Clément Crespi, la découverte de la solidarité syndicale

Les articles de L’InFO militante par Sandra Déraillot, L’inFO militante

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En Isère, Clément Crespi travaille à la création du premier syndicat de son entreprise de conseil et prestation en relevés topographiques. A 24 ans il est bien décidé à faire grandir l’initiative dans un secteur où les salariés sont rarement syndiqués.

Plus qu’une dernière réunion, des lignes directrices précisément couchées sur le papier, et le syndicat FO deviendra réalité. A sa tête et à l’origine du projet, Clément Crespi, géomètre-topographe pour la société de conseil et de prestations Sintegra. Quand j’ai lancé l’idée d’un syndicat certains collègues avaient peur que cela soit mal vu par le patron ou vienne compromettre leur carrière, mais moi - je ne sais pas si c’est l’insouciance de la jeunesse - je sais que notre métier est essentiel et que peu importe ce qui m’arrive, il y aura toujours du travail je saurai rebondir.

A 24 ans ce jeune topographe travaille depuis déjà six ans. Savoyard, il s’est installé à Grenoble dès son premier poste. Objectif : vivre le métier-passion auquel il s’est formé via l’apprentissage. Il s’agit de représenter la réalité du terrain sur un plan. On dessine à partir des points relevés. Cela doit se faire dans les règles de l’art, pour être au plus proche du réel. C’est toute la beauté du métier.

Jeune, mais déjà plus novice, Clément a rapidement senti que les fondamentaux de sa pratique professionnelle pouvaient être impactés par des réalités plus prosaïques qu’artistiques. Ma plus grande désillusion dans la vie active a été de constater que tout était lié à l’argent, explique-t-il. Et pour cela il faut que nous travaillions toujours plus vite, au risque de bafouer certaines règles. Et de raconter comment, lors d’une mission de contrôle il s’est aperçu que des confrères ne réglaient pas systématiquement le niveau de leur tachéomètre. De quoi alarmer, car rappelle Clément : Qu’il s’agisse de construire une route, un bâtiment, de creuser un tunnel, nos relevés doivent être d’une précision exemplaire. Nous sommes les yeux du chantier. Tous les corps de métier de la construction vont ensuite se référer à nos cotes.

Et pour aller toujours plus vite, la technologie et la robotique amènent de plus en plus les topographes à travailler seuls, là où ils intervenaient auparavant à deux. Cela double la charge de travail et la charge mentale, observe Clément. Quant à la rémunération, si la profession est encadrée par une convention collective à laquelle est rattachée une grille de salaires, le franchissement des 5 échelons qui jalonnent la carrière est lié à l’appréciation de l’employeur. Certains d’entre nous peuvent demeurer 10 ans au niveau junior…

Démarrer de zéro

Pour Clément, la goutte qui a fait déborder le vase est tombée lors du confinement. Alors en mission, sous terre, avec une trentaine de professionnels venus de toute l’Europe, sans masque et à un moment où le Covid faisait des ravages, il réalise la fragilité de sa position. Pour la première fois je me suis dit : ce n’est pas normal qu’on soit obligé de se mettre en danger parce qu’un patron nous a dit de le faire. De retour au siège de l’entreprise, il demande si un syndicat existe. Il n’y avait rien. Il m’est apparu évident qu’il fallait le créer.

Clément commence à discuter avec ses collègues. Nous sommes une équipe assez jeune dans notre agence, en droit du travail et fonctionnement d’un syndicat nous partons de zéro et il nous a fallu lire pas mal. Au passage, il réalise qu’il existe un syndicat des patrons de sa branche, auquel tous sont syndiqués.

Le rachat de l’entreprise par une structure plus grosse est alors annoncé aux salariés. En nous renseignant sur cette opération nous avons appris que FO était majoritaire dans ce groupe. Comme on voulait un syndicat qui connaisse notre milieu, on a choisi FO. Et on a tout de suite adhéré à sa philosophie : pas de confrontation directe, ne pas dire non à tout, mais pas oui à tout non plus. L’UD accueille les apprentis syndicalistes (7 encartés à ce jour) à bras ouverts. Ils nous ont vraiment consacré du temps, c’est rassurant souligne Clément.

Le syndicalisme, quelque-chose qui me fait grandir

Depuis le jeune-homme peaufine son militantisme. Cette année nous avons organisé des départs en grève sur la réforme des retraites. Cela fait 23 ans que notre employeur n’avait pas connu cela. Dans les cortèges et les AG, il découvre une énergie insoupçonnée, une mixité stimulante. A tel point que l’engagement pourrait presque prendre le pas sur les randonnées dans le massif de la Chartreuse ou les soirées entre copains que le jeune professionnel affectionne. Je rencontre des personnes de tous horizons, de vieux ouvriers d’usine, des militants LGBTQ, des fonctionnaires de l’INRA… Il se dégage vraiment une ambiance particulière des travailleurs de cette ville.
En n’oubliant pas, après chaque manif, de rassurer sa famille avec quelques photos de cortège bon enfant : Eux aussi ont peur que je me fâche avec le patron ou qu’il m’arrive quelque-chose, mais je veux leur montrer que le syndicalisme ce n’est pas ça, mais plutôt quelque-chose qui me fait grandir.

Sandra Déraillot Journaliste à L’inFO militante

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