Colloque de l’Ires : le constat d’inégalités creusées par les ordonnances de 2017

InFO militante par L’inFO militante, Thierry Bouvines

Les ordonnances de 2017 n’ont pas annulé l’intérêt de la branche mais elles ont augmenté les inégalités entre entreprises. Autre constat émanant d’un colloque de l’Ires auquel participait FO, elles n’ont pas réglé le déficit de couverture des salariés des PME.

Cinq ans après leur adoption, les ordonnances du 22 septembre 2017 relatives au dialogue social étaient, quant à leurs effets, sous les projecteurs de l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires) organisant un colloque sur ce thème le 23 septembre dernier. Un colloque enrichi par la contribution de chercheurs, de syndicalistes et d’experts en vue de dresser un bilan. Une contribution qui complète notamment le travail du comité d’évaluation abrité par France stratégie.

L’éventail des questions suscitées par ces ordonnances est large. Le « choc de simplification » promis par la fusion des IRP a-t-il eu lieu ? Que devient la couverture conventionnelle des salariés des PME ? Quelle place pour l’accord de branche et pour l’accord d’entreprise dans un ordre public social revisité ? Lors de ce colloque, Patricia Drevon, secrétaire confédérale de Force ouvrière, est intervenue sur deux points.  FO a toujours été très attachée à la branche professionnelle car elle permet de garantir un même socle de droits pour tous les salariés d’un même secteur d’activité et de réguler la concurrence entre les entreprises, a-t-elle entre autres rappelé.

Et si FO n’est pas opposée à l’accord d’entreprise, c’est à la condition qu’il soit mieux disant que les conventions de niveau supérieur. Or l’ordre social issu des ordonnances n’obéit plus à ce principe de faveur. En outre, dans la pratique,  la lisibilité du droit applicable devient plus difficile pour des non-initiés, constate-t-elle. Il y a désormais les sujets dont la branche décide qu’ils ne relèvent que d’elle, ceux où la primauté est donnée à la branche (les accords d’entreprise doivent alors être plus favorables) et ceux (la grande majorité) où l’accord d’entreprise est prioritaire. Il y a aussi ce qui est d’ordre public, négociable et supplétif.

Au milieu de tout cela, la position des négociateurs en entreprise est inconfortable. Soumis au lien de subordination, ils ne sont pas les mieux placés pour négocier. Au final, les négociateurs de branche sont plus armés, mieux formés, et plus structurés avec l’appui des syndicats, relève-t-elle.

La branche reste la référence normative

Cinq ans après les ordonnances, la décentralisation de la négociation vers l’entreprise n’a pas totalement annulé l’intérêt de la branche, notent les chercheurs Marcus Kahmann et Catherine Vincent (Ires), auteurs d’une étude auprès de quatre entreprises dans les secteurs de la métallurgie et du commerce, trois très grandes et une moyenne.

D’abord la négociation n’a pas été systématiquement décentralisée dans les entreprises. Très poussée dans le commerce, la négociation d’entreprise est beaucoup plus récente dans la métallurgie. Dans ce dernier secteur, les entreprises privilégient les accords de groupe dans le but de créer un statut social unique favorisant la mobilité interne. Ensuite, la convention collective de la branche continue à servir de référence aux entreprises pour créer un statut interne mieux disant destiné à attirer et retenir les salariés. C’est également un élément de régulation de la concurrence inter-entreprises.

En pratique, loin d’abandonner la négociation de branche, les entreprises s’orientent vers une « décentralisation sélective ». Cela peut aller de pair avec une centralisation de la négociation au sein du groupe. Au final, l’accord de branche demeure comme référence normative. Mais il n’en reste pas moins que la décentralisation approfondit les inégalités sociales entre entreprises, tous les syndicats ne disposant pas des mêmes ressources pour négocier.

Quant aux salariés des TPE et des PME, ils restent dans l’angle mort d’une réforme faite pour et par les grandes entreprises. La décentralisation de la production de normes n’étant pas adaptée aux PME, les rédacteurs des ordonnances de 2017 ont poussé plusieurs dispositifs. Dans les entreprises sans délégué syndical, la négociation était jusqu’alors réservée aux élus et aux salariés mandatés. Les ordonnances ont modifié les choses : dans les entreprises de moins de 21 salariés, elles autorisent la ratification d’un texte unilatéral de l’employeur par les salariés. La première version du projet de décret permettait même un vote à main levée !, rappelle Patricia Drevon. Devant l’opposition des syndicats, cette mesure a été supprimée. Mais dans de si petites structures, la confidentialité est quasiment impossible à assurer, constate-elle.

Les « accords types », conclus par les branches et directement applicables dans les PME constituent une autre « nouveauté » introduite par les ordonnances. Sauf que  rares sont les branches à avoir négocié ce type de dispositifs, note Patricia Drevon. Quant aux observatoires départementaux d’appui au dialogue social, censés accompagner les entreprises de moins de 50 salariés, force est de constater, qu’ils n’ont pas rencontré le succès escompté, relève-t-elle. Nombreux sont nos camarades à témoigner d’une inutilité de cette instance..

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération

Thierry Bouvines

Sur le même sujet