Collectivités territoriales : le blues de la rentrée

Service Public par Valérie Forgeront

© Marta NASCIMENTO/REA

Les collectivités territoriales, particulièrement les communes, ont l’humeur maussade en cette rentrée. Il faut dire que depuis la mi-juillet, l’Exécutif leur annonce l’arrivée prochaine de nouvelles mesures qui pourraient impacter dangereusement leur fonctionnement, l’état de leurs comptes déjà fragiles et par conséquent les missions qu’elles assurent auprès des administrés, usagers des services publics locaux.

Pour contester la baisse des dotations de l’État aux collectivités locales, la mairie de Frontignan (23 000 habitants) dans l’Hérault a déployé ce 1er septembre sur plusieurs bâtiments de la commune (mairie, cinéma, école…) des banderoles annonçant leur mise en vente pour 2,5 millions d’euros chacun.

C’est le montant de la baisse totale de la dotation sur cinq ans pour Frontignan indique la mairie qui a poussé la protestation jusqu’à faire paraître aussi des annonces de vente sur un site national bien connu de petites annonces.

Dans la région parisienne, le président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, un des départements les plus pauvres de France, et plusieurs maires et responsables associatifs s’élèvent eux en cette rentrée et à travers une tribune écrite dans un quotidien national contre un nouveau coup de massue asséné par le gouvernement sur les quartiers populaires.

Ils rappellent la décision du gouvernement (prise cet été à travers un décret du 20 juillet listant les différents reculs de crédits ministériels) de baisser de manière « drastique » le budget de la politique de la ville. La baisse sera de 46,5 millions en 2017 dont 2,1 millions rien que pour la Seine-Saint-Denis.

L’objectif des économies

Cette annulation de crédits à hauteur de 11% avait déjà fait réagir début août plusieurs maires de grandes villes et villes moyennes, de tous bords politiques. Ces coupes sombres dans les budgets participeraient à mettre en péril des actions sociales et d’insertion professionnelle en faveur des quartiers s’alarment-ils.

Plus largement, nombre d’élus à titre personnel ou via leurs associations fustigent la baisse de 300 millions pour 2017 des crédits de l’État à destination des collectivités territoriales. Cette diminution avait été annoncée aussi au cœur de l’été, trois jours après la tenue de la Conférence des territoires le 17 juillet en présence du chef de l’État. Les élus et leurs associations ont fait part alors de leurs inquiétudes quant au devenir des projets et donc de dépenses qu’ils avaient programmés d’ici la fin 2017.

Lors de cette rencontre organisée au Sénat avec les élus, l’Exécutif avait en effet annoncé aux collectivités territoriales qu’elles devront réduire leurs dépenses de treize milliards d’euros en cinq ans (de 2018 à 2022) et non pas « seulement » de dix milliards comme envisagé initialement.

Autre annonce faite cet été encore… L’exécutif a prévenu que le nombre d’emplois aidés serait en diminution pour 2017. Le nombre de ces contrats financés par l’État passerait de 460 000 en 2016 à 320 000 cette année. Alors que ces contrats sont très utilisés dans les différents services offerts par les municipalités (emplois d’auxiliaire de vie, accompagnateurs scolaires, aide à la restauration scolaire…) l’annonce a fait bondir les élus du bloc communal.

Des ordres en un éclair

Face à toutes ces annonces autant dire qu’en cette rentrée, les élus locaux ont l’humeur contestataire. Ainsi ce 6 septembre, les six associations de maires ont demandé un moratoire sur la baisse des emplois aidés. Les élus se disent en colère et fustigent les méthodes brutales de l’exécutif. Alors a annoncé le gouvernement qu’une mission sur les emplois aidés rendrait ses conclusions à la fin de l’année, les maires demandent au gouvernement de faire des propositions assez vite.

