Alors que traité commercial entre l’UE et le Canada est entré en vigueur le 21 septembre 2017 pour sa partie relevant des compétences de l’UE, seuls cinq pays des 38 États et régions ont paraphé le Ceta : la Lettonie, le Danemark, l’Espagne, le Portugal, la Croatie et Malte.
Côté français, aucune date de ratification n’a pour le moment été programmée. Une commission d’experts indépendants missionnée par le Premier ministre pour analyser l’impact du Ceta sur l’environnement, le climat et la santé. Elle a rendu son rapport le 8 septembre 2017 et émis neuf recommandations.
Rien sur le climat et si peu sur l’environnement
Grand absent de l’accord : le climat, déplore le groupe d’expert. Et si des chapitres concernant l’environnement ont bien été insérés, ils ne contiennent aucun engagement contraignant. Car le Ceta est un modèle qui déterminera l’architecture des futurs traités commerciaux signés par l’UE. Les accords globaux dits de nouvelle génération ne s’intéresseront pas uniquement aux questions de droits de douane et de barrières tarifaires, mais réguleront d’autres secteurs tels que l’investissement, les marchés publics, les télécommunications, le commerce électronique, l’environnement et la santé.
Rien n’est prévu pour limiter le commerce des énergies fossiles et la hausse des émissions de CO2 du transport maritime international et aérien induite par le traité
, signale le 3 octobre Kathline Schubert, présidente de la commission indépendante, lors de son audition devant les parlementaires. Avant d’ajouter qu’il est souhaitable que soit instauré un veto climat, qui exclurait les futures réglementations nationales visant à la lutte contre le changement climatique des compétences du tribunal chargé des différends entre les États et les multinationales.
Rien non plus pour inciter la mise au point et l’adoption de technologies moins émettrices de carbone. Rien sur la convergence des instruments de lutte contre le changement climatique. Quant au pétrole issu des schistes bitumineux, le rapport demande que les importations vers l’Europe soient limitées et que l’UE révise la directive carburant afin de distinguer le pétrole conventionnel et le pétrole de schiste.
Pas de visites de contrôle programmée en 2018
Nous ne prétendons pas qu’il n’y a pas de perdants dans les accords commerciaux
, poursuit Kathline Schubert. Parmi eux : la filière bovine européenne. Avec un contingent de 65 000 tonnes, l’accord entraînera une augmentation des importations de viande de bœuf canadienne. Si l’accord prévoit de créer au Canada une filière bovine spécifique garantie sans hormone destinée à l’exportation vers l’Union européenne et une filière porcine sans traitement à la ractopamine, il est muet sur les questions du bien-être animal, de l’alimentation animale (farines animales ou non ?) et de l’administration d’antibiotiques comme activateurs de croissance
. Les experts recommandent que soient effectués des contrôles au Canada. Problème, l’Office alimentaire et vétérinaire, qui dépend de la Commission européenne, ne prévoit pour 2018 aucune mission au Canada pour vérifier la conformité des viandes exportées vers l’Europe.
Autre point méritant une vigilance particulière selon les experts : la question des biotechnologies, notamment celle qui concerne les nouvelles techniques de génie génétique qui pourraient entrer dans le champ couvert par la réglementation OGM en Europe, alors que le Canada a déjà décidé qu’elles ne relevaient pas de cette réglementation.
Un tribunal inutile ?
Quant aux nouvelles instances créées par le Ceta, deux d’entre elles ont particulièrement retenu l’attention des experts : celle qui doit régler les différends investisseurs-États (ICS) et le Forum de coopération réglementaire (FCR). L’ICS n’est pas réellement utile entre l’UE et le Canada. Sa seule justification est la volonté de l’UE que le Ceta soit un modèle pour les futurs accords. Sous la pression de la France et des ONG, la première version a évolué et on s’éloigne de l’arbitrage privé avec des juges publics en partie rémunérés par l’État
, rappelle Kathline Schubert.
S’agissant du Forum de coopération réglementaire qui discutera des diminutions des différences de réglementation entre l’UE et le Canada. Le rapport relève que dans les domaines de l’environnement et de la santé, les différences de réglementations reflètent des différences de préférences collectives nationales et non pas des inefficacités qu’il faudrait éliminer
. Les risques bien réels peuvent émaner du fonctionnement de ces deux instances. La solution, selon les experts, réside dans le soin apporté à la désignation de ses membres et en particulier à la vérification de l’absence de conflits d’intérêt, à la transparence des débats et des propositions qui y seront formulées. Une condition importante pour éviter la « capture du régulateur », c’est-à-dire lorsqu’une institution publique de régulation se détourne de sa mission en faveur de la collectivité et de l’intérêt général pour servir des intérêts commerciaux privés.
Incertitudes juridiques
Reste encore à éclaircir ce qu’il se passera si un État ne ratifie pas l’auteur ? Difficile à dire, car les interprétations juridiques sont incertaines, soit tout s’arrête soit le processus continue, une chose est cependant sûre, tant que les États membres n’ont pas tous ratifié son application provisoire continuera de s’exercer.
Outre-Rhin, la Cour constitutionnelle fédérale a par exemple été saisie et exige la garantie que l’Allemagne pourra quitter l’accord au cas où elle lui demanderait.
En Belgique, le parlement Wallon a saisi le 7 septembre la cour européenne de justice de l’UE sur la compatibilité du tribunal de règlement des différends Investisseurs-États avec les traités européens. L’avis de la CJUE est attendu pour fin 2018-début 2019. En France, le Conseil constitutionnel a estimé fin juillet 2017 que l’accord était compatible avec la Constitution française.