Collaborateurs parlementaires : leur statut peut toujours attendre

Emploi et Salaires par Valérie Forgeront

La délégation de l’intersyndicale devant le ministère du Travail le 19 avril 2017. En partant de la droite, Thierry Besnier et Mickaël Levy (FO) Photo : F. Blanc (CC-BY-NC 2.0).

Depuis des années ils revendiquent un vrai statut. La revendication perdure et le chemin pour obtenir la création d’une convention collective ou d’une branche paraît encore bien lointain. Si par la rencontre ce 19 avril entre six organisations syndicales dont FO et la ministre du Travail, Mme Myriam El Khomri le cas les attachés parlementaires a un peu progressé, ces collaborateurs de députés ou de sénateurs devront encore cent fois sur le métier remettre leur ouvrage avant d’être reconnus dans leurs droits…

Les six syndicats d’attachés parlementaires (2018 salariés) dont SNCP-FO organisaient ce mercredi 19 avril une marche de l’Assemblée nationale jusqu’au ministre du Travail. Objectif : soutenir la délégation syndicale dans le cadre de la rencontre avec les organisations acceptée par la ministre du Travail Myriam El Khomri.

Les syndicats de ces salariés dont le travail —bien réel— a été sous les projecteurs médiatiques ces dernières semaines dans le cadre de l’affaire Pénélope ont décidé de se tourner vers la ministre. Les parlementaires (députés et sénateurs) semblent en effet toujours aussi peu soucieux de leurs tourments en matière de droit travail.

A l’Assemblée comme au Sénat nous ne sommes toujours pas les bienvenus pour parler d’une possible création de statut à travers une convention collective voire de la possibilité ou non d’obtenir la création d’une branche professionnelle confirme Thierry Besnier, le secrétaire générale du SNCP-FO, syndicat majoritaire chez les collaborateurs.

Or pour le syndicat il est largement temps de mettre fin à une zone de non droit aussi bien à l’Assemblée qu’au Sénat pour ces salariés, cadres, contractuels de droit privé (sous CDI ou CDD) assimilés à des salariés de TPE. Leur salaire moyen à temps plein se situe autour de 2400 euros nets. 40% des collaborateurs gagnent moins de 2000 euros nets.

Rien d’extraordinaire donc pour ces salariés hyper diplômés assurant des tâches très diverses et très lourdes pendant des journées très longues. Ces attachés parlementaires sont en charge par exemple des discours (d’un député, d’un sénateur, d’un groupe ou encore d’un président de commission). Ils peuvent aussi être en charge de la communication du parlementaire, des tâches administratives, de travaux juridiques sur des textes de loi…

Pas d’avancée depuis le 24 novembre

Les collaborateurs, autrement nommés aussi « assistants » ou « attachés » parlementaires sont rémunérés par le député-employeur ou le sénateur sur la base d’une enveloppe nommée « crédit collaborateur ». Cette organisation est au cœur du problème des assistants. Il y a donc des centaines de microentreprises indique Mickaël Levy, le secrétaire adjoint du SNCP-FO. On compte en effet 577 députés et 348 sénateurs.

Dans ces microentreprises, l’employeur règne en quelque sorte en maître. Lorsque nous évoquons la nécessité d’un cadre juridique sécurisé pour le métier de collaborateur, nos employeurs nous renvoient à la liberté du parlementaire ! Or nous, nous voulons parler du droit du travail.

Après de longues négociations, les syndicats dont le SNCP-FO et l’association des députés-employeurs (créée en mai 2016) avaient signé le 24 novembre dernier un accord collectif marquant —certes a minima— un premier pas vers la reconnaissance d’un statut pour ces salariés. Depuis, la situation piétine.

Puisque la loi El Khomri le prévoit…

Or l’issue des prochaines échéances électorales peut rimer pour beaucoup de collaborateurs avec un licenciement si le mandat de leur parlementaire-employeur n’est pas renouvelé. Faute de détenir un vrai statut, ces salariés sont en général licenciés pour motif personnel et non pour motif économique. Au plan financier, cela change tout. Les indemnités dues pour un licenciement pour motif personnel équivalent à 57% du salaire brut. Dans le cadre d’un licenciement économique, elles sont portées à 75% de ce salaire…

Dans cette dernière ligne droite avant la fin de la mandature c’est notamment cette revendication d’un licenciement économique pour les collaborateurs qu’ont voulu porter ce jour les syndicats.

Avant la rencontre avec Myriam El Khomri, ils insistaient sur la possibilité pour la ministre du Travail d’une action par lettre-circulaire auprès des services de Pôle emploi. La ministre aurait ainsi informé officiellement ces services que rien juridiquement ne s’opposait à une procédure de licenciement économique pour les attachés.

Rien d’autant plus la loi Travail autrement appelée loi El Khomri prévoit par son article 67 que la cessation d’activité de l’entreprise constitue un motif de licenciement économique. Cette situation correspond à celle des collaborateurs en juin prochain.

Action ministérielle a minima

La ministre a toutefois choisi de ne pas agir ainsi. Si souligne le SNCP-FO Myriam El Khomri fait les mêmes constats que les syndicats concernant les problèmes inhérents à l’absence de statut pour les collaborateurs elle ne compte pas agir en faveur de la création d’un statut ni d’une possibilité de licenciement économique. La ministre dit ne pas croire en cette stratégie et indique par ailleurs que la période politique est peu propice à imposer une position ministérielle indique Mickaël Levy.

Pour Myriam El Khomri la question d’une création d’un statut pour les collaborateurs doit passer par une action du législateur. L’examen du dossier est donc renvoyé à plus tard soit à la prochaine mandature analyse le SNCP-FO soulignant qu’un avancement sur ce dossier nécessite « une volonté politique ». La ministre semble faire la même analyse indique le syndicat.

La rencontre entre les syndicats de collaborateurs et Myriam El Khomri devrait au moins déboucher sur une mission confiée à la DGT. La Direction général du Travail devra apporter une assistance technique pérenne (pour les relations avec le Parlement, Pôle emploi) aux syndicats dans leur combat pour obtenir un statut. La DGT indique par ailleurs le SNCP-FO va adresser prochainement un courrier aux présidents du Sénat et de l’Assemblée pour leur confirmer que les parlementaires ont effectivement la possibilité de pratiquer des licenciements économiques pour leurs collaborateurs.

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante

Sur le même sujet