Si les élus demandent à être rassurés, le Président de la République intervenant ce 5 septembre devant les préfets a tenu des propos qui n’amèneront pas forcément la quiétude au sein des collectivités territoriales. M. Emmanuel Macron a ainsi indiqué que les entités locales ne subiraient pas une baisse brutale des dotations de l’État en 2018. Pas si simple. Les crédits d’aménagement du territoire, de politique de la ville et l’ensemble des dotations aux collectivités seront maintenus assure le chef de l’État qui, en même temps toutefois, annonce la couleur en matière de respect des consignes sur les économies à obtenir.

L’effort financier demandé cet été aux collectivités serait-il envoyé aux oubliettes de l’histoire ? Non. J’ai demandé aux collectivités territoriales de faire des économies de fonctionnement. J’ai demandé aux collectivités de faire des efforts, j’ai donné des objectifs, il faut qu’ils soient tenus indique M. Emmanuel Macron. Fermez le ban… Ou presque.

Nouveau rôle des Préfets

L’on apprend aussi que le chef de l’État qui demande aux préfets d’avoir un rôle de managers ou encore d’entrepreneurs de l’État sur le territoire entend leur confier un nouveau rôle. Les préfets seraient ainsi chargés de préparer des contrats financiers que l’État entend établir avec trois-cents collectivités (régions, départements, villes) lesquelles, indique le chef de l’État, représentant 80% des dépenses locales. Les préfets quant à eux auraient désormais voix au chapitre en ce qui concerne la conception des budgets (établissement des recettes et dépenses) des entités locales.

Pour le gouvernement, ces contrats financiers visent à focaliser l’effort total de réduction de la dépense locale sur ces grandes collectivités (Paris, Lyon, région Nouvelle Aquitaine, département des Hauts-de-Seine…). L’exécutif entend que les dépenses totales de fonctionnement des collectivités territoriales reculent de 2,6 milliards dès 2018.

L’établissement de ces contrats avec ces grandes collectivités ne signifie pas que les autres entités locales sont exemptées d’économies à réaliser… Cela ne veut pas dire en effet qu’on peut contourner une baisse des dépenses s’empresse de préciser le gouvernement qui vise un recul de vingt milliards de la dépense publique (État, collectivités, Sécurité sociale) en 2018.

Concrètement, si les collectivités n’appliquent pas d’elles-mêmes le principe d’une baisse de leurs dépenses de fonctionnement, le couperet de la baisse des dotations pourrait tomber. Cela équivaut à un assentiment contraint.

Recul des dépenses d’investissement

Les collectivités s’inquiètent déjà. Le 5 septembre, lors du Comité des finances locales, le secrétaire général de l’association des maires de France, M. Philippe Laurent, maire de Sceaux et par ailleurs Président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale a rappelé qu’en trois ans, de 2013 à 2016 la baisse des dotations aux collectivités a sacrifié 23 milliards d’investissements publics.

Cela a eu d’importances conséquences sur la dégradation des infrastructures et des bâtiments ainsi que sur l’emploi local dans les entreprises de BTP [Bâtiment et travaux publics, NDLR] assure l’élu qui souligne aussi le rôle irremplaçable des services publics locaux, aujourd’hui très gravement menacés, dans le maintien de la cohésion sociale.

Par ailleurs, alors que les dépenses des collectivités territoriales sont mises régulièrement en accusation par l’État, il rappelle que l’endettement public local représente moins de 10% de la dette publique globale.

De son côté, le rapport 2016 de l’Observatoire des finances locales note que les dépenses de fonctionnement des entités locales ont reculé de 0,2% et les effectifs (hors contrats aidés) ont diminué de 0,3%. Le rapport rappelle aussi quelques chiffres concernant le recul des dépenses publiques d’investissement des collectivités territoriales…

Elles ont reculé de 7,7% en 2014 puis de 8,4% en 2015 et de 3% en 2016. Les dépenses d’investissement diminuent donc depuis trois ans. Il faut remonter à plus de vingt ans, de 1995 à 1997 pour observer ce phénomène.

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante