Chômage : bataille des chiffres et de communication

Economie par Valérie Forgeront

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Quels sont les vrais chiffres du chômage ? Le débat s’est réinstallé au cœur de l’été. Certains retiennent les données de Pôle emploi basées sur le nombre d’inscrits. D’autres, tel l’exécutif, préfèrent celles de l’Insee établies au sens du BIT (Bureau international du travail), selon enquête auprès d’un panel de français. Pour l’Insee, un chômeur est quelqu’un qui n’a pas travaillé dans le mois, est en recherche active d’un emploi et est disponible immédiatement. Les méthodes de calculs des deux structures sont donc radicalement différentes et les résultats obtenus tout autant.

L’Insee a annoncé à la mi-août que pour le 2e trimestre 2019, le chômage était en recul de 0,2 point à 8,2% (près de 2,4 millions de personnes) de la population active métropolitaine (8,5% en comptant l’outre-mer hors Mayotte…, où le taux de chômage s’élève à 35% de la population active).

Le chômage a atteint « son plus bas niveau depuis 2009 » en France (avec une population active de 29,7 millions de personnes) indique l’Insee. Entre les 2es trimestres 2018 et 2019, le chômage a reculé de 0,6 point. Sur un an, le chômage des jeunes (15-24 ans) recule de 1,5 point et celui des jeunes femmes de 1,8 point. Le chômage des « seniors », les 50 ou plus (530 000 personnes) est lui en recul de 0,2 point. Autant dire stable. Le chômage de longue durée (913 000 personnes) n’affiche lui pas de recul notable. Il concerne 3,2% de la population active, n’a diminué que de 0,1 point depuis le 1er trimestre 2019 et de 0,4 point sur un an.

Au-delà de ces chiffres, il faut prendre en compte d’autres données souligne l’Insee, celles afférentes aux personnes se situant dans le halo du chômage. Ce halo « augmente nettement au deuxième trimestre mais est stable sur un an » indique encore l’institut en précisant qu’en France métropolitaine « parmi les personnes inactives au sens du BIT, 1,5 million souhaite un emploi sans être considérées au chômage : elles constituent le halo autour du chômage. Leur nombre augmente de 63 000 entre les premier et deuxième trimestres 2019, après une forte baisse au trimestre précédent, et retrouve son niveau atteint un an auparavant ».

Le chômage au sens large du terme

Depuis 2018 le gouvernement a décidé d’abandonner le système mensuel des statistiques sur le chômage ne permettant pas selon lui de dégager les vraies tendances du chômage. Ces statistiques sont devenues trimestrielles, celles de Pôle emploi donc. L’établissement public classe lui les demandeurs d’emplois en trois catégories : la catégorie A pour les personnes qui n’ont pas du tout travaillé dans le mois, la catégorie B traduisant une activité réduite et de courte durée dans le mois et la C pour une activité réduite longue dans le mois.

Pour Pôle emploi qui publiait ses chiffres mi-juillet, le chômage a reculé en France (métropole et outre-mer) de 0,5% pour les trois catégories au 2e trimestre (un recul plus faible que les deux mois précédents). Il concerne cependant encore 5,887 millions de personnes dont plus de 3,632 millions de personnes en catégorie A (soit autour de 12% de la population active) et 2,20 millions en catégories B et C.

A ces 5,88 millions de personnes, Pôle emploi souligne qu’il faut en ajouter d’autres, soit 639 000 personnes inscrites dans l’établissement mais non tenues de chercher un emploi (catégories D et E : personnes non disponibles, en contrat aidé, en maladie, créant une entreprise….). Au total donc, Pôle emploi comptabilise 6,51 millions de personnes concernées par le chômage.

Rien qu’en métropole, on compte 3,37 millions de personnes dans la catégorie A. Au total, près de 5,6 millions de personnes inscrites à Pôle emploi en métropole sont tenues de chercher un travail.

Les conséquences des récentes réformes sur les retraites…

Y a-t-il alors une grande différence entre les statistiques sur le chômage faites par l’Insee et celles faites par Pôle emploi ? Quand l’Insee compte en France (en écartant Mayotte) environ quatre millions de chômeurs (y compris ceux se situant dans le halo du chômage), Pôle emploi comptabilise en France (métropole et toute l’outre-mer) plus de 6,5 millions de personnes concernées par le chômage.

Début juillet, la Dares (ministère du travail) a publié un dossier portant justement sur cette distorsion de chiffres entre l’Insee et Pôle emploi. Ce dossier explique notamment qu’« entre 2013 et 2017, le nombre d’inscrits en catégorie A inactifs au sens du BIT a augmenté de 0,3 million de personnes ; cette hausse a le plus contribué à accroître l’écart entre le nombre de chômeurs au sens du BIT et les demandeurs d’emploi inscrits en catégorie A ». La Dares détaille… « La part des seniors inactifs au sens du BIT et inscrits en catégorie A a particulièrement augmenté, dans un contexte de fin des dispenses de recherche d’emploi et de hausse de l’âge de départ à la retraite. Par ailleurs, la baisse du chômage des jeunes, plus souvent non-inscrits à Pôle emploi, a aussi contribué à accroître l’écart entre le chômage au sens du BIT et le nombre d’inscrits en catégorie A ».

L’envolée des radiations

La Dares a publié aussi cet été sa régulière étude des indicateurs sur le chômage laquelle évoque notamment les différents motifs de sortie des catégories A, B et C des demandeurs d’emplois au 2e trimestre 2019.

Ainsi, sur environ 529 500 demandeurs d’emplois en métropole (plus de 553 400 sorties en France hors Mayotte) sortis de ces catégories, plus de 224 700 l’ont été par défaut d’actualisation (soit 42,4% des motifs de sorties) et 45 000 par radiation administrative, soit 8,5% des motifs de sortie. La Dares note l’envolée de ce dernier motif puisqu’il connait une hausse 1,1% sur un an mais de 12,8% sur un trimestre. Cela a bien sûr fort à voir avec la réforme (inscrite dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel) concernant le contrôle appliqué aux chômeurs.

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante