouler si on ne réussit pas à les faire reculer.
ont indiqué aussi bien les représentants des salariés des deux sites, que les conseillers départementaux et maires présents lors des prises de paroles sur les escaliers du château.
Les salariés se battront jusqu’au bout
Dans le préambule de notre actuelle Constitution, figure le droit d’avoir un emploi. Ce droit est battu en brèche par nos actionnaires qui portent un coup fatal à la vie économique de deux vallées, sans réelle justification ni prendre aucun gant. Ils vont les transformer en champ de ruines !
, dénonce Mourad Moussaoui, délégué syndical central FO, organisation ultra-majoritaire sur le site Les Clavaux
à Livet-et-Gavet (87% de représentativité).
Au motif d’une perte de compétitivité
des deux usines - ce que contestent FO et toutes les organisations syndicales-, Ferroglobe a annoncé fin mars leur mise sous cocon
, c’est-à-dire leur mise à l’arrêt avec licenciement de l’ensemble des salariés (221 à La Léchère et 130 à Livet-et-Gavet), tout en indiquant que… les productions pourraient être relancées en 2023-2024 ! Or il ne reste que 6 usines en France de silicium, élément indispensable aux filières de l’aéronautique, électronique, automobile entre autres et présent dans de nombreux composants du quotidien (smartphones, hôpitaux, etc). Les usines de Savoie et d’Isère sont indispensables pour l’économie française et européenne. Elles sont parmi les dernière en Europe. Elles sont concurrencées par le silicium chinois. Les fermer, c’est mettre en difficulté l’indépendance de nos industries.
Les salariés se battront jusqu’au bout pour défendre leur emploi, pour rester visibles et pour que les pouvoirs publics s’emparent pleinement du dossier. Ils ne comprennent pas cette décision qui aura un impact considérable sur les bassins d’emploi locaux, si l’on prend en compte tous les emplois dépendant des sites. Leurs usines produisent du silicium, qui est un produit d’avenir, utilisé dans les nanotechnologies ou dans la fabrication de panneaux photovoltaïques
, renchérit Philippe Beaufort, secrétaire général de l’Union départementale FO de l’Isère, qui soutient sans réserve la mobilisation et a appelé tous les militants FO des deux vallées alpines à la rejoindre.
Bleus de travail et costumes d’époque
Rendez-vous a donc été donné, ce mercredi 14 juillet en matinée, square de la Révolution à Vizille, pour une manifestation combative mais aussi festive
, assure Mourad Moussaoui. Les salariés de Ferropem, les uns en bleu de travail, les autres en costumes d’époque munis de faucilles (fictives), ont, ensuite, marché sur
le château de Vizille pour simuler son assaut.
Une action hautement symbolique : c’est dans ce château, situé à vingt kilomètres à peine du site Ferropem de Livet-et-Garret, que s’est tenue en juillet 1788 l’Assemblée de Vizille
, la célèbre réunion des états généraux du Dauphiné. Neuf mois avant la convocation des États généraux de 1789 à Versailles, elle fût le prélude à la Révolution française. Prise de la Bastille, abolition des privilèges féodaux et de la monarchie, Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, les événements qui ont inventé de nouveaux rapports sociaux font l’Histoire.
Deux cents ans après, il existe malheureusement toujours des privilégiés qui, comme les actionnaires de Ferroglobe, n’hésitent pas à sacrifier des centaines d’emplois après avoir largement bénéficié des aides publiques. Ils sont les affameurs des temps modernes. Notre action symbolise cette nouvelle Bastille à prendre
, martèle le délégué syndical central FO. Sur la banderole déployée par les salariés, exigeant le maintien de tous les emplois, cette bastille
est clairement désignée, par une photographie du siège social de Ferroglobe, à Madrid en Espagne. A l’issue de la manifestation, qui s’est achevée par un verre de l’amitié avec leurs soutiens, les salariés se sont transformés en choristes, pour rendre hommage à la Révolution française et à la lutte sociale
.
Le processus d’information-consultation est dévoyé
Cette cinquième mobilisation des salariés de Ferropem, depuis l’annonce de l’arrêt de la production, intervient à un moment décisif du processus d’information-consultation du CSE sur les projets de mise sous cocon
des deux sites et de licenciement. Débutée mi-avril, la procédure doit s’achever le 7 octobre, une augmentation du délai de consultation ayant été obtenue grâce à la signature d’un accord majoritaire. Sauf que, dénonce Mourad Moussaoui, le processus d’information-consultation est dévoyé. La direction nous donne aujourd’hui des informations contradictoires et incohérentes, comparé aux documents initiaux. Quant aux négociations, notamment sur les mesures d’accompagnement des salariés, elles sont enlisées. Les propositions sont proprement minables. Le temps passe et rien ne se concrétise
.
Déjà les arguments de la direction n’ont cessé d’être contredits par les faits. Ainsi, sur le site de Livet-et-Garet, accusé de ne pas être compétitif, le principal client, donné partant il y a quelques mois, a passé une nouvelle commande, contraignant la direction à repousser la date prévue d’arrêt de la production, au moins jusqu’en novembre prochain. Et l’arrivée au printemps d’un ingénieur – réclamée de longue date par FO qui dénonçait les erreurs de management
– a permis d’optimiser le processus de production et de baisser en cinq mois
les coûts de 22%, de 1.820 à 1.426 euros par tonne de silicium
, rappelle le militant FO, pour qui la direction a de plus en plus de mal à justifier son plan social
. Dans ce contexte, la mobilisation du 14 juillet est tout sauf symbolique.
Fermer les usines est contradictoire avec les annonces de relocalisation faites par le président de la République et le gouvernement.
C’est ce que diront les représentants des salariés qui ont rendez-vous, avec ceux des deux autres syndicats, à Bercy, au cabinet de la ministre déléguée à l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher, le 23 juillet. Celui-ci a promis d’agir à Bruxelles, pour que soient assouplies les règles européennes en matière de coût de l’énergie (qui représente 30% du prix de revient du silicium) et que soient renforcées les barrières douanières anti-dumping, sur le métal chinois. D’ores et déjà, une nouvelle action des salariés de Ferropem est envisagée.
En septembre, une délégation irait planter la banderole Sauvez nos emplois
, cette fois au sommet du Mont-Blanc.