CICE : son bilan n’a rien de flatteur

Economie par Valérie Forgeront

© Pascal SITTLER/REA

Le Comité de suivi du CICE auquel participe la Confédération FO vient de publier son quatrième rapport annuel, celui de 2017. Le bilan des effets du « crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi » est sévère, particulièrement en ce qui concerne le volet emploi. Sur la période 2013-2015, de 10 000 à 200 0000 emplois seulement auraient été sauvegardés ou créés indique le rapport. On est bien loin de la promesse du patronat qui assurait créer un million d’emplois grâce au CICE. En revanche le CICE a induit un manque à gagner pour l’État de plus de 62 milliards d’euros entre 2013 et 2016 indique le rapport. Cette évaluation est même en dessous de la réalité. En tenant compte des mises à jour annoncées par le gouvernement, le manque à gagner atteint 67 milliards entre 2013 et 2016. Il faut y ajouter un manque à gagner de 23 milliards au titre de 2017 et de plus de 20 milliards pour 2018. Bilan, fin 2018, le CICE aura induit un manque à gagner total de 99,10 milliards d’euros...

Ce qui restera dans l’histoire à propos des prétendus effets bénéfiques du CICE sur l’emploi pourrait se limiter d’une part à un Pin’s brandi en 2013 par le Président du Medef, M. Pierre Gattaz promettant la création d’un million d’emplois grâce au Crédit d’impôt sur la compétitivité et l’emploi, d’autre part au coût pharamineux de la mesure fiscale à destination des entreprises.

Dans son quatrième rapport annuel le comité de suivi du CICE –auquel participe la Confédération FO, représentée par le secrétaire confédéral en charge du secteur économique, Pascal Pavageau– dresse un bilan peu flatteur de la mesure au plan de ses retombées sur la création d’emploi. Quant aux effets bénéfiques du CICE dans d’autres domaines, le bilan n’est pas plus glorieux. Au mieux, incertain.

Si le CICE (adopté via la loi de finances de 2012 et en vigueur depuis le 1er janvier 2013 puis intégré en 2015 au Pacte de responsabilité) a été largement utilisé par les entreprises et s’il a conduit à une amélioration de leurs marges constate le rapport, les autres impacts du CICE sont beaucoup moins probants. En 2013 et 2014 rappelle le rapport il y a eu une absence d’impact de court terme du CICE sur l’investissement, la recherche et développement et les exportations. Jusque-là rien d’étonnant, les décisions d’investissement peuvent prendre du temps concède le comité de suivi.

100 000 emplois seulement…

Toutefois si l’on ajoute l’année 2015 (ces données sont les plus récentes, connues seulement depuis cet été) pour mesurer l’impact du CICE, le bilan ne s’améliore pas plus, particulièrement au niveau de l’emploi. Il y a un effet positif mais modéré du CICE, concentré sur les entreprises les plus exposées au CICE, soit le quart des entreprises les plus bénéficiaires du CICE constate le comité de suivi. Pour celui-ci le CICE aurait participé à sauvegarder ou créer de l’ordre de 100 000 emplois entre 2013 et 2015.

En prenant « une fourchette large », le CICE aurait eu un impact sur la sauvegarde ou la création de 10 000 à 200 000 emplois. Ce résultat est donc très éloigné de ce qu’annonçait le patronat en 2013, promettant la création d’un million d’emplois.

Le CICE a une assiette assise sur les rémunérations brutes soumises aux cotisations sociales versées par les entreprises dans la limite de 2,5 Smic. En 2013, le taux du CICE était de 4% des rémunérations versées. Il est passé à 6% de la masse salariale en 2014. Depuis le 1 janvier 2017, ce taux a été relevé à 7%. En 2018, prévoit le gouvernement dans son projet de loi de finances, le taux du CICE sera ramené à 6%. En 2019, cette réduction de l’impôt sur les sociétés ou sur les revenus visant à abaisser le coût du travail et qui peut bénéficier à toutes les entreprises (hors autoentrepreneurs) devrait être transformé en allègements de cotisations sociales.

Au-delà des effets du CICE sur l’emploi, sur un certain nombre d’autres points indique le rapport les résultats disponibles ne permettent pas de trancher ou demeurent relativement fragiles. Quoi qu’il en soit, aucun résultat décisif ne saute aux yeux semble t-il. Au plan de l’effet du CICE sur les salaires, le rapport du comité de suivi estime qu’il est difficile de trancher. L’effet CICE aurait plutôt favorisé les cadres et les professions intellectuelles supérieures. Le CICE n’a donc pas profité à l’ensemble des salaires… ce qui constituait une des promesses du patronat en amont de la création du crédit d’impôt.

Près de 100 milliards de recettes fiscales abandonnées en six ans…

Quel bilan peut-on tirer d’ores et déjà du CICE en terme budgétaire ? Au fil des années, le crédit d’impôt pèse de plus en plus lourd. En amont de mises à jour réalisées par le gouvernement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018, le rapport du comité de suivi apportait une première réponse. En 2013, le CICE avait induit un manque à gagner de 11,6 milliards d’euros pour l’État. En 2014, il était évalué à 17,5 milliards. Pour 2015, 17,9 milliards et pour 2016, ce manque à gagner atteignait 15,1 milliards. Au total, de 2013 à 2016, le CICE aurait donc induit un manque à gagner de 62,10 milliards en termes de recettes fiscales.

Les mises à jour du gouvernement viennent exacerber le poids du CICE. Ainsi le manque à gagner en 2014 est révisé à la hausse à 17,7 milliards. Pour 2015, même révision à la hausse, à 18,6 milliards. Même phénomène encore en 2016 où le manque à gagner dû au CICE atteint 19,2 milliards. Bilan : entre 2013 et 2016, le CICE a induit un manque à gagner total de 67,1 milliards d’euros.

L’addition est incomplète. Il faut ajouter le manque à gagner dû au CICE pour 2017, soit 23,1 milliards d’euros selon l’estimation du gouvernement. À ajouter enfin le manque à gagner prévu en 2018 soit 20,5 milliards d’euros.

De 2013 à 2018, le CICE qui a participé à reconstituer les marges des entreprises mais fort peu à créer des emplois a induit au total un manque à gagner de recettes fiscales à hauteur de 99,10 milliards d’euros… Dans ce même temps, les gouvernements qui visent à résorber au plus vite le déficit public prônent des plans drastiques d’économies lesquels mettent notamment les services publics à la diète.

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante

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